Brésil - Le peuple Shanenawa

Publié le 11 Octobre 2019

Enfants Shanenawa, village de Morada Nova, Terra Indígena Katukina/Kaxinawá, Feijó, Acre. Foto: Mônica Barroso, 2003

Peuple autochtone du Brésil vivant dans l’état d’Acre et dont l’histoire est commune des expériences vécues par la plupart des peuples de cet état. Au début du XXe siècle ils sont victimes de l’occupation rapide et violente de la région basée sur l’extraction du caoutchouc où ils seront à un moment intégrés aux taches d’exploitation du caoutchouc et du latex.

Après plusieurs déplacements ils commencent à vivre sur un terrain qui a ensuite été approuvé sous le nom de Katukina/Kaxinawá mais cela était une erreur car ils ont été confondus avec les indiens Katukina et appelés comme tels. Craignant de perdre leurs terres et en tenant compte de l’histoire de violence qu’ils avaient subie les Shanenawa ont décidé de dissiper le malentendu. Les études des linguistes menées dans les années 90 ont confirmé cette confusion, la langue shanenawa étant de la famille des langues pano et non de la famille katukina.

Population : 763 personnes (2014)

Le nom

Shane = espèce d’oiseau bleu, nawa = peuple étranger : peuple de l’oiseau bleu (ils disent que ce serait un oiseau difficile à voir mais que son apparition était un signe de conflit et de guerre entre groupes indigènes).

Localisation

 

Crianças Shanenawa brincando na beira do rio Envira, aldeia Morada Nova, Terra Indígena Katukina/Kaxinawá, Feijó, Acre. Foto: Mônica Barroso, 2003

Etat d’Acre, partie centre-nord de cet état, sur la rive gauche du rio Envira, dans la municipalité de Feijó.

Ils auraient, selon les anciens, migrés dans cette région en provenance d’autres régions situées en amont du rio Gregorio en raison des correrias (des persécutions armées contre les peuples autochtones accompagnant l’ouverture de l’installation de l’extraction du caoutchouc à Acre à la fin du 19e et début du 20e siècle).

Une Terre Indigène (T.I)

T.I Katukina/Kaxinawá, 23.474 hectares, 1259 personnes de 2 peuples (Huni Kuin ou Kaxinawá et Shanenawa). Ville : Feijó.

Les IMAGES  de ce peuple

 

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Langue

Shanenawa de la famille des langues pano, elle n’est parlée que par les anciens mais elle n’est pas oubliée pour autant même après avoir été interdite pendant la période du travail du caoutchouc.

Cosmologie et rituels

Ils croient en la présence d’esprits de la selva, nommés jusin, qui sont surnaturels et surhumains. Il y a des jusin du bien et d’autres du mal. Le jusin principal est le jusin tsaka qui a la forme d’un animal monstrueux et qui détruit et brûle tout sur son passage. Les adultes se servent de ce jusin pour effrayer et faire obéir les enfants.

Les Shanenawa utilisent et consomment l’ayahuasca, umi dans leur langue, cette boisson à base de liane et de feuilles qui possède des vertus hallucinogènes, qui permettent de communiquer avec l’esprit des ancêtres à travers les visions pour les aider à régler les problèmes ainsi que servir de remède.

Il n’y aurait pas ou plus de chaman dans ce peuple mais pour autant les connaissances en phytothérapie ne sont pas perdues, elles sont riches et offrent des remèdes à presque tous les maux.

Chez les animaux sauvages, le remède le plus recherché est un antipoison d’une espèce rare de crapaud, le phyllomedusa bicolor.

Par en:User:Cburnett — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1661757

Le mariri

C'est un rituel traditionnel dont le nom vient d'un mot nheengatu pour désigner un événement typique parmi les Shanenawa et et les autres peuples de langues pano. Il a lieu a des dates non précises mais c'est le plus souvent pendant l'été d'Acre, d'avril à septembre car l"accès entre villages est facilité par l'absence de boues. Tout le monde peut y participer à condition de respecter les consignes transmises par les ancêtres.

Ils se peignent avec du roucou et du genipapo et mettent une jupe faite de bandes de feuillage ressemblant à du raphia pour danser le mariri.

D'autres jeux ou événements ont lieu comme le déguisement en jusin tsaka, une sorte de loup garou qui effraie les gens.

Le jeu de la canne à sucre où un homme dispute un morceau de canne avec une ou plusieurs femmes. Les femmes sont autorisées à user de leur force pour tirer comme elles le peuvent le morceau de canne des mains des hommes, par contre ceux-ci ne doivent pas user de leur force physique mais seulement se défendre par la parole.

Histoire du contact


Après trois ou quatre décennies de persécutions et de souffrances causées par l'occupation et l'exploitation violentes de l'état d'Acre, une nouvelle période a commencé, couvrant les décennies 1910-1980. Ce fut une période de renforcement des entreprises de caoutchouc qui s'installèrent le long des principales rivières et fondèrent des établissements pour l'exploitation du caoutchouc partout, laissant peu de place aux petits groupes d'indigènes pour se réfugier.

Au cours du processus de développement de l'économie du caoutchouc, les Indiens ont été affectés comme main-d'œuvre pour la fourniture de viande de brousse et d'autres produits alimentaires et ont ensuite été intégrés dans les tâches d'extraction du caoutchouc lui-même. En plus de ces activités, les Shanenawa ont également participé à "l'apprivoisement" des Indiens "courageux" - comme on appelait les Indiens non contactés - dans la région du haut rio Envira.

Leur mode de vie a subi une restructuration : les habitations se sont déplacées plus loin dans la forêt, où l'on trouve des seringueiras[Hevea brasiliensis]. Il y avait une plus grande abondance de chasse, mais d'un autre côté, ils ont renoncé à l'accès à de grandes quantités de poissons provenant des rivières et des cultures agricoles qu'ils faisaient pendant l'année.

L'ère du déclin des activités extractives a ouvert la voie aux activités d'élevage dans la région, ce qui a considérablement accru les conflits liés à la propriété foncière.

En 1930, après le départ de quelques Indiens Shanenawa vers le rio Envira et après avoir passé quelque temps près des sources des rivières, ils sont arrivés dans la ville de Feijó pour travailler sur une plantation. Leur premier village fut Morada Nova, qui en 2000 représentait encore la plus grande colonie Shanenawa. Peu de temps après, il a été démembré et a donné naissance à trois autres villages. Mais déjà à l'époque, on avait l'impression que ce village exerçait une certaine influence sur les autres, même si les espaces territoriaux et sociopolitiques établis dans chacun d'eux étaient respectés.

Plus tard, lorsque la plantation de caoutchouc a changé de mains, les Shanenawa ont été autorisés à vivre sur ces terres. Avec l'ouverture de la route BR-364 et l'escalade des conflits entre Indiens et colons, la Funai[Fondation Nationale de l'Indien] a entamé le long processus de récupération des terres, qui a duré une dizaine d'années.

Le territoire actuel des Shanenawa a été occupé à la fin des années 1950, devenant un espace où ils ont commencé à exercer leurs moyens de subsistance, leur organisation sociale, leur politique et leur culture. [Carlos Antônio Bezerra Salgado, 2005]

 

Lutte pour la terre


Au moment de leur arrivée pour exploiter les terres d'Acre, les collecteurs de caoutchouc ont rencontré une diversité de peuples autochtones dans la région, mais ils n'étaient pas intéressés par les différences linguistiques et culturelles qu'ils présentaient. Avec quelques noms, toutes les populations indigènes ont été baptisées, souvent avec le même nom sans se soucier s'ils étaient des groupes complètement différents.

Avec la construction de villages dans des territoires où vivaient autrefois des peuples autochtones, les Shanenawa ont perdu leur espace et n'avaient plus de place pour s'établir. Ils devaient travailler à la collecte du caoutchouc en tant qu'employés des Blancs afin de survivre. Pourtant, ces "propriétaires de Seringales", quand il n'y avait plus de services, les ont expulsés de la terre. Et cela arrivait partout où le groupe arrivait, parce qu'ils ne pouvaient rester dans le séringal que pendant qu'il y avait du travail.

Les Shanenawa disent qu'ils ont insisté à maintes reprises auprès des autorités de l'État d'Acre sur la nécessité d'avoir un endroit où vivre. Ils prétendaient que leur peuple mourait de maladie, de faim, et même d'une attaque des "patrons" en résistant à l'ordre de partir. Au bout d'un certain temps, ils ont trouvé un document prouvant leur occupation de la terre - selon le rapport du CIMI [Conseil missionnaire indigène] (1976). Le document dit qu'ils vivaient sur des terres appartenant au gouvernement - le gouvernement avait acheté la plantation et fait divers dons, y compris aux autochtones. Il s'agissait d'un document provisoire qui a été remplacé par un titre foncier lorsque la démarcation des terres autochtones a eu lieu.

Après un certain temps de contact avec les habitants de la région, les Shanenawa ont découvert qu'ils étaient considérés comme Katukina et non Shanenawa, leur nom original. L'erreur semble provenir d'une plaque placée dans le village, en face du rio Envira, sur laquelle le groupe était identifié par le nom Katukina. Plus tard, ils ont décidé de vérifier le nom sur le document foncier et ont découvert que le nom Katukina y avait également été enregistré.

Sentant l'erreur, certains Shanenawa sont allés voir les autorités, mais on leur a dit que s'ils insistaient pour dire qu'ils n'étaient pas Katukina, ils pourraient finalement perdre la terre. Compte tenu de toutes les difficultés qu'ils avaient traversées, ils sont arrivés à la conclusion que l'erreur de l'ethnonyme ne méritait pas beaucoup d'attention, car ce dont ils avaient vraiment besoin était la terre.

Maria Sueli de Aguiar, 1992 ; Carlos Antônio Bezerra Salgado, 2005].

traduction carolita de 2 extraits de l'article sur le peuple Shanenawa du site pib.socioambiental.org

Habitat

Maisons du village Morada Nova du peuple Shanenawa, Terra Indígena Katukina/Kaxinawá, Feijó, Acre. Foto: Mônica Barroso, 2003

La maison est de type palafitos selon  l’architecture des seringueiros, faite en bois, à 40 cm du sol avec un toit en paille.

Ils vivaient autrefois dans des cupixanas, de grandes constructions indigènes en paille habitées par les familles d »un clan.

Subsistance

Ils cultivent du manioc, des bananes, du maïs et des arachides comme cultures principales.

Les cultures de moindre importance sont celles des patates douces, ignames, courges, cará (colocasia esculenta), et des fruits comme les melons et pastèques.

Ils collectent dans la forêt des châtaignes (noix du Brésil), des mangues, de l’açaï en grande quantité, du coco jaci (babaçu ou Orbignya phalerata)

Ils élèvent de petits animaux car la chasse est devenue rare dans la région. Lorsque c’est possible de chasser, ils chassent de petits oiseaux, des lézards, des grenouilles. La chasses est plus prometteuse pendant la saison humide et les expéditions sont alors plus courtes, les sentiers sont plus faciles à identifier et le gibier est plus abondant.

Le menu principal des Shanenawa se compose de poisson, de bouillie de banane et de manioc. L’influence de la cuisine non indigène se manifeste dans l’utilisation du sel de mer et la consommation de riz, haricots, viandes diverses (de canard surtout), des aliments achetés sur les marchés de Feijó. L’influence se voit aussi dans certains plats cuisinés à base de viande.

La pêche est une activité de choix mais le problème est que les poissons deviennent rares dans le rio Envira et cette activité est réduite à certaines périodes de l’année.

Ils utilisent plusieurs méthodes de pêche dont celle au timbo, une substance toxique pour les poissons qui leur permet de les pêcher plus facilement.

La boisson la plus appréciée est le caiçuma (une espèce de masato ou chicha) de manioc ou de banane. La préparation est très simple, il faut après la cuisson pétrir l’aliment avec de l’eau et le laisser ensuite fermenter, peu de temps pour la banane, environ 24 heures pour le manioc. La teneur en alcool de ces 2 boissons est faible car elles sont consommées rapidement. Lorsque le caiçuma est fermenté plus de 3 jours, le taux d’alcool est alors plus élevé.

Les tabous ou restrictions alimentaires

Certaines étapes de la vie sont soumises à des périodes de restriction alimentaire. Les femmes enceintes doivent par exemple, éviter de manger des viandes fibreuses et pendant l’allaitement elles renforcent leur régime avec du caiçuma de maïs, de manioc ou de banane et elles consomment des bouillons.

Le peuple Shanenawa a des restrictions alimentaires sur les viandes de vautour, de paresseux, de fourmilier, d’opposum, de serpent et sur certains fruits de la forêt.

Artisanat

Les hommes fabriquent surtout des objets utilitaires, mais aussi des arcs et des flèches destinés à la vente.

Les femmes fabriquent des colliers, des bracelets, des jupes, des chapeaux, des paniers, des vases en céramique.

Une association Shanenawa du village de Morada Nova (ASAMN) assure la production à des fins commerciales pour assister le peuple dans la distribution de ses produits.

Organisation familiale et sociale

L’organisation  familiale est basée sur des noyaux composés d’un coupe de personnes âgées, de fils et filles non mariés, d’enfants mariés et leurs épouses, d’enfants adoptés et de petits enfants.

Le peuple est organisé en 5 clans :

Waninawa, le peuple de la pêche

Vaninawa, le peuple du soleil

Kamanawa, le peuple de l’once

Satanawa, le peuple des loutres

Maninawa, le peuple du ciel.

Les enfants sont membres du clan de leur mère et pourront épouser une personne appartenant au même clan. Il y a néanmoins beaucoup de mariages de nos jours qui ont lieu entre groupes indigènes ou avec des non indiens.

Le chef

L’organisation centrale se base sur la figure du chef, une position qui est héréditaire. Celui-ci doit se consacrer aux intérêts de la communauté, de la représenter dans ses contacts avec des autorités publiques des non indiens. Il a le pouvoir de prendre des décisions même si de plus en plus celles-ci sont prises collectivement avec les membres les plus importants de la population.

Une organisation interethnique est active dans la région pour défendre les peuples :

OPIRE, Organisation des Peuples Indigènes du Rio Envira.

source : pib socioambiental.org

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Brésil, #Peuples originaires, #Shanenawa

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