Brésil – Le peuple Katukina du rio Biá
Publié le 13 Septembre 2019

Emportant l'açaï à l'intérieur du pödak (Jatoba ou canoë en jatoba violet), dans le village de Boca do Bia. Photo : Jeremy Deturche, 2006.
Peuple autochtone vivant dans l’état d’Amazonas au Brésil.
Ils se désignent comme Tükuna, un terme dont se désignent aussi les Kanamari et qui veut dire « peuple ». Les deux peuples parlent des variétés d’une même langue et partagent de nombreux aspects culturels mais les Katukina sont uniques en ce qui concerne leurs mythes, leurs rituels et leur forme d’organisation sociale. Ils relèvent différemment les défis présentés à eux par les 50 dernières années.
Localisation
Ils vivent le long du rio Biá, un affluent du rio Jutaí dans l’état d’Amazonas. Le rio Jutaí est situé entre les rios Juruá et Jandiatuba, deux affluents de la rive droite de l’Alto Solimões.
Population totale : 628 personnes (2014)
Une Terre Indigène (T.I)
T.I Rio Biá – 1.185.790 hectares, 488 personnes, homologuée. Villes : Carawari, Jutaí.
Environ 450 personnes sont réparties dans 6 villages à l’embouchure de l’amont du rio Biá et de son principal affluent.
L’homologation de la Terre Indigène du rio Biá n’a pas empêché les invasions dans la région d’Ipixuno à l’extrémité est de leur territoire par des habitants de la ville de Carauari.
Il y a 3 groupes politiquement différenciés. Les villages du bas Biá (villages de Gato et Boca del Biá, comptant environ 200 personnes), les villages du centre Biá (Sororoca, Boca de Ipixuna et Bacuri, moins de 200 personnes) et le village d’Alto Biá qui est très isolé de la coexistence des blancs. Cette séparation entre les blocs a une importance rituelle notamment dans le cas du rituel Kohana qui exige la présence d’un autre village.
Langue : peda djapá ou katukina de la famille des langues katukinanes (à ne pas confondre avec la famille de langues katukina de la famille panoane).
Chaque village a un chef nommé tuxaua régionalement et nohman en katukina. Le leadership n’est pas héréditaire mais résulte d’une élection tenant compte de la capacité de leadership de la personne et de ses connaissances rituelles, mythologiques et du monde blanc. Les mariages se font au sein du village ou du bloc, mais les mariages entre blocs sont assez rares.
La parenté Katukina est de type dravidien avec une préférence pour la mariage entre cousins croisés mais dans le but de ne pas nommer cette relation ils disent qu’ils épousent la fille de la tante paternelle et de l’oncle maternel et non le « cousin ou la cousine ».
Le couple nouvellement marié va vivre pendant quelque temps dans la maison du père de la mariée, ce juqu’à la naissance du premier enfant et la construction de leur maison (dans les villages avec des maisons de type régional).
Le premier enfant marque une étape importante pour le couple car cela signifie qu’à partir de cette naissance, le couple ne peut plus divorcer.
Le couple est l’unité fondamentale de la vie sociale et rituelle des Katukina.

Mode de subsistance
Quand ils décident de cultiver un champ il faut tout d’abord en parler au tuxaua qui aspire du tabac à priser par le nez la nuit et qui réunit les villageois pour en parler et vérifier si chacun est d’accord. Si c’est le cas, le tuxaua choisit l’endroit et ils commencent ensemble à le défricher. Ils attendent l’été pour la brûler et ensuite semer, toujours en travail collectif. Ils plantent d’abord le manioc puis ensuite le maïs, les bananes, les ananas, goyaves, noix de cajou.
La chasse est toujours pratiquée avec l’arc et les flèches, la compagnie des chiens ou non. Animaux chassés principalement : cochons sauvages, pacas, tatous.
La pêche est également une activité pratiquée.
Jusqu’à il y a 10 ans, les villages n’étaient constitués que l’une seule maloca oblongue appelée hak manya ou hak nyanin (grande maison). Aujourd’hui les villages sont composés de maisons dans le style régional sur des palafitos et abritent seulement une famille nucléaire (père, mère et enfants).
Les ethnonymes katukina, kanamari et kulina ont été utilisés pour désigner des peuples très différents à travers l’histoire et à différents endroits. Cela est dû au classement des premiers colons du Juruá entre les indiens « dociles « et les indiens « rebelles » parmi lesquels les termes kanamari, katukina et kulina étaient associés au premier type et les Kaxinawa étaient associés au second.
Afin de fuir les expéditions de capture et de mise à mort des colons brésiliens, de nombreux peuples ont adopté les ethnonyms katukina, kanamari et kulina.
Eux parlent d’une époque où ils vivaient avec les Kanamari aux sources des affluents du Biá circulant entre cette rivière et le Mutum. Ils étaient alors nomades ne cultivant pas de manioc et ils avaient une alimentation à base de maïs et d’une liane, le tiwi dont le tubercule contenait une gomme comestible.
Un conflit avec les Kanamari les aurait amenés à quitter Biá. Des données linguistiques permettent d’estimer cette séparation à il y a environ 200 ans.
Le boom du caoutchouc a attiré des péruviens et des caucheros vers le rio Biá mais la faible qualité du latex extrait dans cette région a protégé pour ainsi dire les Katukina d’une invasion massive.
Vers 1920 ils ont commencé à interagir avec d’autres peuples de l’Alto Solimões, des Kambeba, des Cocama, des Miranha qui se sont rendus à Biá et dont certains ont contracter des unions avec des Katukina.
Mythologie

Distribução de Koya (mingau de banana) no ritual Kohana, aldeia Janela. Foto: Jeremy Deturche, 2006.
Elle fait partie d’un complexe régional et s’ articule autour de 2 héros culturels qui sont les créateurs du monde, Tamakori et Kirak.
Tamakori joue le rôle de sage et Kirak joue le rôle de trouble fête.
Ce sont les erreurs de Kirak qui créent le monde tel qu’il est, par exemple pour avoir pleuré à la mort de son fils il a condamné les Tükuna à ne pas ressusciter après la mort.
Plusieurs mythes mettent en vedette des animaux sous forme humaine ou le contraire, ce sont les pai idak.
Ces mythes selon eux expliquent comment les animaux sont devenus des animaux.
La préservation du monde repose sur le cycle du soleil, créé par Kirak et sur le cycle de la lune, créée par Tamakori.
Le monde où ils vivent est une couche intermédiaire entre les deux ciels et les mondes souterrains dont le savoir est moins répandu.
Le premier monde est le kokohdi formé par une partie arrachée à « notre monde » par Tamakori et Kirak. C’est là où les morts vivent, mangent et dansent. C’est un monde semblable à notre monde.
Au-dessus se trouve Ipina, l’endroit le plus triste où vont ceux qui ont été mordus par le cobra même s’ils ont survécu à la morsure ainsi que ceux qui ont été tués et leurs assassins.
En dessous se trouve l’univers de Don Mïn Pönhiki, c’est le peuple des viscères du poisson semblable au monde des hommes mais avec une eau plus claire, plus pure et une prédation limitée.
Les passages entre le monde de Tükuna et celui-ci se trouvent dans les igarapés (wiri mï).
La strate des Tükuna peut être divisée en 3 environnements :
Oityonin, la forêt où vivent les humains
Le monde sous-marin qui est le domaine des esprits de l’eau
Le hïmanya, le monde inférieur de la terre.
C’est l’interaction de ces 3 mondes qui constitue la vie quotidienne des Katukina.
Les rituels
Ce sont des moments privilégiés de communication avec les couches supérieures de la société grâce à la venue d’esprits célestes chargés de superviser les chants et les danses interprétés par les Katukina.
Il y a 6 rituels liés au monde supérieur et impliquant les esprits célestes :
- Le rituel Kiok dyuku – esprit céleste qui se nomme Yokdai
- Le rituel Barakohana, un marin très puissant et redouté
- Le rituel Kohna, dont Kodonai est un grand chaman étant le propriétaire d’obadin le tabac à priser. Celuici est content quand il y a du tabac et s’enrage quand il en manque.
- Le rituel Pïda (pïdakidak)
- Le rituel Adyaba (adyabakidak)
- Le rituel Aarao (araouowala et daho)
Une lecture pour ce peuple
Derrière le masque : chanteurs et esprits dans les rituels Katukina du Biá (Amazonas, Brésil)
Jérémy Deturche
https://www.jstor.org/stable/43948291?seq=1#page_scan_tab_contents
source : pib.socioambiental.org