Pérou - Les fédérations autochtones exigent un territoire exempt de substances toxiques
Publié le 5 Août 2019
Servindi, le 3 août 2019 - Les fédérations autochtones FEDIQUEP, FECONACOR, OPIKAFPE et ACODECOSPAT demandent aux autorités d'agir et de créer des politiques publiques pour remédier à la pollution par les métaux lourds qui affecte leur population.
Cela a été exprimé par une déclaration dans laquelle ils ont également indiqué que, selon le rapport final de l'étude toxicologique et épidémiologique réalisée par le MINSA, les femmes, les hommes, les garçons et les filles présentent de graves niveaux de contamination par des substances toxiques qui dépassent les limites autorisées.
Cette étude a été réalisée dans les communautés des ríos Pastaza, Corrientes, Tigre et Marañón, après une longue lutte entre les peuples indigènes, l'Etat péruvien et les entreprises extractives.
De même, dans la déclaration, ils exigent que la base de données de la même étude leur soit remise et rendue publique.
Enfin, ils avertissent que si les mesures correspondantes ne sont pas prises pour des soins de santé immédiats et un territoire sain exempt de substances toxiques en Amazonie, ils auront recours aux instances nationales et internationales pour dénoncer la violation de leurs droits.
Ci-dessous le communiqué complet :
Communiqué
Fin à la violation de notre droit à la santé. Nous exigeons une vie digne et un territoire sain, exempt de substances toxiques en Amazonie péruvienne.
Au Président du Pérou Martín Vizcarra,
Au Président du Conseil des Ministres Salvador del Solar,
Au Ministre de la Santé Zulema Tomás et au Ministre de l'Energie et des Mines Francisco Ísmodes,
Au gouverneur de Loreto, Elisban Ochoa,
A la Commission des Peuples du Congrès de la République,
Au Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones,
Au Bureau du médiateur du Pérou
Après le silence présidentiel concernant le problème national des métaux toxiques affectant nos peuples autochtones, et près d'un mois après que le Ministre de la Santé et le Vice-Ministre de la Gouvernance de la PCM ont remis le rapport final de l'étude toxicologique et épidémiologique menée dans les communautés des rivières Pastaza, Corrientes, Tigre et Marañón à Loreto, les fédérations autochtones des quatre bassins FEDIQUEP, FECONACOR, OPIKAFPE et ACODECOSPAT, bases d'AIDESEP, ORPIO et CORPI- SL, à la veille d'une réunion avec le Ministre de la Santé le 9 août pour trouver une réponse à ce problème, nous nous adressons aux autorités nationales, organisations internationales pour la protection des droits autochtones, société civile et opinion publique, pour signaler :
1. L'étude toxicologique et épidémiologique des quatre bassins est le produit d'une longue lutte historique des peuples indigènes contre l'Etat péruvien et les entreprises extractives.
Pour parvenir à la livraison de ce rapport final, nous avons dû mettre en place des commissions multisectorielles et des groupes de travail dans les pouvoirs exécutif et législatif (de 2011 à 2019), des diagnostics environnementaux et sociaux (2012 et 2013), plusieurs déclarations d'urgences environnementales et sanitaires (2013 et 2014), des actes signés par nous avec les premiers ministres et ministres (2015, 2017) et aussi, pour exiger leur respect, plusieurs mobilisations et mingas étaient nécessaires dans nos territoires (2012, 2014, 2015, 2017 pour ne mentionner que les plus importantes) ; Nous avons même dû recourir à l'intervention d'alliés nationaux et internationaux. Nous avons aussi été guidés par les luttes antérieures à la nôtre, celle de nos frères Achuar à Dorissa (2006), celle des Quechuas du Pastaza et Kichwas du Tigre à Andoas et Doce de Octubre (2008), celle de nos frères et sœurs Awajún et Wampis à Bagua (2008 et 2009), et bien d'autres encore qui ont été menées depuis plusieurs siècles dans des territoires indigènes amazoniens. Enfin, nous avons réussi à faire réaliser au Pérou une étude sur la santé d'une grande portée technique, avec notre participation et notre suivi, ce qui est sans précédent dans notre pays.
2. Le rapport final de l'étude toxicologique et épidémiologique montre que nos familles sont contaminées, que les corps des femmes et des hommes, des garçons et des filles, présentent de graves niveaux de contamination par des substances toxiques qui dépassent les limites autorisées par les normes nationales et la communauté internationale.
L'étude du MINSA montre également que les taux de contamination les plus élevés parmi notre population se situent dans les zones proches des infrastructures pétrolières, des sites de pollution par les hydrocarbures et des autres zones à risque identifiées dans le protocole de l'étude. L'État certifie maintenant que la contamination nuit à notre peuple, un fait que nous dénonçons depuis des années et que l'État même ne voulait pas croire ; et une situation qui se répète également dans d'autres régions du pays comme Amazonas, Cajamarca, Espinar, Pasco, Madre de Dios et autres. Cependant, l'État ne dit pas tout ce qu'il devrait dire dans son rapport final, parce que des conclusions et des recommandations sérieuses et compétentes ne sont pas formulées, comme il sied à une étude à ce niveau : c'est pourquoi nous demandons, parce que c'est notre droit et une obligation pour l'État, que la base de données de l'étude nous soit remise et rendue publique. Nous aimerions également ajouter que ce n'est pas seulement le MINSA qui officialise les nouvelles de la contamination et des effets sur la santé. Les récents Plans de Réhabilitation (PDR) en cours de réalisation pour la réhabilitation environnementale des zones de l'ancien Lot 1AB certifient également, avant le MINEM et le MINAM, que la pollution par les hydrocarbures affecte la population à des niveaux qui conduisent même à des risques cancérigènes.
3. Face à cette situation, l'État doit agir d'urgence, avec un plan d'actions immédiates, à court, moyen et long terme, où ses niveaux national et régional soient articulés, élaborés et exécutés avec la participation autochtone et le pouvoir décisionnel, avec un budget pour son application dans les six prochains mois et qu'il soit également inclus dans le budget national 2020. Tout cela afin d'assurer une attention et un suivi complets, intégrés et efficaces sur nos territoires.
FEDIQUEP, FECONACOR, OPIKAFPE et ACODECOSPAT ont remis au MINSA et au PCM notre proposition initiale d'actions pour aborder les problèmes liés aux infrastructures, aux soins primaires, au suivi, entre autres. Cependant, tout cela devrait conduire à l'élaboration d'un plan spécial à l'attention des personnes exposées aux métaux lourds et aux hydrocarbures, qui devrait être réalisé avec notre participation et mis en œuvre avec notre vigilance et notre accompagnement. De même, au moment de son élaboration, ce plan doit être accompagné et validé par une entité internationale experte en matière d'épidémiologie et de toxicité. Mais ce n'est que la première chose à faire face à un problème grave, systématique et multisectoriel, qui doit être combattu par des actions concrètes dans des domaines tels que l'assainissement de l'environnement, le changement et l'amélioration des infrastructures pétrolières, l'amélioration des normes et instruments environnementaux, l'accès à l'eau et l'assainissement, la sécurité alimentaire, etc. La continuité de l'activité pétrolière, l'abandon d'installations et d'activités, ou des scénarios supposés post-pétroliers ne peuvent être envisagés sans tenir compte de cette situation très grave qui doit être traitée avec une grande responsabilité et immédiatement. En même temps, nous voulons exiger que l'État respecte nos modèles de développement opposés à l'extractivisme. Nous rappelons que les peuples autochtones ont pris soin de l'Amazonie et l'ont protégée pendant des siècles.
4. Nous sommes préoccupés par le fait que le gouvernement central a une interprétation limitée de cette grave situation, dont sont victimes non seulement nos peuples amazoniens, mais d'autres peuples au niveau national.
La PCM, le MINSA, le MINEM et l'Exécutif en général, doivent faire preuve d'une véritable volonté politique et aborder cette situation de manière sérieuse et engagée, au lieu d'essayer de pallier les insuffisances de l'attention portée aux exigences historiques de la santé et d'une vie digne par des mesures insuffisantes ou de "nouveaux" engagements fictifs qui sont soutenus par des frères et sœurs autochtones qui défendent des intérêts en dehors du véritable combat pour nos droits reconnus aux niveaux national et international.
5. Nous exigeons des plus hautes autorités une réponse intégrale à nos problèmes, avec des mesures politiques, administratives et budgétaires concrètes et des secteurs articulés.
Il est alarmant de constater que face à tant d'indices de contamination de l'environnement et de dégradation de la nature amazonienne, le MINEM n'a jusqu'à présent pas pris au sérieux la tâche d'assainissement environnemental de notre territoire (1), reportant encore une fois le transfert des fonds engagés il y a un an au Fonds national pour l'environnement (bien que le Premier ministre ait promis, en juin, que celui-ci serait accéléré en août), et (2) permettre un scénario où Pluspetrol n'exerce pas ses obligations environnementales et passe quatre ans sans plan d'abandon pour la réhabilitation du bloc 1AB, qui compte près de 2 000 sites touchés. Ces faits ne font que prolonger les problèmes et nous condamnent à une exposition continue aux substances toxiques. Par conséquent, il est scandaleux et inadmissible que l'État, d'une part, ait l'intention de céder pour 40 années supplémentaires le lot pétrolier 192 et lance un processus de consultation préliminaire (qui ne respecte pas les accords conclus avec nous et qui ne respecte pas les normes internationales sur les droits autochtones) et, d'autre part, se croise les bras face aux dommages et à l'incertitude qui en résultent pour notre peuple. Il est donc scandaleux et inadmissible que l'État offre des millions pour ce qu'il appelle le " développement " et maintenant aussi pour " combler les lacunes " (à travers DS 139-2019-PCM) comme justification pour perpétuer les effets nocifs et les expositions, et tant qu'il reporte les ressources et les mesures concrètes pour traiter un problème qui affecte nos vies, généré par une activité extractive qui a seulement bénéficié à l'État.
6. Enfin, nous avertissons que si nécessaire, nous irons devant les plus hautes instances nationales et internationales pour dénoncer les violations de nos droits qui sont violées par l'Etat et les entreprises.
Nous lutterons jusqu'à ce que l'État respecte nos droits, reconnus internationalement, pour la défense d'une vie digne pour nos familles et les générations futures !
Ferme dans notre lutte, fidèle à nos principes d'unité, de résistance et de proposition, la santé, la vie et l'avenir des communautés indigènes ne sont pas un négoce !
Loreto, le 2 août 2019.
ADHÉSIONS :
1. Association interethnique pour le Développement de la Selva Péruvienne - AIDESEP
2. Organisation Régionale des Peuples Indigènes de l'Est - ORPIO
3. Coordination Régionale des Peuples Indigènes de San Lorenzo - CORPI-SL
4. Organisation Nationale des Femmes Indigènes Andines et Amazoniennes du Pérou - ONAMIAP
5. Gouvernement Territorial Autonome National de la Nation Wampis - GTANW
6. Coordination Nationale des Droits de l'Homme - CNDDHH
7. Centre de Politiques Publiques et de Droits Humains - Perí Equidad
8. Institut de Défense Juridique de l'Environnement et du Développement Durable - IDLADS
9. Centre Amazonien d'Anthropologie et d'Application Pratique - CAAAP
10. Fondation Œcuménique pour le Développement et la Paix - FEDEPAZ
11. Mouvement Citoyens contre le Changement Climatique - MOCICC
12. OXFAM - Pérou
13. Cooperacción
14. Réseau Muqui Pérou
15. Réseau Uniendo Manos Pérou
16. Association Civile Centre de Culture Populaire Labor de Pasco
17. Droits de l'Homme et de l' Environnement de Puno
18. Droits de l'Homme Sans frontières
19. JUPROG "COMEA" Comité environnemental
20. Plate-forme pour la Santé Environnementale et humaine Région de Junín
21. Association culturelle Maizal
22. système d'information mondial. Institut de la santé mondiale de Barcelone
23. Witness
24. Digital Democracy
25. E-Tech International
26. Groupe d'Anthropologie Médicale et de Santé de la PUCP
27. Claudia Cisneros Mendez. Communicatrice sociale, journaliste de divulgation scientifique et humaniste, activiste.
26. Martí Orta-Martínez. Chercheuse à l'Université Centrale de Catalogne/Université de Vic et à l'Institut des Sciences et Technologies Environnementales (ICTA-UAB).
29. Lorenzo Pellegrini, professeur agrégé à l'Institut International d'Etudes Sociales, Université Erasmus de Rotterdam.
30. Roberto Wangeman, chercheur et musicien.
31.Gil Inoach Shawit, avocat autochtone du peuple Awajún, ancien président d'AIDESEP, membre de Peru Equidad et conseiller de GTANW.
32. Communication Interculturelle Servindi
traduction carolita d'un communiqué paru sur Servindi.com le 02/0//2019
Federaciones indígenas exigen un territorio libre de sustancias tóxicas
Al Presidente del Perú Martín Vizcarra, Al Presidente del Consejo de Ministros Salvador del Solar, A la Ministra de Salud Zulema Tomás y al Ministro de Energía y Minas Francisco Ísmodes, Al ...