Brésil : Le peuple Terena

Publié le 13 Février 2019

Por Foto: Valter Campanato/ABr - Agência Brasil [1], CC BY 3.0 br, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3212844

Peuple autochtone du Brésil vivant dans les états de Mato Grosso, Mato Grosso do Sul et São Paulo.

Population totale : 26.065 personnes (2014)

Le plus important de la population se concentre dans le Mato Grosso do Sul avec 16.000 personnes.

Cette présence qui est la plus visible au niveau de l’intégration dans la société civile et le monde du travail (vendeuses dans les rues de Campo Grande, travailleurs de la canne à sucre, travailleurs temporaires dans les ranches, les usines de production de sucre et d’alcool) a contribué au stéréotype des indiens « acculturés » ou indiens urbains ce qui tend à nier la résistance d’un peuple au cours des siècles qui s’est battu pour maintenir sa culture en vie en apportant des changements positifs aux situations adverses liées  aux changements rapides dans les domaines écologiques et sociaux.

Langue

La langue terena fait partie de la famille des langues arawak, elle est parlée par la plupart des Terena avec une fréquence inégale dans les différents villages et sur les terres indigènes. Par exemple à Buriti et Nioaque elle est très peu utilisée.

Les Terena sont définis comme un peuple strictement bilingue ce qui met en avant sa réalité sociale dans laquelle il y a une distinction entre la langue « mère » (indigène) et une langue « de contact » ou d »adoption » (le portugais) qui n’a aucune signification sociologique, c’est la langue qui permet de s’adapter aux conditions de la ville et du travail salarié.

Territoire

Leur territoire est continu et fragmenté en « petites îles » entourées de ranchs et réparti dans 6 municipalités du Mato Grosso do Sul : Miranda, Aquidauana, Anastício, Dois Irmãos do Buriti, Sidrolândia, Nioaque, Rochedo.

Des familles vivent à Porto Murtinho (Terre Indigène Kadiwéu), à Dourados (Terre Indigène Guaraní) dans l’état de São Paulo (Terre Indigène Arariba).

Ces personnes ont été déplacées sur ces territoires indigènes par le SPI (Service de Protection des Indiens) pour servir « d’exemple » aux indiens de la région (obéissance au contrôle imposé par les employés de l’agence).

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Terres Indigènes dans le Mato Grosso do Sul

  • T.I Agua Limpia – 2888 personnes, réserve en cours d’identification. Villes : Campo  Grande, Rochedo.
  • T.I Aldeinha – 403 personnes, réserve en cours d’identification. Ville : Anastácio.
  • T.I Buriti – 17.200 hectares, 2543 personnes, réserve déclarée. Villes : Dois Irmãos do Buriti, Ssidrolândia.
  • T.I Buritizinho – 10 hectares, 668 personnes, réserve homologuée. Ville : Sidrolândia.
  • T.I Cachoierinha – 36.288 hectares, 4920 personnes, réserve déclarée mais suspendue. Villes : Aquidauana, Miranda.
  • T.I Dourados – 301 hectares, 15.023 personnes, réservée. Ville : Dourados, Itaporã. 3 peuples y vivent : Guaraní Nandeva (langue tupí guaraní), Guaraní Kaiowá (langue tupí guaraní) et Terrena (langue arawak).
  • T.I Kadiwéu – 538.536 hectares,1697 personnes, réserve homologuée. Ville : Porto Murtinho. 4 peuples y vivent : Chamacoco (langue samuko), Kkadiwéu (langue guaikuru), Kinikinau (langue arawak) et Terena (langue arawak).
  • T.I Lalima – 3000 hectares, 1508 personnes, réserve homologuée. Ville : Miranda.
  • T.I Limão Verde – 5377 hectares, 1267 personnes, réserve homologuée. Ville : Aquidauana.
  • T.I Nioaque – 3029 hectares, 1533 personnes, réserve homologuée. Ville : Nioaque.
  • T.I Nossa Senhora de Fátima – 89 hectares, réservée. Villes : Aquidauana, Miranda.
  • T.I Pilade Rebuá – 208 hectares, 2104 personnes, réserve homologuée. Ville : Miranda.
  • T.I Taunay/Ipeque – 33.900 hectares, 4090 personnes, réserve déclarée. Ville : Aquidauana.
  • T.I Terena gleba Iriri – 30.479 hectares, 680 personnes, réservée. Ville : Matupá.

Terres Indigènes à São Paulo

  • T.I Araribá- 1930 hectares, 616 personnes, réserve homologuée. Ville : Avaí. 2 peuples y vivent : Guaraní Nandeva (langue tupí guaraní) et Terena (langue arawak).
  • T.I Icatu – 301 hectares, 148 personnes, réserve homologuée. Ville : Brauná. 2 peuples y vivent : Kaingang (langue jê) et Terena (langue arawak).

Histoire

 

en vert le Gran Chaco Por Flyhighplato em Wikipédia em inglês - Transferido de en.wikipedia para a wiki Commons por Dmitri Lytov utilizando CommonsHelper., Domínio público, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8495306

Ce sont les derniers survivants de la nation Guaná au Brésil, parlant une langue arawak, possédant les traits essentiels culturels du Granc Chaco.

La domination des groupes linguistiques arawak sur les différents autres peuples indigènes du Chaco, tous chasseurs/cueilleurs était due au fait qu’il s’agissait de groupes qui depuis l’antiquité étaient à vocation agricole, ce quo leur donnait une base économique et sociale stable de groupes locaux ou villages, au caractère expansionniste et plus belliqueux.

Tous les chroniqueurs qui ont été en contact avec les Guaná aux XVIe et XVIIe siècles notent l’existence de « captifs » parmi eux, venant d’autres groupes ethniques du Chaco (Chamacoco, Chiquito, Guató). Les « captifs » étaient traités avec gentillesse, non humiliés, ils étaient employés aux taches domestiques mais non dans les travaux agricoles et ils représentaient un prestige social pour leurs maîtres.

Le terme « kauti » encore utilisé par les Terena de nos jours est une corruption du terme espagnol captif, ils étaient « captifs » car les occidentaux les considéraient comme tels.

Les relations entre la société la plus nombreuse et stratifiée (les Guanás) et l’autre société inférieure en nombre et représentée par des chasseurs cueilleurs étaient basée sur l’alliance et l’échange de services (jardins et protection des guerriers) et d’outils en fer obtenus par les Mbayas dans leurs raids sur les colonies espagnoles.

Ce serait l’agriculture des Guanás qui aurait permis aux Mbaya d’augmenter leur puissance de guerre et avec les chevaux des espagnols aurait transformé ces personnes en adversaires de guerre plus habiles contre la colonisation des rives du fleuve Paraguay.

Les relations d’alliance Guaná/Mbaya ont été fondées sur le mariage. Les chefs Guaná accordaient aux femmes de leur caste de se marier avec les « grands hommes Mbaya ». ces relations ont conduit à une structure sociale complexe, d’un côté, un segment social autonome (Guaná) occupant la position de pourvoyeur de femmes et de nourriture, de l’autre une caste guerrière ayant la position de preneur de femmes et responsable de la sécurité des groupes locaux et fournisseur de fer et de chevaux.

cavaliers Guaykuru By Debret - [1], Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=30283629

La résistance des Mbaya/Guaykuru à l’avancée des paulistas se dirigeant dans la région de Cuiaba éloigne les Guanás des relations avec les européens.

Un traité de paix est signé entre les portugais et les Mbaya Guaykuru en 1791, le traité autorise les portugais à s’établir sur la rive droite du fleuve Paraguay et entérine l’usure de l’alliance entre les Guanás et les Mbayas.

Les Guanás renforcent des liens d’amitié avec les purutuyé (portugais) liens renforcés par les agents de la couronne en 1797. De toutes les tribus du fleuve Paraguay, les Guanás sont celle qui est le plus en contact avec des brésiliens.

La guerre avec le Paraguay et la triple alliance fin 1864 modifie radicalement le mode de vie de l’ensemble de la nation Guaná et une nouvelle phase de leurs contacts. Leurs territoires sont subissent les attaques provoquées par le conflit, les villages qui existaient dans la région des rivières Miranda et Aquidauana se sont dispersé et les habitants se sont réfugiés dans les forêts inaccessibles de la région.

Les Guanás ont participé à l’effort de guerre et n’ont obtenu aucune reconnaissance en contrepartie et à la fin de la guerre avec le Paraguay, l’ancien territoire des peuples est de suite contesté par les nouveaux propriétaires terriens, des ex officiers de l’armée brésilienne et des marchands profiteurs de la guerre.

Cette période d’après-guerre est connue chez les Terena comme la période de la servitude.

Ils ont été dispersés à cause du conflit, les différents groupes Guaná commencent à recomposer leurs anciens villages mais ils doivent demander « l’autorisation » des nouveaux occupants pour le faire. L’élevage intensif a occupé les pâturages avec le soutien des autorités impériales. Ceci a été possible grâce à la « libération » des terres de ces occupants originaires.

L’avènement de la république ne fait qu’aggraver la situation des Terena. Ils sont exploités par les éleveurs et peu de Terena n’ont alors aucune dette envers leur patron.

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Por Foto: Valter Campanato/ABr - Agência Brasil [1], CC BY 3.0 br, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3244123

Organisation sociale, politique et économique

Le village est l’unité sociale la plus inclusive. Il constitue une unité politique autonome (chef, conseil tribal), chaque secteur ou village décide des questions juridiques et politiques en suspens parmi ses membres. Le village ou secteur est composé d’un ensemble de maisons situées à l’intérieur de ses frontières établies par des marques géographiques précises, des routes, des lacs…..ce qui est demandé à un habitant d’un secteur donné c’est de respecter des règles de conduite. Les maisons sont proches les unes des autres, un jardin est contiguë.

Il y a une coopération et un partage des aliments entre les maisons, un soutien mutuel, un soutien politique qui sont de règle. Les résidences abritent le groupe domestique composé d’au moins 2 générations (père et fils) et pouvant aller jusqu’à 4 générations (grand-père, père, fils et petit-fils).

Le groupe domestique peut être constitué d’une famille nucléaire (un couple marié et ses fils non mariés) ou d’une famille élargie. La règle générale de la société Terena pour la résidence post matrimoniale est la patrilocalité (la jeune épouse va vivre dans la maison du père de son mari au moins la 1ère année après le mariage et quand naît le premier enfant, le couple établit une nouvelle résidence souvent proche de celle des parents du fils.

 

assemblée du peuple Terena

Ressources

L’agriculture des Terena d’aujourd’hui est bien différente de cette pratiquée avant la guerre avec Paraguay car autrefois ils disposaient de territoire suffisant pour développer l’agriculture itinérante et assez de temps pour régénérer la fertilité des sols. Aujourd’hui, confinés dans des réserves ils possèdent des champs de culture permanente, ils utilisent des machines mécanisées.

L’agriculture reste l’activité principale du peuple et en août commence le calendrier agricole qui se termine en mars/avril avec la plantation des haricots de la période sèche. La production est destinée à la consommation familiale, les principaux produits cultivés sont le riz, les haricots, le manioc, le maïs.

D’autres productions sont : haricots de subsistance, melons d’eau, citrouilles….

Elevage

Malgré leur vocation agricole, les Terena n’ont jamais cessé d’exercer l’activité d’élevage de bétail et de chevaux, une activité dont ils ont hérité  de leur coexistence  prolongée dans leur histoire avec les Mbaya-Guaykuru. L’élevage de bétail étant donné la limite des réserves est devenu une des principales sources de conflits internes. La fermeture des pâturages à l’intérieur des réserves a toujours posé des problèmes politiques car elle enlève de l’aire commune une plus grande partie que celle utilisée pour les plantations et à des fins strictement privées puisque les troupeaux communautaires introduits par le SPI ont disparu depuis des années. Certaines familles élèvent encore des porcs confinés et tous élèvent des poulets qui, avec le gibier et les poissons sont les seules sources de protéines d’origine animale (non acquises de l’extérieur) dans les réserves.

A Cachoeirinha et à Taunay-Ipegue on observe que l’artisanat joue un rôle important en tant qu’activité économique et une des sources de revenus des femmes avec la céramique.

La chasse, la pêche et la collecte

C’étaient des activités importantes autrefois et encore de nos jours pour les nombreux groupes domestiques, surtout des « plus pauvres » et ne disposant pas de ressources pour se procurer des protéines animales auprès du boucher portugais.

Ce sont de nos jours des activités clandestines (les zones de chasse et de pêche se trouvent de nos jours dans les fermes voisines) elles ne peuvent donc pas apparaître visiblement.

La chasse dans les fermes de la région était réprimée depuis l’époque du SPI et des peines réservées aux indiens qui y chassaient. Cette activité clandestine comporte un risque élevé pour les Terena qui la pratiquent car en plus ils se font confisquer leurs armes s’ils sont pris.

La pêche est une activité pratiquée encore de nos jours mais sous les mêmes conditions que la chasse, elle comporte donc les mêmes risques.

La collecte de miel et de fruits était importante dans le passé mais elle a de nos jours moins de signification, elle serait limitée à l’activité des enfants essentiellement.

Dans les réserves de Cachoeirinha et Taunay Ipegue la collecte de bois de chauffage est pratiquée, pour la cuisine et la cuisson des céramiques, et la collecte de plantes médicinales toujours pratiquée également.

Les travaux temporaires

Le plus ancien travail temporaire à l’extérieur de la réserve, chez les Terena est le travail dans les fermes alentour. Aujourd’hui ce qui est courant, c’est le travail temporaire autonome, la main d’œuvre indigène est sollicitée « volontairement » pour des services d’installation de clôtures, des piquets de coupe, la menuiserie dans les pâturages, pour aider à la séparation des veaux, pour la récolte des haricots. Ce sont souvent les plus âgés qui sont préférés pour ces tâches (35/50 ans), l’embauche dépend souvent des relations d’amitié qui existent entre les Terena et les contremaîtres des fermes.

Le travail en milieu urbain a lieu à partir des années 1950 quand l’urbanisation croissante des groupes familiaux Terena se trouve liée à la surpopulation des réserves et au manque de perspectives dans celles-ci. Les professions les plus couramment exercées  étaient maçon, serviteur, assistant de bureau.

Por Foto: Valter Campanato/ABr - Agência Brasil [1], CC BY 3.0 br, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3212869

Cosmologie et chamanisme

Dans les villages traditionnels (comme Cachoeirinha et Bananal) ils utilisent encore les pouvoirs de leurs chamanes ou koixomuneti pour guérir les maladies, interprétées comme des « maux de l’esprit » affectant le corps d’un individu (il n’y a pas de séparation entre le corps et l’esprit dans la conception des guérisseurs Terena).

Ils peuvent aussi découvrir les sorts que des tiers ont jeté au patient et qui parfois entraînent sa mort ce qui suscite des crises politiques internes dans les villages.

A Cachoeirinha en mai, lorsque les Pléiades reviennent à l’horizon, une fête (oheokoti) a lieu au cours de laquelle les koixomuneti habillés et peints avec leurs instruments de travail de base (le porango ou maraca, et une touffe de plume d’ema, kipateï) passent la nuit en invoquant leur « esprit guide » pour apporter une bonne récolte et des « sorts » pour libérer le village.

Le mythe de l’origine du peuple Terena est un long récit de la façon dont le double héros civilisateur (qui a une partie jumelle agissant comme anti-héros) Yurikoyuvakái les a pris du sous-sol et leur a appris l’utilisation du feu et des outils agricoles. Ce mythe est toujours transmis de nos jours de génération en génération. C’est le double visage du héros qui sous-tend le comportement du xumonó (moqueur, brave) et du sikirikiono (sérieux, doux) encore présents dans de nombreux aspects de la vie sociale et cérémonielle des Terena.

source https://pib.socioambiental.org/es/P%C3%A1gina_principal

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Peuples originaires, #Brésil, #Terena

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