Les langues indigènes, le Brésil et l'Unesco
Publié le 11 Janvier 2019
"L'histoire de l'Amérique, c'est l'histoire de ses langues : dont nous devons nous lamenter quand elles sont mortes, que nous devons visiter et soigner quand elles sont malades, que nous devons célébrer avec des chants de vie joyeux quand on les parle."
(Bartomeu Meliá - Passé, présent et futur de la langue guaraní - 2010)
Dans l'une des langues guaranis, l'homme appelle une sœur sa : xereindy, quelque chose comme "la lumière de ma vie". La femme appelle son frère : xekywy, "celui qui est toujours à mes côtés". Entre autres façons de marquer avec un lexique spécifique les relations entre frères selon le genre et la place qu'ils occupent. Sandra Benites, anthropologue guaranie, commente :
- Le frère protège et la sœur l'éclaire pour qu'il ne se perde pas dans les ténèbres.
Cette façon unique de nommer la parenté et d'autres choses caractérise chacune des 6 700 langues du monde, dont 5 000 sont indigènes, les plus menacées d'extinction. Chacune d'entre elles possède un trésor culturel, entre autres, des connaissances sophistiquées sur l'écosystème, des méthodes de conservation, des secrets de guérison, des mystères de la vie végétale, du comportement animal et humain, des systèmes de classification, de la littérature orale, de la poésie, des chansons - toutes accumulées sur des milliers d'années, qui doivent être étudiées et partagées avec le monde entier.
Cependant, selon l'Irlandais David Crystal, dans "La révolution du langage", chaque semaine une langue disparaît, à un rythme sans précédent dans l'histoire de l'humanité, ce qui est un fait dramatique et alarmant :
- Une langue qui disparaît lorsque ses locuteurs sont expulsés de leurs terres lorsque la communauté, pour cette raison et d'autres, perd le désir de la préserver. Si une langue n'a jamais été documentée elle meurt, c'est comme si elle n'avait jamais existé "-
Si le guarani parlé dans quatre pays disparaît de la planète, personne n'appellera sa sœur "lumière de ma vie", car ces manières poétiques de lire les relations fraternelles disparaissent aussi. Cela signifie que la mort d'une langue est aussi catastrophique pour l'humanité que l'extinction d'une plante ou d'un animal, car avec elle se perdent les moyens de donner un sens aux relations et de comprendre le monde.
- La langue est sacrée parce qu'elle contient la pensée d'un peuple. Si je dis en anglais le mot maison, cela me rappelle une construction de murs. Mais en langue Yaathé, la maison est cetutxiá, ce qui veut dire sourire, paix, joie -
Comment prévenir cette disparition ?
L'ONU célèbre l'Année internationale des Langues Indigènes en 2019, période au cours de laquelle l'UNESCO promeut des manifestations de défense de ces langues en danger, considérées comme moribondes, et soutiendra les gouvernements, les organisations indigènes, les universités et les centres de recherche pour mener des activités dans au moins 90 pays où les langues indigènes représentent 3 % de la population mondiale.
Et au Brésil ?
Les langues indigènes, jamais reconnues par les autorités du pouvoir, ont été réprimées et manipulées à travers le continent américain tout au long de son histoire. Ils ont perdu des locuteurs, leurs terres ont été usurpées, ils ont subi des punitions et des humiliations à l'école pour l'utilisation de ses mêmes langues. Plus d'un millier de langues parlées au Brésil ont été réduites au minimum, réduites au silence et éteintes. L'État brésilien n'a modifié son discours que dans la nouvelle Constitution de 1988, reconnaissant que les Indiens ont le droit d'utiliser leur langue d'origine pour exercer leur citoyenneté et leur appartenance ethnique.
Que dire du Brésil, qui ne s'est jamais considéré comme un pays multilingue, ne sait même pas combien de langues sont parlées sur son territoire. Le recensement de l'IBGE, pour la première fois en 2010, a recensé 274 langues indigènes, à partir de l'affirmation des locuteurs eux-mêmes, mais les linguistes proposent un nombre allant de 160 à 180, considérant que plusieurs variétés peuvent être la même langue.
Depuis, nous avons fait des progrès. Des enseignants indigènes ont été formés pour enseigner à 250 000 enfants dans plus de 2 700 écoles interculturelles, la plupart bilingues. L'Inventaire national de la diversité linguistique a été créé en 2010, permettant à l'IPHAN (Institut National du Patrimoine Historique et Artistique) d'identifier certaines langues indigènes comme "langues de référence culturelle brésilienne". Des universités, des musées et des centres de développement ont élaboré des projets pour documenter les langues en péril, et certains Indiens ont obtenu une maîtrise et un doctorat en linguistique.
Toutes ces conquêtes sont aujourd'hui menacées par le courant idéologique qui prend effet le 1er janvier. Le président élu avec 57 millions de voix annonce qu'il va réviser la délimitation des terres, que la diversité menace la diversité nationale, qu'il va donner les moyens aux Indiens de s'intégrer dans la société pour qu'ils soient égaux à nous, nous ? qui veut être égal à Jair Bolsonaro ?
Marche arrière
Stimulé par ce discours, l'agro-industrie est déjà en train d'aiguiser ses dents, avec des attaques dans plusieurs régions du pays. A Pernambuco, des hommes armés ont envahi la terre Pankarararú mercredi (26) et mis le feu à l'école indigène, à la crèche et au dispensaire. Dans le Maranhão, (19), une force de police a retiré 160 familles d'Indiens Tremembé de leurs terres et détruit avec des tracteurs les plantations cultivées sans produits agrotoxiques. En Amazonie, samedi (22), des bandits armés ont attaqué la base Funai de la Terre Indigène Valle del Javari. Dans le Mato Grosso do Sul, le martyre des Guaraní-Kaiowá est permanent. Silence sépulcral des grands médias, à de rares exceptions près.
C'est l'esprit qui anime le nouveau gouvernement : truculence, moquerie, ignorance, stupidité. Le mouvement indigène et les "doux indiens cocorocos" s'organisent déjà pour célébrer, par eux-mêmes, la défense de leurs langues et territoires. La résistance continue.
L'historien mexicain Miguel León Portilla a écrit un beau poème en langue nahuatl, dont la version portugaise est "Quand meurt une langue". Au cours de l'Année internationale des langues indigènes, j'ai demandé à l'auteur une licence pour ressusciter les langues dans cette autre version :
QUAND VIT UNE LANGUE
Quand vit une langue
se reflètent en elle
comme dans un miroir
les choses divines et l'univers :
étoiles, soleil et lune ;
les choses humaines :
penser, sentir, aimer.
Quand vit une langue
tout ce qu'il y a au monde,
mers et rivières,
animaux et plantes
pensent et disent
avec des chuchotements et des sons
que déjà ils n'existent plus.
Quand une langue est vivante
s'ouvrent, alors,
à tous les peuples du monde
une fenêtre, une porte,
un regard dans le miroir
d'une autre façon
de ce que c'est d'être et la vie sur terre.
Quand une langue est vivante
Ses locuteurs réussissent à renouveler
leurs paroles d'amour, leurs intonations de douleur et d'attachement,
peut-être leurs vieilles chansons, leurs histoires, leurs discours, leurs prières.
Mais quand meurt une langue,
Ah ! Quand meurt une langue,
la mémoire s'éteint,
l'humanité est appauvrie.
Par José R. Bessa Freire. Diario del Amazonas
source Fuente: http://www.taquiprati.com.br/cronica/1431-as-linguas-indigenas-o-brasil-e-a-unesco-em-2019
Traduction carolita d'un article paru sur le site Elorejiverde le 9 janvier 2018
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Las Lenguas Indígenas, Brasil y la Unesco
"La historia de América es la historia de sus lenguas: que tenemos que lamentar cuando ya muertas, que tenemos que visitar y cuidar cuando enfermas, que podemos celebrar con alegres cantos de vida...
http://www.elorejiverde.com/el-don-de-la-palabra/4735-las-lenguas-indigenas-brasil-y-la-unesco