Mexique- Qu'est-ce que les décrets de réserve d'eau ont à voir avec les droits des femmes ?
Publié le 11 Août 2018
Participation d'Angélica Schenerock à la conversation organisée par Otros Mundos A.C./Amigos de la Tierra México le 17 juillet 2018 au Forum Culturel Kinoki de San Cristóbal de las Casas, intitulé "Décrets sur l'eau : impacts sur les rivières, les villes et les femmes au Chiapas". Angélica Schenerock coordonne l'organisation Agua y Vida - Mujeres, Derechos y Ambiente A.C /Eau et Vie - Femmes, droits et Environnement A.C. à San Cristóbal de las Casas, Chiapas.
"Les décrets signés le 5 juin par le Président Enrique Peña Nieto ne concernentt pas des réserves d'eau mais la levée des fermetures. En d'autres termes, ils enlèvent la protection de l'eau. En bref, cela signifie qu'avant il y avait un pourcentage de l'eau qui était protégé et ne pouvait pas être utilisé. Les décrets lèvent cette protection. En libérant l'eau, elle est évidemment libérée pour l'investissement privé, pour soutenir les entreprises d'extraction, d'extraction pétrolière, de fracturation, d'exploitation minière et d'embouteillage. La privatisation de l'eau existe déjà au Mexique depuis la loi nationale sur l'eau de 1992, mais maintenant, avec les nouveaux décrets, une très grande quantité d'eau est libérée pour accorder d'énormes concessions aux entreprises.
Les principales violations du droit à l'eau et d'autres droits qu'impliquent ces décrets sont :
1) Le droit à l'environnement : les décrets mettent en danger l'équilibre des écosystèmes.
2) Le droit à l'eau en tant que bien commun : l'eau passe du statut de bien commun à celui de marchandise. Il est important de retrouver cette perspective de l'eau : pas comme une ressource naturelle qui peut être vendue, échangée et polluée. Il est important de pouvoir retrouver cette perspective philosophique et idéologique de l'eau comme bien commun.
3) Le droit à la consultation des peuples indigènes : selon la Convention 169 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), afin d'exercer tout changement dans les territoires, en ce qui concerne les biens naturels, le gouvernement est censé être obligé de procéder à une consultation préalable, libre, informée, de bonne foi et culturellement appropriée. Cela ne s'est pas produit, bien qu'il soit écrit dans les décrets que les conseils de bassin ont été consultés. Mais ce sont vraiment des espaces bureaucratiques. Ce ne sont pas des espaces de participation ou d'information pour la population. Il s'agit d'espaces dans lesquels l'objectif fondamental est de valider les décisions qui ont été prises.
4) Le droit à l'autodétermination des peuples indigènes : c'est leur droit de décider comment ils veulent gérer l'eau sur leurs territoires. C'est une chose très sérieuse parce qu'un territoire va au-delà d'une parcelle de terre. Un territoire a une orientation géographique, mais aussi une orientation sociale, historique, culturelle et spirituelle. Ils le voient comme sacré : les rivières ont la vie, elles ont une âme.
5) Le droit à l'eau des paysans : les décrets ont un biais très exclusif, puisque la création de réserves d'eau à usage public-urbain se réfère aux usages de l'eau dans les villes, dans les espaces liés au réseau public d'eau, c'est-à-dire à l'eau courante. Cependant, dans de nombreuses localités, l'eau n'est pas canalisée. Cela exclut et marginalise la population paysanne.
Qu'est-ce que tout cela a à voir avec les femmes ?
Les impacts sont différenciés : les problèmes liés à l'eau, à l'invasion du territoire et à la dépossession des biens naturels n'ont pas les mêmes impacts sur la vie des hommes et des femmes. Parce que l'accès à l'eau, comme l'accès à tout autre bien commun, est lié à l'inégalité des rapports de pouvoir entre les sexes, mais aussi aux inégalités sociales, raciales et de classe. L'impact sur les femmes pauvres, migrantes, âgées, indigènes, noires et autres femmes racialisées est différent. C'est différent d'avoir moins d'eau selon la place que nous occupons dans la société.
L'autre problème est celui de la participation des femmes. Bien que nous soyons beaucoup de femmes organisées, pour la majorité de la population, il est très difficile pour les femmes exclues d'être motivées à participer aux assemblées communautaires. Elles disent : "Ils ne veulent que notre vote, ils ne veulent pas notre opinion".
En général, les femmes manquent de représentation dans les espaces de prise de décision tels que les assemblées, mais aussi dans les comités de bassin et les conseils de bassin qui, en plus d'être des espaces bureaucratiques, manquent de représentation des femmes et des féministes.
En fin de compte, il est indéniable que les femmes sont toujours les premières responsables des tâches ménagères et des soins. Quand il y a peu d'eau, cela génère aussi un fardeau émotionnel, parce que les autres membres de la famille se fâchent contre les femmes qui sont responsables de garantir cette eau. Dans certains cas, cela peut conduire à des violences physiques, émotionnelles et même sexuelles".
traduction carolita d'un article paru sur le site Otros mundos Chiapas.org le 1er août 2018