Colombie : Le peuple Arhuaco ou Ika
Publié le 25 Août 2018
Arhuaco à Nabusimake, le centre spirituel du peuple - Par Moto-gundy, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=18565730
Peuple autochtone de Colombie vivant dans la sierra Nevada de Santa Marta dans le nord du pays. Ils sont les descendants de la culture Tayrona. C’est un peuple d’agriculteurs et d’artisans avec une organisation traditionnelle politico-religieuse, un peuple profondément pacifiste qui s’implique malgré tout dans la résistance pour les territoires et le respect des cultures indigènes dans la sierra Nevada.
Population : 22.134 personnes
Langue : ika, ijka, iku, arhuaco, bintukua, businj=ka, busintara de la famille linguistique chibcha
8 à 10.000 locuteurs (Landaburu, 2000)
Quelques mots :
Nukaku : mon père
Ima : lune
Kaà : terre
Ye : eau
Ywia’ : soleil
Sakuku : tête
Yu’kwu : jambe
Gunnu : bras
Nazati : ma mère
Gummusinu : enfant
Uraku : maison
Peru : chien
Azi meézani ? comment vas-tu ?
Autodénomination : iku = gente (gens) en langue ika (Tracy, 1997)
Autres noms : arhuacos, ika, iku, ijku, ijka
Localisation
Leur territoire se situe dans les bassins supérieurs des rios Aracataca, Fundación et Ariguani sur le versant ouest de la Sierra Navada de Santa Marta dans la juridiction des départements de César, La Guajira et Magdalena.
Ils vivent également dans les zones entourant la limite inférieure de leur resguardo sur les rios Palomino et Don Diego sur le versant nord et sur le versant SE, les bassins supérieurs des rios Azúcarbuenoa et Guatapurí.
Ils sont répartis dans 20 zones de peuplement et partagent leur territoire avec les Koguis et les Wiwa.
Les connaissances des Arhuacos ainsi que celles des 3 autres peuples autochtones de la Sierra Nevada (Kogui, Wiw, Kankuamo) ont été déclarées au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco en 2022.
Ils vivent dans 3 territoires collectifs ou resguardos (réserves) de la Sierra Nevada de Santa Marta :
►Kogui-Malayo-Arhuaco : 381.267 hectares. C’est le plus grand resguardo des 3 situé dans les municipalités de Santa Marta et Riohacha, partagé avec les 3 autres peuples.
►Arhuaco de la Sierra Nevada : 195 hectares, Santa Marta, Valledupar, Fundación et Aracataca.
►Businchana à Pueblo Bello, Valledupar, 128 hectares.
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Par Zero_Gravity (talk) (Uploads) — Travail personnel, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=53745541
Le territoire
Le territoire est une intégrité vivante qui sous-tend toutes les actions et tous les mandats que l’autochtone doit suivre. C’est l’expression du droit d’origine, l’identité même, ce pourquoi la formation des Ika cherche à renforcer le sentiment d’appartenance et les racines culturelles.
Le principe fondamental qui régit l’équilibre de la coexistence et garantit, dans une certaine mesure, la durabilité de la vie oriente vers la reconnaissance de pères spirituels pour être en mesure de rendre la pareille.
Actuellement, le processus de renforcement organisationnel et culturel a permis d’atteindre l’autonomie du peuple Ika. Cependant l’influence des églises évangéliques sur le peuple a eu un impact négatif, sur l’organisation et sur la culture en provoquant des divisions entre les membres du collectif.
Même si l’on peut reconnaître que le peuple Arhuaco est l’un des mieux préservés en terme d’intégrité culturelle, il n’a pas été à l’abri de la pénétration d’éléments de la culture dominante.
Pour diverses raisons, des pratiques, coutumes, croyances, normes ont été introduites et ont eu un impact significatif sur la culture en général.
La justice, l’alimentation, le rapport à la nature, la santé, l’éducation te même la spiritualité ont été impactés par des éléments culturels occidentaux, parfois même ceux-ci sont venus en substitution de certains éléments traditionnels.
Le formes de punition, les formes de production et les habitudes alimentaires ont été obligatoirement mise en place aujourd’hui.
Organisations politiques/ Un peuple organisé
Avec les autres peuples de la Sierra (Koguis, Wiwas, Kankuamos) ils sont impliqués dans un mouvement politique important pour la défense de leurs droits.
L’Organisation du peuple Arhuaco est la Confédération Indigène Tayrona (CIT) ou Confederación Indígena Tayrona.
L’organisation politique Gonawindúa Tayrona ou OGT a été fondée par les mamos (prêtres ou sages) Arhuaco, Kogi, Wiwa en 1987 pour défendre leurs intérêts face à l’augmentation des pressions occidentales. Ils envoient des délégations à Bogota pour rencontrer les ministres et les fédérations. L’OGT a la compétence pour représenter 60 villages indigènes (dont 28 villages Arhuacos).
Les mamos se sont opposés juridiquement et avec succès devant la cour constitutionnelle à la pratique collective du culte évangélique sur leur territoire. Ces dogmes évangéliques en effet interdisent les rites Arhuacos (confessions auprès des mamos, offrandes, usage du poporo)
En 1980, les Arhuacos éjectent de leur territoire les missionnaires capucins qui font régner de graves menaces sur leur langue et leur religion avec les méthodes classiques employées par les missionnaires sur les populations dites « sous développées ». les bâtiments de la mission après l’expulsion sont occupés par les Arhuacos.
Les Arhuacos de même ont décidé de limiter toute nouvelle exposition de leur société traditionnelle au regard des étrangers et ils s’opposent à la construction de routes, aux projets de barrages et de mines et à tout développement menaçant leur territoire.
Pour autant dans les années 2010, une cinquantaine de projets d’études sont menés en vue de l’extraction minière et une dizaine de projets concernant la montagne sont en gestation.
Les mochilas

Par Jdvillalobos — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=12597034
La fabrication des mochilas (sacs) est l’artisanat de choix du peuple Arhuaco. Les mochilas représentent l’un des artisanats les plus importants de la Colombie, ce sont de véritables symboles culturels de l’identité colombienne, d’ailleurs une salle est consacrée aux mochilas dans le musée d’anthropologie de Barranquilla.
Ces petits sacs sont rayés, souvent dans les tons beiges, marrons, gris, noirs. Ce sont les femmes qui les fabriquent inlassablement tout au long de leur vie, tout au long de leur journée, tissant la laine de brebis, le coton, la fibre extraite du sisal. Ces sacs sont souvent réservés à la vente et cette vente sert uniquement à faire face aux coups durs. Ces sacs sont les accessoires indispensables et inséparables de la tenue des Arhuacos. Ils peuvent se vendre à des prix très élevés car leur réalisation est raffinée.
Nabusimake la porte du ciel - Par MARCO ANTONIO BARBOZA GARCES — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=65559928

Histoire
Les Tayronas, peuple bâtisseur contemporains des Incas et ascendants des Arhuacos vivaient dans une paix relative les 70 années suivant la conquête espagnole puis ils se sont rebellés.
Cette rébellion a été écrasée et ils ont dû fuir dans la Sierra Nevada de Santa Marta afin de reconstituer leur société.
Les Arhuacos sont considérés comme les premiers habitants de La Guajira d’où ils ont été chassés par les Wayuu ou Guajiros.
Depuis les années 1980, les Arhuacos dénoncent les exactions commises sr leur territoire par les guérilleros et les militaires. La Sierra Nevada a été le théâtre de violents affrontements entre l’armée, la guérilla et les paramilitaires d’extrême-droite. De nombreuses victimes sont à compter parmi les indigènes en tant que victimes non impliquées dans ces conflits.
Le 12 décembre 1990, 3 leaders arhuacos, Luis Napoleón Torres, ex gouverneur arhuaco, Hugues Chaparro, autorité de la zone orientale et Angel María Torres, secrétaire général de l’organisation ethnique ont été assassinés par une milice armée alors qu’ils se rendaient à Bogota pour s’entretenir avec les candidats indigènes aux élections à l’Assemblée Constituante.
A la fin du XIXe siècle, l’état accorde le contrôle de la région aux missions capucines dans la péninsule de la Guajira et la région de la Sierra Nevada de Santa Marta.
Leur culture

Le mamo
Le mamo est l’homme de connaissance qui exerce la spiritualité sur son territoire. A travers le mambeo (mâcher des feuilles de coca) et le poporo, il pratique une forme de spiritualité à la recherche de la protection de la Mère Nature et de la Sierra considérée comme le corps humain. La femme, dans son artisanat tisse les pensées et l’histoire du peuple. Le mamo se prépare dès son plus jeune âge à sa future fonction, son apprentissage dure environ 10 ans. Il doit se familiariser avec les montagnes et apprendre à méditer sur le monde naturel et spirituel.
La loi d’origine
Ils croient en la Loi d’origine comme guide de comportement et de connaissances spirituelles qui les gouvernent en tant que peuple. Cette loi peut être comprise comme une loi de vie dans laquelle la nature ne peut pas être détruite. Leur vie est étroitement liée à la Sierra Nevada s’élevant sur la côte caraïbe et possédant (encore) des nevados (montagnes enneigées), des lagons et des páramos dans les hautes terres.
La loi d’origine est composée de 4 lois universelles (la loi de la naissance, la loi de l’identité, la loi d’unité et la loi de réciprocité).
Les frères aînés
Les peuples indigènes de la Sierra Nevada se considèrent comme les « frères aînés » et estiment posséder une sagesse et une compréhension mystiques qui surpassent celles des autres qu’ils appellent leurs « petits frères ».
Les frères et sœurs aînés croient qu’il est de leur responsabilité de maintenir l’équilibre de l’univers. Tous les évènements naturels ou qui en découlent sur cette terre sont, selon eux, le résultat de l’incapacité humaine à maintenir l’harmonie de la planète. L’équilibre est atteint en faisant des offrandes sur des sites sacrés pour rendre à la terre ce qui en a été obtenu.
La coca
La feuille de coca joue un rôle central dans la vie quotidienne des Arhuacos et sert dans les offrandes et les cérémonies. Chaque homme porte en permanence sa mochila contenant des feuilles de coca qu’il mâche pour obtenir un effet stimulant. Quand 2 hommes se rencontrent, ils échangent une poigné de feuilles de coca en signe de respect mutuel.
Le poporo, une courge évidée, contient des coquillages écrasés que les hommes prennent avec une petite baguette pour les mélanger aux feuilles de coca dans leur bouche. L’alcalinité des coquilles réagit au contact de la feuille de coca stimulant de ce fait ses principes actifs.
Hélas, la feuille de coca ne sert pas qu’aux pratiques culturelles des autochtones, elle est cultivée à grande échelle par des colons non autochtones et des groupes ne narcotrafiquants comme matière première de la cocaïne. La Colombie est la capitale mondiale de cette drogue et cette production a des conséquences très importantes sur les populations autochtones.
L’eau
L’eau est profondément vénérée par les autochtones qui s’opposent aux projets hydroélectriques de la région. Les barrages perturbent le cycle naturel de l’eau de la Sierra et menacent les cultures et le bétail des indigènes.

Économie

Leur activité économique principale est l’élevage ovin et bovin. Le régime alimentaire est complété par l’agriculture. La principale culture agricole est le café et dans les sols froids ils cultivent les pommes de terre, l’arracacha (pomme de terre-céleri), la patate douce, l’ail, le chou, les oignons. Dans la partie tempérée de leur territoire ils cultivent les haricots, les avocats, le maïs, la chuyana, la canne à sucre, la coca, le tabac et le manioc.
Le cycle agricole est identique à celui des Kogis, il commence avec la coupe des arbres et le brûlage d’une parcelle de terrain, de décembre à février. Cette tache est masculine. Ensuite les femmes, entre février et avril préparent la terre et sèment. D’août à novembre arrive le temps de la récolte.
Habitat
Leur mode de résidence est assez mobile dans la mesure où il y a 2 ou 3 domaines dans différentes parties du resguardo. Les maisons sont rondes ou rectangulaires avec des toits de chaume. Au milieu du village on trouve la maison des cérémonies masculines.
Par Moto-gundy, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=18565705
Sources : ONIC.org, wikipédia en espagnol, mng.mincultura.gov.co, survival.es
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