Poésie amérindienne : Deborah A. Miranda
Publié le 27 Juillet 2018
Poétesse métisse dont le père appartenait aux tribus Esselen et Chumash de Californie et dont la mère était d'ascendance française et juive.
L'expérience des tribus lui apparaît avec l'histoire des missions jésuites et l'histoire des amérindiens de la côte sud de Californie et se poursuit avec la résistance de ces peuples et leur résurgence actuelle.
Ses parents ont décidé de renouer avec les modes de vie tribaux perdus et Deborah avec son écriture et sa narration a pu mettre cette expérience en exergue.
Le peuple Esselen à présent, oeuvre pour la reconnaissance de son statut de peuple originaire et Deborah n'est pas étrangère à cela.
Elle est née en 1961 à Los Angeles en Californie.
Elle est membre du prestigieux Macondo Writers Workshop, un atelier fondé par Sandra Cisneros et le Native Writing Circle of the Americas.
Une cérémonie des pleurs
1 Invocation
Pleurez pour la faim qui alimente la trahison,
telle un serpent se dévorant lui-même.
Pleurez pour la peur dont le ventre accouche
d’une colère difforme.
Pleurez pour les occasions perdues, elles font défaut
autant que les saints oiseaux venus du ciel.
Pleurez pour les longs couteaux dégainés
que sont séparation et abandon.
Pleurez pour les impitoyables fardeaux
se cramponnant comme des parasites.
Pleurez pour l’amour qui
à l’égal du vent, vit sans corps.
Pleurez pour les mains vides se dirigeant
vers des bouches vides, encore une fois.
Pleurez pour la fuite apatride,
les exils sans noms.
Pleurez pour la haine qu’on vénéra,
faite de chair humaine.
Pleurez pour les cérémonies dont
la seule chanson qui reste soit aucune.
2 . Nommer
Des pleurs comme une musique inaudible
dans une salle pleine d’oreilles.
Des pleurs comme du poison dissimulé
dans les poitrines de fortes nourrices.
Des pleurs comme ceux des criminels, leurs déviantes mains ouvertes inacceptables.
Des pleurs comme des chauves souris
surgissant de grottes du fond des âges.
Des pleurs comme des faisans traqués
qui font éclater leurs abris.
Des pleurs comme une neige tardive
qui fond sans laisser de trace.
Des pleurs comme des sons jamais proférés :
une langue coupée.
Des pleurs comme la douleur s’étirant
pour épouser les dimensions du corps.
Des pleurs comme les portes d’une mission
fermées en claquant.
Des pleurs comme le cœur ardent de la terre
qui s’ouvre en se brisant.
3 Bénédiction
Pleurez pour la naissance, pour la façon dont le pouvoir entre
et sort simultanément.
Pleurez pour l’étonnement qui nous est donné
telles des étoiles au dessus d’une route sombre.
Pleurez pour le silence, la silhouette
d’un cerf dans les prairies au petit matin.
Pleurez pour la confiance, telle une fleur jaune
s’épanouissant dans des lits de lave noire.
Pleurez pour la mémoire pareille à des os dans la terre la plus douce
qu’on aurait pas dérangés.
Pleurez pour la compréhension, identique au son
d’eau pure émis par la source.
Pleurez pour les retrouvailles, la façon dont les miracles même
se produisent auprès des survivants.
Pleurez pour le désir, le passage vers le centre
d’une montagne ancienne.
Pleurez pour la plénitude , un rêve à l’intérieur d’un rêve
dont on vous fait don pour le louanger.
Pleurez pour la force, comment elle monte en spirale
telle la fumée qui véhicule des prières.
Pleurez pour la foi, telle une plante sacrée
elle arrive à maturité avec un épais et riche feuillage.
DEBORAH MIRANDA