Deux mondes (Chalutier Al Awda pour Gaza)
Publié le 8 Juillet 2018
Dans les eaux d'Ajaccio, même mouillage, mêmes eaux, mêmes paysages Corses.... deux mondes.
Deux mondes qui s'affrontent, au clapotis de l'eau, quand celle-ci claque sur la coque d'un bateau, l'écho de l'autre, son voisin n'a pas la même résonance.
C'est ainsi que va le monde, côte-à-côte vivent des êtres , en toute inégalité, un contraste qui fait penser que tout combat pour la justice, la liberté et l'égalité chez nous et ailleurs est un combat vital, nécessaire.
Il y a ceux qui peuvent et il y a ceux qui espèrent, entre deux il y a ceux qui agissent selon leurs moyens et leur force de conviction.
Prenons l'exemple cité ci-dessus dans les eaux ajacciennes :
Il y a ceux qui peuvent :
S'acheter des yachts, les entretenir, payer leur place à l'année, au pire ils sont immatriculés dans les paradis fiscaux, on ne refuse rien à ceux qui ont de l'argent.
A Ajaccio, j'ai bien l'impression que ces bateaux-ci sont légion, tout comme dans les ports de plaisance de la côte d'Azur ou du Var et des Bouches-du-Rhône où je me suis déjà rendue.
Et puis il y ceux qui agissent, en l’occurrence, pour 3 jours ici à Ajaccio, mitoyen des yachts luxueux, le petit chalutier Al Awda qui veut dire Le Retour, un nom qui suggère le droit au retour des palestiniens sur leurs terres d'origine. Sur ce bateau, modeste, emblématique qui va partir avec à son bord des militants de la cause palestinienne venant de l'Europe du nord vers les eaux territoriales de Gaza, pour dénoncer le blocus israélien, il est évident de constater que deux mondes s'opposent, le monde du fric et le monde de la raison ou de l'espoir ou de la justice tout simplement.
Ceux qui espèrent sont souvent ceux qui agissent car l'espoir fait vivre comme on dit.
Mais quel espoir quand chaque jour certains s'enrichissent, quand chaque jour, l'individualisme gagne du terrain, quand la flamme s'éteint chez ceux qui l'avaient fait grandir, quand le monde s'embourbe très certainement dans une phase extrême où celui qui espère ou celui qui agit, deviennent ceux à abattre.
Certains d'entre nous ont des rêves d'égalité, des rêves de justice, des rêves dans lesquels chaque gain serait partagé équitablement, où le "petit" compte et pas uniquement le "grand", un monde où la richesse générée par la terre-mère serait une richesse respectée et partagée, à part égale, sans la gaspiller. Remettant cela, tout cela, à plat, il y aurait de quoi pour chacun des êtres présents, c'est évident, les "petits" en auraient bien trop et les "grands", eux devraient certainement se serrer un peu la ceinture, mais pas tant que ça.
Il y a deux bémols à mon histoire, le premier c'est que je parle de rêves et que le rêve n'amène pas la réalité, le second c'est que les grands ne veulent jamais se serrer la ceinture.
Un autre bémol consiste en ce que l'être humain est matérialiste et croit que posséder c'est une fin en soit, donc posséder quoi que ce soit, c'est une façon de calmer son ego et de penser que l'on a réussi. Cela enrichit le capitalisme en même temps que cela crée de plus en plus d'inégalités et d'avidités.
Alors que dans la vie, les petites fleurs, les belles images, les sentiments, le fait de s'intéresser aux autres, ce n'est pas matériel et ça ouvre des portes bien plus belles, pour l'être humain, pour la solidarité, pour la planète. Ce monde de bisounours il est pourtant à notre portée et notre vie ne peut-elle pas, simplement s'en satisfaire ?,
Par exemple, pour les habitants de Gaza, offrir quelques minutes de sa journée, ouvrir son esprit à leur cause, comprendre ce qu'on leur fait subir, comprendre aussi la force combative qu'il y a en chacun d'eux, comprendre les restrictions, la difficulté de la pêche et la nourriture qui manque, l'eau qui manque, les terres qui rétrécissent, les murs qui enferment, les guerres qui apportent tant de souffrance, la vie qui n'est que souffrance et dans laquelle les enfants naissent et ne connaissent que cela : peur, mutilations, arrestations, bombardements, discrimination, menaces, vols des terres et des maisons, vivre dans une prison à ciel ouvert.
Alors, oui, dans les deux mondes il y a celui que certains et certaines choisissent, avec foi, avec passion, avec sagacité, avec détachement, avec tendresse, avec espoir et avec un amour très grand qui permet de cultiver l'empathie et de la mettre bien haut sur un étendard ou une affiche d'un bateau. Il y a ceux et celles qui mettent leur vie au service d'une cause qu'ils trouvent juste.
Ils ne sont pas nombreux, oh non, ils ne sont pas légion, ils font souvent partie des "petits" mais quelle grandeur est en eux, quelles causes ils font bouger, ils déplacent, ils fédèrent, ils se dépensent sans compter et ils sont bons, très bons, car regardez un peu comme je parle d'eux et d'elles, ces militants des droits humains, ces associations, ces militants tout simplement, dans chaque ville, dans chaque port de cette terre, ils sont et ils font.
Ceux qui se servent de leurs beaux bateaux, ceux qui voyagent et en ce sens polluent, ceux qui ne pensent qu'à "posséder", ont-ils une ouverture à l'autre qui permette un temps soit peu de réaliser des photos, de s'intéresser, de demander, de s'étonner, de se poser des questions, de faire le premier pas pour que de là, découle un article, une page, une petite lumière qui éclaire de sa pâle lueur une cause, un concentré d'espoir, une conscience enfin, révélée.
Alors, ici, je veux remercier Alma qui me permet de parler de la cause palestinienne, qui s'est mise au service de cette cause avec ses moyens, avec son âme, pour illuminer en cette période d'été où le chacun pour soit est roi, une juste cause qui vibre et n'attend pas.
Caroleone