Guatemala - Des volcans et des voleurs

Publié le 21 Juin 2018

Par : Fatima Amezkua Kortadi de Mugarik Gabe.

Ces jours-ci, nous avons pu voir dans les médias les événements tragiques qui se sont produits au Guatemala après l'éruption violente du volcan de Fuego. L'éruption volcanique est un phénomène naturel et sans aucun doute incontrôlable, mais les conséquences et le coût élevé en vies humaines de cet événement sont gérables et leur responsabilité est politique.

Ce jour-là, tous les gens n'ont pas subi le même sort. Les communautés installées sur les pentes du volcan n'ont jamais été alertées pour évacuer la zone même s'il y avait des informations quelques heures avant l'événement qui indiquaient clairement qu'elles avaient besoin d'évacuer la zone. Mais ils n'étaient "seulement" qu'une poignée d'humbles, indigènes et paysans. Non indispensables. D'autre part, le luxueux golf de La Réunión, également situé sur les pentes du volcan de Fuego, a évacué ses invités et son personnel de service à temps - deux heures avant l'éruption fatale. Cela a été possible parce que, dans ce cas, ils ont reçu des bulletins périodiques de l'Insivumeh (Institut National de Sismologie, Volcanologie, Météorologie et Hydrologie) au sujet de l'activité du volcan et ont été alertés pour évacuer immédiatement. A ces riches clients-là on leur a sauvé la vie. A une courte distance de la station et juste une heure avant l'éruption, les délégués de Conred (Coordinateur National pour la Prévention des Catastrophes) ont dit à la population qu'ils n'avaient pas à évacuer mais qu'ils devaient s'enfermer dans leurs maisons. Ils n'avaient aucune chance.

Plusieurs communautés ont littéralement disparu ensevelies sous des tonnes de cendres et de coulées pyroclastiques. Plus de 100 cadavres ont été retrouvés et des centaines, voire des milliers de personnes disparues ne sont plus recherchées. Ceux qui ont réussi à survivre n'ont rien, beaucoup souffrent de brûlures graves, ont perdu des êtres chers, leurs maisons, leurs champs, leurs animaux, leurs moyens de subsistance. Une telle perte de vies humaines était-elle évitable ? était-ce le résultat d'un manque de coordination, d'inefficacité, de laisser-aller... ? 

Au milieu de cette situation, alors que les responsabilités sont en cours de résolution, le Président Jimmy Morales annonce que le budget de l'Etat " ne nous permet pas de désigner un centime pour faire face à l'urgence ". Le peuple guatémaltèque a déjà manifesté massivement pour exiger sa démission. Comme le dénoncent les organisations sociales, ce même Président, qui prétend ne pas avoir de fonds disponibles pour l'urgence, a récemment dépensé une somme exorbitante d'argent public pour emmener sa famille à l'inauguration de l'ambassade du Guatemala à Jérusalem. Honteux, cruel.

D'autre part, ce qui est mobilisé et qui a des priorités claires, c'est la solidarité des individus et des peuples. Dans tous les départements du pays, la société civile s'est organisée pour collecter la nourriture, les vêtements, les couvertures, les médicaments, etc. que les gens de tous les milieux apportent aux victimes. Bien que l'armée rende la tâche difficile en coupant le passage aux communautés les plus touchées, les organisations sociales et les bénévoles réussissent à obtenir de l'aide à la fois dans les auberges improvisées et pour les communautés qui ont été coupées et à ces personnes arrivent par des chemins étroits en portant l'aide sur leurs épaules.

Mais l'éruption d'un volcan n'est pas la seule chose violente qui se passe dans le pays du printemps éternel. Au cours des dernières décennies, l'extractivisme, les mégaprojets et les monocultures sont devenus des activités très lucratives fondées sur la violation systématique des droits des peuples indigènes sur leurs territoires. Lorsque les défenseurs de ces droits dénoncent les violations commises par ces entreprises en usurpant leurs terres, ils reçoivent en réponse un plan orchestré de discrédit, une criminalisation judiciaire basée sur de fausses accusations et des menaces de mort qui se traduisent finalement par des meurtres commis en toute impunité.

Au cours du mois dernier, au moins cinq défenseurs des droits de l'homme et des peuples indigènes ont été assassinés, la plupart dans le département d'Alta Verapaz, mais aussi à Jalapa et Jutiapa. Leur crime, être porteurs de la voix des peuples indigènes dans la défense de leurs territoires et de leurs biens naturels contre le pillage des grandes sociétés transnationales qui opèrent avec la connivence de l'État. Malgré le fait que toute la législation internationale sur les droits appuie leurs revendications et que plusieurs d'entre eux ont fait l'objet de mesures de protection de la Cour Interaméricaine des Droits Humains ou du ministère public, les intérêts économiques n'ont pas hésité à tirer les ficelles pour faire taire leur voix. Il est très regrettable que ce type d'informations, qui concerne également les entreprises espagnoles et européennes, ne soit pas reflété dans les médias. Un volcan doit rugir pour que nous puissions regarder en arrière ce petit et grand pays d'Amérique centrale.

Mais au Guatemala, tout fleurit, il n'y a pas de semences qui tombent en vain. Ils peuvent faire taire une personne, un individu mais pas la communauté, pas ceux qui vivent en communauté, qui se sentent partie intégrante et non propriétaires de la terre qu'ils habitent, aiment et défendent. La lutte des peuples pour leurs droits est encore vivante. Pour la terre, le territoire et la vie.

traduction carolita d'un article paru sur Prensa comunitaria le 18 juin 2018

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