Des artistes Huitoto peignent la mémoire de leur peuple

Publié le 6 Août 2018

Traduction d'un article d'août 2016

Une grande exposition à Lima, Pérou recrée le moment de l'exploitation du caoutchouc mais montre autre chose : comment l'art originaire peut être transformé de cette époque cruelle.

Il y a quatre ans, Santiago Yahuarcani a finalement rencontré La Chorrera. Dans cette ville à la frontière Pérou-Colombie vivait son grand-père, un membre du clan Aymeni Huitoto, qui, comme beaucoup de son groupe, a été déplacé pour construire la route de Putumayo à l'Amazonie.

Santiago a visité la terre de ses ancêtres en 2012, alors que cent ans se sont écoulés depuis le début de l'exploitation à l'époque du caoutchouc, et ce n'est qu'alors qu'il a compris pourquoi, enfant, il voyait son grand-père pleurer. Il le faisait quand ils se rassemblaient dans la maloca et qu'il leur racontait des histoires de l'Amazonie. Depuis que les chamans sont morts brûlés et que leur savoir a été transformé en papillons ; et depuis que les pères capucins ont pris les huitotos pour repeupler La Chorrera, ni les prières ni les bénédictions n'ont pu enlever l'esprit des milliers d'indigènes qui y sont morts.

Le souvenir de la douleur du patriarche, de La Chorrera et des mythes indigènes qui subsistent aujourd'hui ont également été installés dans la mémoire de Santiago et dans ses peintures. Le peintre huitototo les a peints sur des toiles de yanchama (tissu d'écorce d'arbre) et maintenant il expose ce travail dans son exposition "Le pays du caoutchouc", au Centre Colich de Barranco.

Ce sont des images qui captivent et ébranlent, car si elles montrent la terreur vécue par un groupe originaire, elles représentent aussi un lien direct avec la mémoire d'un peuple qui lutte pour préserver son identité et le savoir de ses ancêtres.

Deux générations


Comme son père Santiago, Rember Yahuarcani s'est également rendu à la Maloca pour entendre les mythes amazoniens. Il les entendit de sa grand-mère qui, remarquant en lui sa capacité artistique, lui donna la mission d'apporter cette connaissance à un plus grand nombre de personnes. "La peinture est devenue ce canal de communication alternatif pour préserver ces histoires", reconnaît le jeune artiste, qui partage maintenant une salle d'exposition avec son père.

"L'idée n'est pas tant de montrer à quoi ressemblait l'âge du caoutchouc. Je viens d'une société très affectée, nous devons transformer cette mauvaise expérience et montrer que nous sommes en train de surmonter ce traumatisme", reflète Rember. Admirer le travail du père et du fils ensemble nous permet de comprendre leurs paroles. Il y a le respect de l'héritage et le regard vers l'avenir.

Les huitoto


Les huitoto, witoto, witoto, güitoto ou murui-muinane sont un peuple indigène de l'Amazonie colombienne et péruvienne, dont le territoire d'origine se trouvait dans la partie centrale du rio Caquetá et de ses affluents, ainsi que dans la selva qui va jusqu'à la rivière Putumayo. Leur langue appartient à la famille bora-witoto.

Au XXe siècle, ils ont été incorporés de force dans les plantations d'hévéa, ce qui a provoqué de graves conflits en raison de leur exploitation en tant que travailleurs dans des situations de semi-esclavage. C'est ce dont parlent les peintures de Santiago et Rember Yahuarcani et qui sont maintenant exposées dans cette exposition.

Dans un nombre approximatif de dix mille personnes, les huitoto sont actuellement dispersés dans plusieurs régions de l'Amazonie, habitant la région connue sous le nom d'Amazonie colombienne ainsi qu'un important secteur péruvien à la frontière avec la Colombie. Ils sont organisés au Conseil Régional Indigène de l'Amazonie Moyenne (CRIMA) et considèrent La Chorrera comme leur lieu d'origine.

traduction carolita d'un article paru sur Elorejiverde le 13/8/2016

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