Les tisserands Salish

Publié le 23 Novembre 2017

Cowichan girl- Curtis- Une jeune fille de noble ascendance vêtue d'une robe en poil de chèvre.

Les peuples Salish sont des peuples de la côte nord-ouest du Pacifique répartis entre le Canada et les Etats-Unis dans l'état de Washington, partageant une culture et une famille linguistique commune (langues salishan). Ces peuples étaient liés depuis fort longtemps, leur région géographique allait du canyon Fraser jusqu'à l'île de Vancouver en Colombie britannique (Canada) jusqu'à Aberdeen dans l'état de Washington (EU).

Chaque village était distinct des autres, la région Salish pour autant n'était pas unifiée.

Ils ont été et sont toujours des tisserands qualifiés de cette région du nord-ouest qui se distingue par la richesse culturelle de ses populations originaires. Les couvertures des Salish sont très réputées et certaines d'entre elles sont très anciennes. De nos jours de nouvelles techniques et des colorants sont apparus après la colonisation et ont enrichi les techniques traditionnelles.

Les couvertures

 

couverture en laine de chèvre des montagnes, poils de chien laineux, fibres d'ortie et plumes

Elles étaient utilisées à des fins cérémonielles depuis la naissance de ce groupe de peuples, lors des potlatchs entre autres.

Celui qui portait la couverture était identifié comme le chef civil et religieux de la communauté.

Les personnes honorées étaient décorées d'une couverture pour les distinguer des gens plus communs ou elles s'asseyaient et se tenaient sur une couverture afin d'être élevé selon leur statut. Les couvertures représentaient la richesse d'une personne, elles étaient données à des membres de la communauté ou parfois à d'autres villages pour montrer leur prospérité. Celui qui obtenait une couverture permettait au donneur d'acquérir du prestige et d'élever son statut social. Parfois des couvertures étaient coupées en morceaux afin de pouvoir les distribuer à plus de participants. Ces fragments étaient retravaillés et incorporés à des couvertures plus grandes.

Les couvertures de cérémonie étaient très recherchées dans les potaltchs, le système économique de redistribution des richesses que pratiquaient les Salish, les couvertures étaient aussi précieuses que les esclaves. 8 couvertures pouvaient acheter un esclave.

Lors des visites d’étrangers, le chef d’une maison longue empilait le long des toits les couvertures, preuves du prestige d’un homme qui pouvait commander cette compétence parmi sa famille élargie

Les femmes qui avaient les connaissances essentielles pour cet art n’étaient pas très nombreuses, cela leur permettait également d’obtenir le respect et de s’émanciper plus ou moins. Elles transmettaient leurs connaissances à certaines initiés mais aussi elles employaient les esclaves.

Souvent seuls les gens nobles pouvaient posséder les chiens et les outils pour le tissage.

Ces couvertures de grande valeur étaient également utilisées comme monnaie d'échange ou achetées/vendues. La confection des couvertures était le travail des femmes, les jeunes étaient formées par les grand-mères dès l'âge de 10 ans avec un entraînement intense au moment de la puberté.

Le tissage demandait de l'engagement, du sérieux et du temps. Les couvertures étaient associées à la spiritualité.

les techniques de tissage adoptaient plusieurs techniques dont l'ajouré, le diagonal ajouré, l'ajouré vertical et oblique.

By Sfuarch480 - Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7029003

Les matériaux

les matériaux de tissage étaient récoltés dans l'environnement riche et varié à la disposition des peuples sur leur territoire.

Les fouilles archéologiques dans la région ont permis de découvrir de grandes quantités de vanneries et de fibres révélant les matériaux historiques.

La laine de chèvre des montagnes

 

pelote de laine de chèvre des montagnes (Songhees)

La principale source de fibres pour les tissages était celle des chèvres de montagne ou SAH-ay.

Les couvertures composées de cette laine faisaient partie des plus précieuses.

La laine était obtenue dans les montagnes où les chèvres passaient l'été, trouvée ou attrapée, emmêlées dans des buissons bas et avec la laine des chèvres chassées pour la viande. Ils enroulaient la peau avec les côtés de chair ensemble et au bout de quelques jours, la laine partait naturellement. Ensuite les femmes l'arrachaient pour la transformer en fil. Pour que la fibre soit exploitable elle était mélangée à une argile blanche semblable à de la craie absorbant les graisses et permettant à la fibre  de laine de s'accrocher.

A présent la laine de mouton domestique a complètement remplacé la laine de chèvre des montagnes qui est rare et difficile à obtenir.

 

Les poils de chien laineux

Les Salish récoltaient également les poils de chien laineux blanc qu'ils utilisaient pour leur fourrure en tant que fibre de tissage. Ces nombreux chiens ressemblaient à des spitz en plus gros. Leurs toisons étaient très compactes.

Le peuple Sto:lo avait un chien semblable au coyote avec un sous-poil abondant et laineux couvert par des poils longs et plus grossiers. Les chiens étaient tondus avec des ciseaux.

Les couvertures de cérémonie étaient très recherchées dans les potaltch, le système économique de redistribution des richesses que pratiquaient les Salish, les couvertures étaient aussi précieuses que les esclaves. 8 couvertures pouvaient acheter un esclave.

Lors des visites d’étrangers, le chef d’une maison longue empilait le long des toits les couvertures, preuves du prestige d’un homme qui pouvait commander cette compétence parmi sa famille élargie

Les femmes qui avaient les connaissances essentielles pour cet art n’étaient pas très nombreuses, cela leur permettait également d’obtenir le respect et de s’émanciper plus ou moins. Elles transmettaient leurs connaissances à certaines initiés mais aussi elles employaient les esclaves.

Souvent seuls les gens nobles pouvaient posséder les chiens et les outils pour le tissage.

By Sfuarch480 - Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7032697

Les Salish incorporaient aussi du duvet d'oiseaux aquatiques au filage ainsi que de l'écorce de cèdre(SLAH).

D'autres matériaux végétaux utilisés étaient le chanvre indien ou apocynum cannabium, la fibre d'ortie, la fibre d'asclépiade, le jonc, les roseaux, l'écorce de saule.

Le chanvre indien

CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=394069

Le chanvre indien était récolté, séché avant maturité, l'herbe était bouillie pour la ramollir et la rendre malléable.

Le tissage était fait avec des fibres humides.

La fibre d'ortie

image

La fibre d'ortie servait à l'obtention d'une ficelle utilisée dans des articles demandant de la résistance. Les orties étaient séchées puis humidifiées pour rendre l'écorce flexible. La moelle des tiges restant sèche et cassante, en coupant la tige et en la frottant sur un bord émoussé, l'écorce se sépare de la moelle. Ensuite l'écorce est battue et peignée puis cardée dans un tissu mou qui pouvait alors être filé comme de la laine. Elle était utilisée pour les filets et les lignes de pêche, les chaînes de tissage.

La fibre d'asclépiade

Les Salish utilisaient l'écorce de la fibre de cette plante indigène de la région de la rivière Thompson pour en faire des ficelles plus fines et associée à la laine de chèvre des montagnes et au poil de chien pour tisser des couvertures.

Le jonc

Les joncs étaient récoltés en fin d'été et coupés au niveau et en-dessous de l'eau. Ensuite ils étaient étalés sur des supports pour sécher et tissés pour en faire des nattes, des sacs ou dépouillés pour en faire des cordes et des ficelles.

 

The tule gatherer- Cowichan- Curtis- La confection de nattes de joncs, de tapis, de cloisons, de matelas, de capes et de voiles constitue encore dans de nombreuses localités une tâche importante du travail des femmes.

 

Batteuse d’écorce, vers 1914

Femme kwakwaka’wakw portant une couverture faite d’écorce de cèdre déchiquetée. Elle ramollit l’écorce de cèdre qui avait été séchée après avoir été arrachée de l’arbre au printemps. L’écorce de cèdre est placée sur la tranche d’une vieille pagaie et elle tient un outil appelé batteur d’écorce avec lequel elle frappe l’écorce. Ce procédé ramollit l’écorce afin d’en faire des habits et des insignes cérémoniels. Le déchiqueteur était un autre outil utilisé pour ramollir l’écorce de cèdre. Cet outil était sculpté dans du bois d’if ou de l’os de baleine.

Photo : Edward S. Curtis

L'écorce de cèdre rouge

Ce matériau était très abondant sur le territoire des Salish et entrait dans la composition de nombreux articles dont les vêtements.

L'écorce interne plus molle était préférée et utilisée pour le tissage. Elle était rendue plus souple et douce grâce à l'ébullition pendant 2 jours, travaillée ensuite en bandelettes en les pliant, les tordant et les frottant entre les mains recouverts de gants de protection en peau de daim. Une fois préparée la bande était retirée pour être utilisée dans le tressage ou le tissage des paniers ajourés, pour les vêtements l'écorce était d'abord pliée en lambeaux puis peignée en petites fibres séparées et ensuite filée en une ficelle fine ou une corde.

L'écorce de saule

C'était l'écorce interne du saule qui servait pour le tissage et ce en plusieurs formes qui gardaient bien ces formes et qui présentaient une grande résistance et une durabilité considérable. Il fallait faire bouillir l'écorce pour l'assouplir et la rendre malléable.

La laine de mouton domestique ou mah-too-EHL-kel

 

 

lavage de la laine- CC BY 3.0, https://en.wikipedia.org/w/index.php?curid=24891596

séchage de la laine- CC BY 3.0, https://en.wikipedia.org/w/index.php?curid=24891966

Elle deviendra après la colonisation le matériau le plus commun des tissages. Des tricoteurs achètent des toisons tondues et les préparent traditionnellement. Peu de Salish achètent de la laine déjà lavée et cardée directement dans une usine de cardage commerciale. La toison est légèrement lavée dans une bassine d'eau tiède, suspendue à l'extérieur pour sécher et débarrassée de ses saletés. La laine est ensuite cardée, disposée en nattes dans le sens de la longueur puis filée, introduite à la main dans l'axe de la broche qui sépare les sections de laine. Lorsque la broche est remplie la laine est déroulée et stockée dans des pelotes.

La teinture de la laine

Toutes les teintures utilisées par les Salish provenaient de l'environnement et des ressources végétales et autres à leur disposition.

Le jaune soleil dérivait de fleurs de pissenlit

Le vert olive était obtenu avec des feuilles de tomate ou d'ortie

Racine de raisin d’Oregon (mahonia aquifolium) : teinture vert/ jaune (racine toxique)

Argiles bleues et vertes

Lichen rouge échangé ou tiré des falaises de basalte : rouge

Écorce d'aulne : rouge/marron

Le fil était mis dans un pot contenant la source de la couleur et de l'eau bouillie, il était ensuite mis dans un bain mordant laissé à mijoter pendant plus d'une heure. Le mordant d'aluminium révèle le jaune, le sulfate de cuivre devient vert, le sulfate ferreux et le mordant de fer donnent un aspect grisé.

mordançage de haut en bas, alun, sulfate de cuivre, sulfate de fer

D'autres mordants étaient le chrome et l'étain.

La dernière étape combine le colorant avec le fil et mijote pendant une heure, ensuite le fil est teint et enlevé et mis à sécher.

 

inclusion de tissus rouge- By Sfuarch480 - Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7036012

Les inclusions rouges dans certaines couvertures sont faites de tissus de laine et utilisés dans les couvertures par les Salish dans le dernier quart des années 1800. Les bandes ont été arrachées à des couvertures importées ou d'autres matériaux et utilisées ensuite dans le tissage. Les bandes de tissus et les fils introduits utilisent des couleurs qui n'étaient pas disponibles dans les colorants végétaux ou les minéraux natifs.

Le métier à tisser Salish

Il était formé de deux montants verticaux, d'un support et de deux barres horizontales. Sur les barres horizontales, les couvertures étaient tissées et elles sont ajustées sur les montants verticaux pour des variations de taille. La chaîne est enroulée autour de la barre horizontale et maintenue serrée pendant le processus de tissage.

Baguette en bois utilisée lors du tissage By Sfuarch480 - Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7035980 -

navette en os sculpté utilisée lors du processus de tissage- By Sfuarch480 - Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7036018

fuseau spongieux - By Sfuarch480 - Own work, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7036018

Le déclin et le renouveau

Le tissage des couvertures Salish décline au début du XXe siècle.

En 1884 une loi interdisant les pratiques religieuses des membres des Premières Nations est adoptée dans le processus mis en place par les colonisateurs pour "civiliser" la population autochtone. Celle-ci restera en vigueur jusque dans les années 1920.

La cérémonie du potlatch qui était importante pour les peuples de la côte est comprise dans cette interdiction et c'est au cours des potlatchs que les couvertures mais également d'autres objets confectionnés étaient échangés ou mis en valeur.

pulls Cowishan- CC BY 3.0, https://en.wikipedia.org/w/index.php?curid=24891460

Les colonisateurs de plus apportent avec eux leurs propres couvertures de laine dont les couvertures blanches de la compagnie de la baie d'Hudson qui comportent des bandes rouges, jaunes et vertes. Ces couvertures sont rapidement faites, 20 fois moins chères que les couvertures traditionnelles des Salish. Le tissage de la couverture diminue pour ces deux raisons, les femmes Salish commencent à adopter la pratique du tricotage des pulls et de vêtements. Les chandails connus sous le nom de Cowichan du nom de la tribu ainsi que du nom de la commune Salish de l'île de Vancouver sont faits en laine de mouton obtenue avec les colons. La forme du pull est celle du cardigan européen, les motifs par contre sont ceux empruntant des motifs traditionnels Salish (aigles et baleines entre autres).

Ils ont une moindre importante cérémonielle que les couvertures tissées mais ils étaient portés lors d’événements civiques et religieux d'importance.

Kwaxalanukwame’ ‘Namugwis, le chef William T. Cranmer, fils de Pal’nakwala Wakas, le chef Dan Cranmer qui organisa le potlatch de 1921 ayant conduit à la cession forcée de centaines d’attirails de potlatch et à l’arrestation de 45 personnes (sur ces 45 inculpés, 22 reçurent une peine avec sursis, 3 furent renvoyés en appel et 20 furent conduits à la prison d’Oakalla près de Vancouver).

Le chef Cranmer porte un collier d’écorce de cèdre et une coiffure du même matériau, ornée de grands morceaux de coquilles d’ormeau et de peaux d’hermine blanches.

Les peuples Salish sur le blog

Les peuples Salish de la côte centrale

Les peuples du Puget sound

Les peuples Salish de la côte nord

 source : article de wikipedia en anglais salish weaving 

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