Guatemala - Dénonciation
Publié le 2 Octobre 2017
Veuillez trouver ci-dessous une dénonciation de mon camarade Henri Guéguen.
Merci d'en prendre connaissance.
Guatemala – Dénonciation
Je reconnais hasardeux, pour ne pas dire téméraire, d’écrire à propos d’un pays lointain et qui m’est étranger. L’article expliquera par lui-même pourquoi j’entreprends malgré tout de le faire.
En cet automne 2017, le peuple guatémaltèque, dans sa diversité, tente à nouveau de se débarrasser des sangsues qui y font la loi : politiciens, corrupteurs, etc. Les enjeux de ces événements sont très importants, et pas seulement pour ce pays lui-même, car les Etats-Unis œuvrent au quotidien pour ne rien lâcher au sein du rapport de forces où ils sont engagés depuis des lustres en Amérique latine.
Mais du point de vue des manifestants guatémaltèques, l’un des enjeux est la refonte complète du système judiciaire en vigueur, aussi corrompu que celui de bien d’autres pays ex-colonisés, hélas. Or, il est devenu clair depuis quelques mois que ce système ne pourra se faire que moyennant la révision du Code électoral, qui elle-même impliquera un changement de Constitution, et donc la tenue d’une Assemblée constituante. Ce chemin pourrait être long et incertain…
En 2015, le blog Cocomagnanville avait déjà publié un article que je venais de rédiger après de longues rencontres avec un prisonnier de droit commun du Guatemala, et de diverses lectures au sujet du système judiciaire de ce pays. http://cocomagnanville.over-blog.com/2015/05/quelques-considerations-sur-le-systeme-judiciaire-au-guatemala.html .
Aujourd’hui, transformer la Justice, oui, mais dans quel sens ? La principale caractéristique qui saute aux yeux de l’observateur est le taux scandaleusement infime de cas de meurtres qui donnent lieu à sentence (moins de 3%, dit-on !), autrement dit le taux incroyable de meurtres qui restent impunis, pas pris en compte par la machine judiciaire. Et ceci, dans un pays de 15 millions d’habitants où, depuis des années, on compte une vingtaine d’assassinats par jour ! D’un autre côté, des initiatives de grande ampleur parviennent à châtier certaines catégories de délits – ainsi l’incarcération du Président de la République en 2015 – au nom de la « lutte contre l’impunité ». Cette dernière expression mériterait qu’on s’y arrête, tant elle recouvre de situations diverses. Et tant elle sert aussi de poudre aux yeux, notamment aux yeux de bailleurs de fonds européens ; c’est en effet d’Europe que provient la majorité des aides à l’Amérique latine au titre de l’action humanitaire. Cette implication de fait de pays européens est l’une des raisons pour lesquelles je me sens concerné par la situation là-bas. Je veux, en effet, attirer l‘attention d’organisations civiles européennes sur quelques articles du Code pénal guatémaltèque ; pareille attention ne leur a jamais été accordée par leurs homologues et correspondants guatémaltèques du moins à ma connaissance. Ce que je trouve, d’ailleurs, pour le moins intrigant !
De quels articles du Code pénal s’agit-il ?
Plusieurs pays d’Amérique latine, à la suite de l’Espagne, ont promulgué des lois contre le fémicide et les violences faites aux femmes. Initiatives assurément salutaires, étant donné les horreurs qu’y entraîne quotidiennement le pouvoir des mâles, culturellement entretenu. Si chacune des lois promulguées depuis une douzaine d’années a ses particularités, il en est une qui contient des dispositions d’un autre âge : celle du Guatemala.
Pourquoi « d’un autre âge » ? Eh bien – ô paradoxe ! car il s’agit cette fois de défendre les femmes… – cette loi remet en vigueur une pratique considérée normale durant l’horrible chasse aux sorcières - souvent intéressée ! -en certaines régions d’Europe ; pour la bonne cause, naturellement…
Quelle pratique ? UNE DÉNONCIATION SUFFIT POUR CONDAMNER.
En effet, l’article 9 de la loi guatémaltèque sur le fémicide et les violences faites aux femmes, promulguée en 2008 (voir lien plus bas), dit explicitement : “Con la sola denuncia del hecho de violencia en el ámbito privado, el órgano jurisdiccional que la conozca deberá dictar las medidas de seguridad a que se refiere el artículo 7 de la Ley para Prevenir, Sancionar y Erradicar la Violencia Intrafamiliar” (traduction approximative plus bas). Et selon cet article 7 il s’agit de peines de prison de cinq à douze ans selon les cas.
Mais ce n’est pas tout : son article 27 stipule qu’aucune autre loi ou réglementation ne peut être invoquée à son encontre : « Se derogantodas las disposiciones legales o reglamentarias que se opongan o contravengan las normas contenidas en la presente ley. »
(Traduction littérale : "Avec la seule plainte pour violence dans la sphère privée, le tribunal saisi de l'affaire doit prendre les mesures de sécurité visées à l'article 7 de la loi pour prévenir, sanctionner et éliminer la violence intrafamiliale." Et "Toutes les dispositions légales ou réglementaires contraires aux dispositions de la présente loi ou incompatibles avec elle sont abrogées.")
Si j’attire l’attention sur ces textes de loi, c’est que j’ai toutes raisons de craindre que le salutaire mouvement actuel au Guatemala ne fasse l’impasse sur cet étau, puisque ces dispositions semblent constituer – comment l’expliquer ? ça, je n’en sais rien - un point aveugle des organisations civiles actuellement mobilisées.
Quelles organisations européennes oseront interpeller leurs interlocuteurs guatémaltèques à ce sujet ? Je n’imagine actuellement aucune autre voie pour que soit prochainement détruite cette machine à emprisonner légalement des innocents.
Henri Guéguen - France
Pour obtenir plus d’informations,
écrire à gueguenhenri(à)gmail.com
Pour lire la loi :