Al Comandante Ernesto Guevara - Salvador Puig
Publié le 11 Octobre 2017
Las palabras no entienden lo que pasa:
Las vocingleras, las oscuras, las dóciles,
las que llaman las cosas por su nombre,
las que inventan el nombre de las cosas;
las palabras que dije o me dijeron,
las que aprendí en los libros,
las que escribo,
las que pensé mirando una ventana,
las que acercándose al silencio, gritan;
las que al tocar el fuego, se desfogan,
las que truecan los trinos y los truenos,
las que sirven la mesa de mi casa,
las de la nítida caligrafía que cae por las paredes de la escuela,
las que dicen a dúo el pez y el pájaro;
las palabras que tuve o que no tuve
para llamar al mundo y que viniera,
las que tienden un hilo minucioso
que va de los balcones a las bocas,
y de las bocas a la historia, y pasan,
las que pasan la noche entre papeles,
o suben la escalera del insomne,
y se introducen en su sueño a ciegas;
las que ordenan el ruido en los rincones,
las que barren el vómito de rabia,
las que saltan del fémur a la luna,
las que cortan la sombra calcinante,
las que labran un nombre en una piedra
para mejor perpetuar el olvido,
las que bajan al árbol por el aire
y se trepan al cielo por el tronco,
las que mastican un cangrejo lento,
las que anuncian el fin de la Cuaresma,
las que le quitan sueño al asesino
y lo dejan dormir y le montan guardia,
las que no sangran, aunque se las hiera,
las que no mueren, aunque se las mate;
las que roban futuro en un embudo,
las que administran mitos y virtudes,
las que mantienen trato con el viento,
las que advierten el agua incinerada,
las que abren los labios de la tierra
buscando el astrolabio de tu grito,
las que te dicen, sin creer que oyes:
–Vuelve a pelear Ramón, aunque te mueras...
Las palabras no entienden lo que pasa.
(1968)
Au commandant Che Guevara
Les mots ne comprennent pas ce qu'il se passe :
Les braillards, les obscurs, les dociles,
ceux qui nomment les choses par leur nom,
ceux qui inventent le nom des choses;
les mots que j'ai dits ou qu'ils m'ont dits,
ceux que j'ai appris dans les livres,
ceux que j'écris,
ceux que j'ai pensés en regardant une fenêtre,
ceux qui en s'approchant du silence, crient;
ceux qui après avoir touché le feu, se défoulent,
ceux qui troquent les gazouillements et les tonnerres,
ceux qui servent la table de ma maison,
ceux de la calligraphie nette qui tombe par les murs de l'école,
ceux qui disent à un duo le poisson et l'oiseau;
les mots que j'ai eu ou que je n'ai pas eu
pour appeler le monde et qui viendraient,
ceux qui étendent un fil minutieux
qui va des balcons aux bouches,
et des bouches jusqu'à l'histoire, et passent,
ceux qui passent la nuit entre des papiers,
ou qui montent l'escalier de l'insomnie,
et qui s'introduisent dans son sommeil à l'aveuglette;
ceux qui ordonnent le bruit dans les coins,
ceux qui balaient le vomissement de rage,
ceux qui sautent du fémur à la lune,
ceux qui coupent l'ombre calcinante,
ceux qui cultivent un nom dans une pierre
pour mieux perpétuer l'oubli,
ceux qui diminuent l'arbre par les airs
et grimpent au ciel par le tronc,
ceux qui mastiquent un crabe lent,
ceux qui annoncent la fin du Carême,
ceux qui prennent le sommeil à l'assassin
et qui le laissent dormir et qui montent la garde,
ceux qui ne saignent pas, bien qu'on les blesse,
ceux qui ne meurent pas, bien qu'on les tue;
ceux qui volent un avenir dans un entonnoir,
ceux qui administrent des mythes et des vertus,
ceux qui maintiennent le contrat avec le vent,
ceux qui préviennent l'eau incinérée,
ceux qui ouvrent les lèvres de la terre
en cherchant l'astrolabe de ton cri,
ceux qui te disent, sans croire que tu entends :
– Reviens te battre Ramón, bien que tu meures...
Les mots ne comprennent pas ce qu'il se passe.
1968
Salvador Puig traduction carolita
http://www.cancioneros.com/nc/6664/0/al-comandante-ernesto-che-guevara-salvador-puig-anonimo