Je m'appelle Emil Bustamante
Publié le 26 Septembre 2017
Par: Marylena Bustamante Ortíz
J'ai 32 ans, je suis marié et père de cette fille et d'une autre qui est en route. J'ai obtenu mon diplôme d'expert agronome, mais aussi de vétérinaire et de sociologue rural. J'ai étudié à l'Université de San Carlos et à l'Université Nationale du Costa Rica. Je travaille comme professeur d'université et fonctionnaire de l'USAC.
L'un de mes métiers les plus agréables est celui du partage des connaissances avec les éleveurs de petits animaux d'élevage: moutons, chèvres, cochons, poulets, poules, dindons et autres... Mon travail est d'enseigner comment soigner et optimiser les animaux, afin que les gens de la campagne puissent améliorer leur vie. J'ai toujours voulu que les Guatémaltèques puissent grandir et vivre plus et mieux...
En tant que professeur, j'accompagne de jeunes étudiants dans leurs voyages d'apprentissage au Guatemala, en particulier dans les hautes terres, Huehuetenango, Quiché et Las Verapaces. Dans ces voyages, je les accompagne pour connaître notre réalité, afin que'ils puissent voir comment la plupart des Guatémaltèques luttent pour survivre. Dès le début, j'ai découvert l'inégalité offensive avec laquelle notre société est liée, sa misère matérielle en contraste avec sa richesse culturelle et spirituelle.
J'ai étudié et je me suis préparé à servir mon pays, mais j'ai vite découvert l'injustice et l'impossibilité de trouver un moyen pacifique de le changer.
J'ai rejoint le militantisme révolutionnaire en tant que scientifique et intellectuel; mes armes étaient l'enseignement de la science, le dialogue et la rébellion.
Depuis le 13 février 1982, j'ai été arrêté et fait disparaître par l'armée du gouvernement de Fernando Romeo Lucas García. J'ai été torturé et condamné sans procès ni aucune défense. J'ai finalement été tué et mon corps, comme des milliers d'autres Guatémaltèques, a été caché de façon à ce qu'aucun de ceux qui m'aiment ne retrouve mes restes.
On dit que j'ai été vu vivant, bien que brutalement torturé, dans le quartier général de Matamoros le 23 mars de la même année, le jour où Efraín Ríos Montt a attaqué le pouvoir avec la modalité du triumvirat, et qui restera dans l'histoire comme le plus grand génocide que le Guatemala et l'Amérique latine aient jamais connu.
J'exige que l'Etat guatémaltèque et son armée remettent au peuple les archives de la répression. Qu'on sache par qui, où, quand, comment et pourquoi nous avons été enlevés, disparus, torturés et tués.
J'exige que vous remettiez nos tombes secrètes et nos cimetières clandestins. Qu'il soit mis fin aux escadrons de la mort qui fonctionnent encore... qui enlèvent, torturent et assassinent encore.
Il y a plus de quarante-cinq mille foyers qui exigent des nouvelles de nous, ceux qui ne laissent pas passer le vol de nos corps, ceux qui élèvent inlassablement la voix, réclamant justice, nous voulons tous rentrer chez nous même si c'est dans un cercueil.
traduction carolita d'un article paru dans Prensa comunitaria le 24 septembre 2017 :