Carte postale de Bretagne : La pointe St-Mathieu – Beg Lokmazhe -
Publié le 9 Juin 2017
« Rien de sinistre et formidable comme cette côte de Brest; c'est la limite extrême, la pointe, la proue de l'ancien monde. Là, les deux ennemis sont en face : la terre et la mer, l'homme et la nature. Il faut la voir quand elle s'émeut, la furieuse, quelles monstrueuses vagues elle entasse à la pointe Saint-Mathieu, à cinquante, à soixante, à quatre-vingts pieds ; l'écume vole jusqu'à l'église où les mères et les sœurs sont en prières. Et même dans les moments de trêve, quand l'océan se tait, qui a parcouru cette côte funèbre sans dire ou sentir en soi : Tristis usque ad mortem ! »
— Jules Michelet, Histoire de France, 1861, Chamerot, Paris (tome II, pages 10-11)
A l’extrême ouest du continent à Plougonvelin à côté du Conquet il existe une pointe qui est originale du fait qu’elle réunit un ensemble de bâtiments différents tournés vers la mer, tournés vers l’histoire de la mer et des hommes.
Le site est habité depuis les temps lointains.
Des falaises d’une vingtaine de mètres bordent le lieu.
Le phare de St Mathieu auquel est consacré un article.
L’abbaye de St-Mathieu ou St-Mahé de Fine-Terre
Trève de Loc Mazé Pen-ar-Bed
Construite tout d’abord au VIe siècle par st Tanguy, guerrier de la cour du roi Childebert.
Trois siècles plus tard des navigateurs du Léon revenant d’Egypte ramènent le corps de St Mathieu et le déposent dans un lieu nommé Loc-Mahé-Traoun.
Les reliques auraient été enlevées par les Normands au Xe siècle.
L’abbaye est reconstruite à la fin du Xe siècle avec le soutien des vicomtes du Léon par les moines bénédictins de la congrégation de St Maur. Elle est classée aux Monuments Historiques dès 1867.
Les moines vivaient grâce à plusieurs droits dont le droit de bris (obtenu en 1157) qui leur permettait de ramasser sur les plages les bois rapportés par la mer. Le droit de bris et d’épaves sur les rivages de tous ses fiefs, ils pouvaient se saisir d’1/10e de la coque, de la cargaison, du gréement du navire échoué. A ce droit s’ajoutait le droit de dépouilles « pour tous ceux qui périssent en ler et aux côtes de St Mathieu, Plougonvelin et le Conquet ».
D’autres privilèges accordés à l’abbé de St Mathieu étaient le droit de cohue, le droit de four à ban, le droit de gerbe à la douzième, le droit de mouture, le droit de marché, le droit de foire, le droit de mesure du blé, le droit de mesure du vin.
Les moines entretenaient le fanal de la tour qui a devancé le phare de St Mathieu.
La chapelle St Jean de Plougonvelin
Une croix monolithique ouvre le sentier longeant la falaise. Une borne marque le départ du pèlerinage à st Jacques de Compostelle.
Le sémaphore
Le sémaphore actuel est érigé en 1906, il permet de voir sur le chenal du Four et l’entrée de Brest. Il fait 39 mètres de haut. Un escalier doté de 92 marches en granite permet d’y monter et ainsi de dominer la mer d’Iroise, en face Molène et Ouessant. Le sémaphore est armé par un équipage de 10 marins, 7 hommes et 3 femmes qui ont la tâche de surveiller ce lieu stratégique 24 heures sur 24, de recenser les navires qui se dirigent vers Brest.
Le cénotaphe – Mémorial aux marins morts pour la France
Le cénotaphe a été demandé par l’amiral Emile Guépratte et Georges Leygues après la première guerre mondiale.
Depuis 2005 ouvert au public pour y exposer des photos des marins disparus en mer.
Le mémorial est géré par l’association Aux marins. Un monsieur m’a expliqué la signification particulière de ces monuments qui sont devenus les lieux de recueillement et de mémoire de tous les marins morts en mer, aussi bien les marins de commerce, les marins d’état, les marins de pêche.
La stèle est réalisée par René Quillivic, elle est inaugurée en 1927.
Elle représente une femme de marin en coiffe de deuil, représentant la tristesse de la mère ou de la veuve du marin.
Elle porte aussi le nom de monument de la douleur bretonne.
C’est un amer de 15 mètres de haut, taillé dans un seul bloc de granite de 10 tonnes et commandé par la chambre des députés à Quillivic.
René Quillivic
En Bretagne, j’ai remarqué à plusieurs occasions des monuments aux morts qui me parlaient.
L’histoire du sculpteur Quillivic n’y est pas étrangère.
René Quillivic est un sculpteur, graveur et céramiste né à Plouhinec dans le Finistère. Il s’inspirait beaucoup de la culture bretonne dans son œuvre, utilisant souvent des motifs bigoudens et celtiques.
Ses monuments aux morts ont une place particulière dans l’histoire de l’art car ils s’attachent non pas à montrer le sacrifice du poilu mourant mais plutôt l’évocation du sacrifice tel qu’il se reflète dans les yeux de ceux et de celles qui souffrent de l’avoir perdu.
Dans le Finistère, Quillivic réalise de nombreux monuments aux morts d’inspiration pacifiste, à Plouhinec sa ville natale, à Plouyé, à Carhaix, à St Pol de Léon mais aussi dans les Côtes d’Armor.