Mexique- Victorina López Hilario tisseuse amuzgo

Publié le 29 Avril 2017

Beatriz Zalce

Les huipiles de Victorina López

Avant les filles commençaient à tisser vers 6 ans. Dans la communauté de Piedra Pesada, dans la municipalité de Xochistlahuaca, Guerrero, Victorina López Hilario a fait son premier huipil complet à 6 ans, entremêlant les fils pour créer des fleurs, des rivières ondoyantes de fleurs d'où se reflétaient les étoiles. Sa maman lui a enseigné à tisser, lui a enseigné la façon de faire les choses avec soin, à partager ses connaissances et à aider les autres sans rien attendre en retour.

Victorina López Hilario tisse non seulement des huipiles, des blouses, des rebozos (châles) et des nappes sur un métier à tisser de ceinture, elle tisse aussi une culture. Elle est fille, elle est mère, elle est coordinatrice, voix et moteur d'une coopérative qui réunit plus d'une centaine de tisseuses "Les fleurs de Xochistlahuaca". Victorina est l'exception qui confirme cette règle qui dit que personne n'est prophète sur ses propres terres. Son travail est reconnu dans le Guerrero et de là-bas il a été proposé pour le Prix National des Sciences et des Arts dans la rubrique Traditions Populaires. Elle a reçu la plus haute distinction au palais national en décembre 2015.

- J'ai appris très jeune par le besoin que nous avons-  son parlé est doux et chantant, parfois mange quelque "ce", l'espagnol est sa seconde langue ; l'amuzgo, sa langue maternelle. 

- Je vois que nous n'avons rien à manger. Ma maman a commencé à m'enseigner et je suis intéressée pour apprendre, je regarde bien, oui, parce que c'est un besoin fort. Nous avons toujours eu une nourriture pauvre. De la tortilla et une sauce parce que papa plantait du piment et de la tomate. Parfois, nous mangeons 3 fois par jour : tortilla et sauce, tortilla et sauce et ainsi de suite. Mon papa travaillait dans les champs, cultivait du maïs. Mais si nous voulions manger une soupe : rien. Seulement ce qu'il y a .

Le papa de Victorina est un leader indigène, fondateur de la communauté où ils habitent : Piedra Pesada. Sa maman était tisseuse. Elle a enseigné à tous ses enfants à laver leur linge, les cinq filles n'ont jamais su ce que c'était que de laver le linge de leurs frères.

- Mes premières sorties ont été à Ometepec, sur la place. Ils paient un peu plus mais pas trop. Si à Xochis c'est à 300, à Ometepec ils paient 350 et 400 et cela ne coûte pas cher d'aller à Ometepec et aussi ça aide.

Un jour est arrivé à la mairie de Xochistlahuaca une invitation du Musée de l'Habillement, la conseillère municipale était avec le papa de Victorina :" Il y a avis, si tes filles veulent y aller et vendre"... Il hésite, ne sait pas, elles ne connaissent pas "México". Victorina ensuite se pointe et dit à son papa : "Ne te préoccupe pas, je sais que je vais bien arriver. Ils vont me donner à manger, tout va bien se passer".

- Il n'y avait pas de téléphone dans la communauté. Il y avait une cabine et quand elle était détraquée on ne pouvait pas parler. La première chose que j'ai vu ce sont les gens, j'ai vu le métro. J'ai connu Ofelia Murrieta (alors directrice du Musée de l'Habillement). Elle m'a présenté à Margarita Malpica del Fonart.

La confection d'un huipil peut prendre jusquà à sept mois. Presque comme pour un bébé. A partir de ce moment Victorina s'est habituée à venir à la ville pour y livrer des huipiles, pour participer à des événements, des expositions.

Elle savait que si elle voulait atteindre l'objectif il était nécessaire de rester à l'écart, loin des projecteurs, en accumulant des expériences et en dissipant des rancunes. Aussi elle a appris à voyager en métro bien que plusieurs fois Margarita lui disait : "Monte la valise de textiles dans la voiture, je les prends et les dépose."

En 1995 a été promue la fondation de "Fleur de Canazúchitl" avec les artisanes de Piedra Pesada. Aujourd'hui il existe douze coopératives, associations et organisations similaires qui suivent les principes énoncés par Victorina : Rendre visible la présence indigène, générer de l'emploi juste et bien rémunéré, encourager l'usage des ressources naturelles de la région, sauver et transmettre l'élaboration de tissus artisanaux amuzgos dont l'origine est préhispanique et réaliser de nouveaux produits. Mais aussi il faut dire que en ce moment, quand le Guerrero est une plaie ouverte, Victorina nous rappelle que l'art et la culture sauvent.

- Comment est-ce que vous avez reçu le Prix National des Sciences et des Arts ?

- Un jour sont arrivés des garçons du PACMYC (programme de soutien aux cultures municipales et communautaires). Nous avons entendu une voiture, mon fils a été voir et me dit : Ils sont en train de crier, ils disent: Victorina ! et parlent espagnol. Ouvrez ! Ils entrent et disent : Victorina, tu est toujours en train de travailler. J'étais en train de fouler le coton avec mon petit-fils. Fouler c'est frapper, bien frapper le coton pour qu'il soit fin, fin et puisse faire ton fil. Je mets une feuille de bananier, sur la feuille de bananier un petate (natte), sur le petate je pose le coton et là tu vas fouler le coton. C'était ce que je faisais quand ils sont arrivés avec la convocation, comme je m'en souviens !  

- "Ay, leur dis-je, mais comment vais-je gagner ce prix ? Qui va faire ces documents qu'ils demandent ? Ils ont dit : Nous allons vous soutenir avec une vidéo, avec des photos. Nous savons que vous travaillez avec la Fabrique Sociale, avec les femmes, donnant une formation, enseignant aux filles à semer le coton coyuchi, à faire leurs propres fils, à les teindre, à construire leur métier à tisser, à tisser, à continuer à donner vie à une tradition qui était sur le point de se perdre il y a plus de 40 ans. Les garçons ont été très bons. Ils ont laissé la convocation. Mais le chicungunya est arrivé et je suis tombée malade et mes enfants ont été malades également."

Un des fils de Victorina garde tout : les reconnaissances qu'a reçu sa maman, les diplômes que lui a donné Fonart. Nous espérons que nous allons gagner, dit-il. Avec tous les documents il en a fait un paquet qu'il a envoyé à Chilpancingo pour qu'ils soient envoyés à México. Victorina était plus sceptique : "Ay, comment allons-nous gagner ? Je sens que je suis sur le point de mourir avec cette maladie." Elle était venue à la ville pour voir Margarita quand l'a appelé Aurelio Nuño, secrétaire de l'Education : Victorina vas recevoir le Prix de Sciences et d'Arts, rappelez-vous qui a conduit la convocation ?

- De par moi-même j'ai déjà donné des cours aux filles de ma communauté. J'ai commencé à donner des cours gratuits à celles qui voulaient apprendre. je veux enseigner aux filles pour qu'elles apprennent les différentes techniques. Et maintenant que j'ai gagné ce prix avec plus de plaisir encore je le fait. Je ne veux pas que se perde la tradition. J'aime aider.*****

Traduction carolita d'un article paru dans Desinformémonos le 8 avril 2017 : 

vidéo en espagnol

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