Le massacre des haïtiens de 1937 ou massacre du persil
Publié le 23 Juin 2016
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Massacre perpétré par l’armée dominicaine ainsi que les civils sur des civils haïtiens et qui fit entre 15.000 et 30.000 morts haïtiens en octobre 1937.
Le massacre s’organise dans la nuit du 2 octobre 1937, il a lieu à la machette.
C’est le président de la république dominicaine rafael trujillo qui donne l’ordre de mise à mort.
Il prononce cette allocution pour commenter l’évènement :
« Depuis quelques mois, j'ai voyagé et traversé la frontière dans tous les sens du mot. Pour les Dominicains qui se plaignaient des déprédations par les Haïtiens qui vivent parmi eux, les vols de bétail, des provisions, fruits, etc., et sont ainsi empêchés de jouir en paix des fruits de leur travail, j'ai répondu, "Je vais corriger cela". Et nous avons déjà commencé à remédier à la situation. Trois cents Haïtiens sont morts aujourd'hui à Banica. Ce remède va se poursuivre. »*
Du 2 au 8 octobre, les haïtiens seront tués avec des fusils, des machettes, des gourdins, des couteaux, par les troupes dominicaines, les civils dominicains, des membres des autorités politiques dominicaine.
Le principal pont qui sert de frontière entre Haïti et la république Dominicaine sur la rivière Dajabon a été fermé pour permettre de tuer encore plus d’haïtiens. Cette rivière portera par la suite le surnom de la rivière du massacre.
Des balles de fusil ont été retrouvées également dans les cadavres. Seuls les soldats dominicains utilisaient les types d’armes tirant ses balles (krag-jorgensen).
Action calculée et préparée par le dictateur trujillo pour homogénéiser la population dans cette zone de frontière et détruire en embryon de république haïtienne.
La majorité des haïtiens tués lors de ce massacre étaient nés sur le sol de la république dominicaine.
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président Sténio Vincent et trujillo en 1934
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Le massacre du persil
On connaît cette horreur également sous le nom de « massacre du persil » ou opération perejil .
Les soldats dominicains avaient un brin de persil qu’ils présentaient aux victimes en leur demandant de dire le nom en espagnol.
Cette tactique perverse était mise au point afin de distinguer les haïtiens des dominicains car la prononciation du mot perejil était différente en raison de la racine française du créole (kreyol aysiyen ou créole haïtien) et la présence de la lettre R dans le mot perejil était quasiment impossible à prononcer pour les haïtiens d'une façon douce.
Ne pas savoir prononcer ce nom innocent coûtait la vie et ce piège du mot perejil synonyme de nettoyage ethnique.
POURQUOI ?
Les haïtiens fournissaient la main d’œuvre travaillant souvent en condition d’esclavage dans les plantations de canne à sucre du pays.
Pendant les années où travaillaient les haïtiens dans les plantations, exploités par les compagnies sucrières américano-dominicaines, la xénophobie s’est développée chez les dominicains et d’autres massacres seront perpétrés les années suivantes.
Le massacre des haitiens, en termes économiques, était avantageux pour le gouvernement dominicain, car il avait provoqué la hausse des prix des produits de base dans le pays.
De nos jours, il y a près d’un million d’haïtiens et d’haïtiennes qui vivent clandestinement en république dominicaine. Ils vivent dans une grande misère, sont sous payés mais malgré tout, cela leur sert à soutenir leurs familles de l’autre côté de la frontière qui vivent dans les conditions que l’on sait à Haïti.
Le massacre de 1937 est un acte important qui va définir les relations inégales entre les deux pays. La balance stratégique qui cimente l’équilibre géopolitique de l’île se déplace en faveur de la république dominicaine. Ceci consacre la vision géopolitique impériale américaine dans sa croisade pour exercer un contrôle total sur le continent américain. Haïti devait être sacrifiée au profit de son voisin dominicain.
La dictature de trujillo sera l'une des plus sanglantes d'Amérique.
Question raciale
Les deux pays n'ont pas les mêmes origines et cela pose un problème aux deux états. Les haïtiens descendent en grande majorité d'esclaves noirs venant d'Afrique, les dominicains sont métis ou mulâtres et s'assimilent aux blancs.
Les institutions d'état attisèrent les haines déjà vives envers les haïtiens en rendant ceux-ci responsables de tous les maux du pays. Ils discriminèrent au possible l'haïtien qui pour eux était un nègre, un étranger inférieur juste bon à couper la canne.
Avec trujillo le sentiment nationaliste confondu pour les dominicains avec l'anti-haïtianisme a été porté à son paroxysme.
L'autre raison de ce massacre réside en la résolution du problème de la frontière.
Et le gouvernement haïtien ? Comment se comporta-t-il alors ?
C'était le président Sténio Vincent qui était alors aux commandes d'Haïti, il est officiellement informé du massacre par un rapport d'un consul sur place. Avec son gouvernement, il opte pour une politique de compromission et de soumission à trujillo. L'horrible massacre au relent génocidaire sera banalisé et considéré comme "quelques incidents qui ont eu lieu à la frontière nord entre haïtiens et dominicains".
Sources : wikipédia
http://www.alterinfos.org/spip.php?article6341
Un article intéressant également à ce sujet : Haiti connexion culture
*Lee Turtis Richard, un monde détruit, une nation imposées: Le massacre haïtien de 1937 en République dominicaine, Hispanic American Historical Review N°82, mars 2002: p. 613.
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Aujourd’hui, pour ne pas oublier les méfaits de la « mouche » trujillo et pour accompagner cet article, Pablo qui est l’un des rares à ne pas avoir raté l’occasion de nous offrir de la source pour notre devoir de mémoire.
Lorsque la trompette sonna
Tout était déjà prêt sur terre.
Jehovah répartit le monde
Entre Coca-Cola, Anaconda,
Ford Motors, et autres cartels :
La Compaña Frutera
Se réserva le plus juteux,
Le centre côtier de ma terre,
La douce hanche américaine.
Elle rebaptisa ses terres
En « Républiques bananières »,
Et sur les morts en leur sommeil,
Sur les héros pleins d’inquiétudes
Qui avaient conquis la grandeur,
La liberté et les drapeaux,
Elle instaura l’opéra-bouffe :
Elle aliéna l’initiative,
Offrit des trônes aux Césars ,
Dégaina l’envie, attira
La dictature des diptères,
Mouches Trujillo*, et Tachos*,
Mouches Carias*, et Martinez* ;
Mouches Ubico*, mouches humides
D’humble sang et de confiture,
Mouches soûlardes qui bourdonnent
Sur les tombes du peuple, mouches
De chapiteau, mouches savantes,
Mouches expertes en tyrannie (….)
• Trujillo (Rafael Leonidas) né en 1891 ce dictateur fut le maître tout-puissant de Saint Domingue de 1930 à 1961. Il mourut abattu par surprise au cours d’une promenade le 31 mai 1961.
• Tachos : je pense que Pablo à utilisé le pluriel pour dénommer les Somoza, père et fils dictateurs au Nicaragua et dont le surnom du père était Tacho et celui d’un des fils Tachito.
• Carias – Il s’agit de Carias Andino (Tiburcio) général du Honduras (1876/1969). Il y exerça une dictature de triste mémoire de 1933 à 1948. Le 6 juillet 1944 à San Pedro Sula, il écrasa dans le sang une manifestation pacifique qui demandait la mise en liberté de plusieurs centaines de prisonniers politiques, le retour de milliers d’expatriés et la reconnaissance de quelques libertés élémentaire.
• Martinez (Maximiliano Hernandez) général (1882/1966) élu président du Salvador rn 1931, il étouffera une grande révolte populaire en 1932 en faisant massacrer par l’armée des milliers d’ouvriers et de paysans avec l’appui de l’oligarchie et des trusts nord-américains. Réélu en 1934 et en 1939 une grève le renverse en 1944.
• Ubico ( Jorge) général né en 1878 mort en 1946. Dictateur du Guatemala de 1931 à 1944, il fut renversé par une révolution unissant la petite bourgeoisie, les ouvriers et les paysans.
Pablo Neruda (La united fruit company dans le Chant général)
Les trujillo , somoza, carias,
jusqu’à ce jour ; jusqu’à ce mois
si amer de septembre
1948,
avec morinigo (ou bien natalicio)
au Paraguay, hyènes voraces
de notre histoire, dévoreurs
de nos drapeaux acquis, conquis
avec tant de sang, tant de feu,
embourbés dans leurs haciendas,
diaboliques déprédateurs,
satrapes milles fois vendus
et vendeurs, poussés, excités
par les loups de New York city.
Machines affamées de dollars,
avilies par le sacrifice
de leurs peuples martyrisés,
mercantis trimardeurs
du pain, de l’air américains,
bourbiers bourreaux, troupeaux porcins
de caciques de lupanars,
Sans autre loi que la torture
et la faim flagellée du peuple.
(…)
Pablo Neruda ( Les satrapies dans le Chant général)