Guatemala : Le peuple Tz’utujil
Publié le 26 Juin 2016
Jour de l'indépendance à San Pedro de la Laguna
Par Axcordion sur Wikipedia anglais — Photo by Axcordion, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=5728173
Peuple autochtone qui fait partie des 22 peuples autochtones mayas qui vivent au Guatemala. Avec les Xincas, les Garifunas ( Caraïbes noirs) et les Ladinos, ils constituent les 25 groupes ethniques du pays.
Population
106.012 personnes
Autre orthographe : Tzutujil, tzutuhil, sutujil
Le mot tz’utujil vient de tz’utuj = milpa en fleurs.
Les Tz’utuji sont connus pour leur adhésion continue aux pratiques culturelles et religieuses traditionnelles atiteco. Le tissage et les chants traditionnels sont pratiqués historiquement et sont importants sur le plan religieux.
Langue : la langue tz’utujil est étroitement liée à celle de leurs grands voisins kaqchikel et quichés. Il y a 60.000 locuteurs.
Départements de Sololá et Suchitepéquez dans les villes de San Juan la Laguna, San Pablo la Laguna, San Marcos la Laguna, San Pedro la Launa, Santiago Atitlán, Tzanchaj, San Lucas Tolimán.
Ils vivent au sud et au sud-ouest du lac Atitlán.
Par chensiyuan — chensiyuan, GFDL, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8891923
Ce lac d’origine volcanique se trouve à une centaine de kilomètres de la capitale Guatemala et remplit une caldeira formée lors d’une éruption il y a 84.000 ans.
C’est le lac le plus profond d’Amérique centrale (340 mètres au maxi).
Trois volcans le bordent : le San Pedro (actif, dernière éruption inconnue), le Tolimán et le volcan Atitlán (actif, dernière activité 1853).
La plus grande ville en bordure de lac est Santiago Atitlán. Parfois la navigation sur le lac est périlleuse en raison d’un vent, le Xocomil qui soulève des vagues. La culture maya imprègne fortement les villages en bordure et les costumes traditionnels portés par les T’utujil et les Cakchiquel sont autant d’invitation à la culture précolombienne maya.
Histoire
Histoire précoloniale
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Le peuple Tz’utujil remonte à la période postclassique (900-1500) de la civilisation maya. Ils habitaient le bassin versant sud du lac Atitlán dans ce qui est aujourd’hui la région de Sololá sur les hauts plateaux guatémaltèques.
Les ancêtres des Tz’utujil de Tulán, ancienne capitale des Toltèques se sont installés ans la région proche du lac Atitlán. Ils y ont établi la capitale Chiaa (=près de l’eau) sur la colline de Chuitinamit. Les dirigants à Chiaa se composaient du seigneur suprême, Ahtz’iquinahay (seigneur de la maison) et du seigneur suprême mineur, le tz’utujil nommé par le groupe lui-même.
Au sud de Santiago Atitlán, l’Ahtz’iquinahay et ses seigneurs exploitaient les plantations de cacao.
Au XVe siècle, Quicab, le dirigeant mayas K’iche empêche la migration vers l’ouest par la violence militaire contre le peuple tz’utujil.
En 1523, le conquistador Pedro de Alvarado avec l’aide des mayas Kaqchikel vainc les Tz’utujil lors d’une bataille près de la ville de Panajachel. Ils perdent une partie de leurs terres et le contrôle du lac.
Histoire coloniale
Au XVIe siècle, les frères franciscains déplacent la capitale à Santiago Atitlán et construisent un monastère croyant que déplacer la capitale loin de la colline de Huitinamit faciliterait la conversion des Tz’utujil au christianisme.
En 1533, les Espagnols mettent en place l’organisation des cofradias (confréries) au Guatemala comme moyen de christianisation. Ces organisations sont dédiées) des saints catholiques spécifiques et servent de moyen pour les Espagnols, de collecter des revenus auprès du peuple maya. La communauté tz’utujil n’a jamais eu plus de 10 cofradias à un moment donné mais certaines communautés indigènes plus importantes en ont parfois jusqu’à 20. Bien que les cofradias étaient destinées à être des sites catholiques, le peuple T z’utujil a participé à des activités rituelles plus conformes aux pratiques religieuses indigènes qu’aux pratiques catholiques comme l’idolâtrie.
Répartition des terres au XXe siècle
Le Guatemala passe a une économie capitaliste et au XXe siècle, les dirigeants guatémaltèques exproprient les terres agricoles qui appartenaient aux peuples autochtones au profit de non autochtones. Ce processus crée des domaines nommées fincas n’appartenant pas aux autochtones. Au début su siècle, 95 fincas avait des travailleurs qui travaillaient sous le principe de la servitude pour dettes.
En 1928, 80% des Tz’utujil travaillaient sous la servitude pour dettes.
Le massacre de Santiago Atitlán en 1990
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Dans le cadre du génocide des Mayas au Guatemala, des violences de guérilla ont eu lieu près du lac Atitlán dans les années 1980.
En juin 1980, le groupe de Guérilla Organisation du peuple en rames a recruté des citoyens dans la région. En décembre de la même année, 10 disparitions forcées des mains de la guérilla sont signalées. Tout au long de la décennie, la violence de la guérilla persiste contre le peuple Tz’utujil, l’armée de guérilla assassinant des centaines de personnes. La violence perdure jusqu’en 1987.
Le 1er décembre 1990, des soldats ivres blessent un jeune de 19 ans de Santiago Atitlán alors qu’ils tentaient d’envahir une cantina et une résidence privée. Le lendemain 2 décembre, des milliers de citoyens de la ville protestent contre le comportement des soldats en brandissant des drapeaux blancs. Les soldats tirent sur la foule de citoyens tuant 14 personnes et en blessant 21. A la suite de ce massacre, l’armée a été forcé de quitter la garnison ce qui a conduit au retrait d’une base militaire de Santiago Atitlán.
En 2005, des centaines de Tz’utujil ont péri dans des coulées de boue provoquées par l’ouragan Stan. Les secouristes ont récupéré 160 corps à Panabaj et Tzanchaj et 250 personnes étaient toujours disparues dans les 2 villes.
Economie
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Le tourisme a ouvert le marché aux artistes et tisserandes talentueux en reconnaissance pour leur créativité et œuvres uniques.
Les Tz’utujil pratiquent encore des méthodes traditionnelles de cultures de la région, le café et le maïs. Ils cultivent également des haricots, des fruits et des légumes. Ils exploitent les plaines volcaniques et échangent leurs récoltes contre des produits de base auprès d’autochtones d’autres villes.
L’organisation du travail est sexuée, les hommes cultivent, ramassent le bois de chauffage, participent aux activités commerciales, les femmes cuisines, fournissent l’eau, tissent et font les courses en plus de s’occuper de leurs enfants.
Culture Tz’utujil
Santo Mundo
Le principe de Santo Mundo désigne le Monde Sacré et le Cosmos dans la religion traditionnelle tz’utujil. Il s’agit d’un corps qui transporte de l’eau et fait pousser les arbres, les fleurs, la nourriture. Les montagnes sont considérées comme le nez de ce corps. Santo Mundo évolue au gré des actions des gens. Il est également perçu comme un utérus contenant le dieu du maïs. Il a 5 directions, le centre et les 4 coins : le centre est la place centrale considérée comme le cœur, une intersection de 4 routes abritant une église du XVIe siècle ; les coins sont les points où le soleil (Notre Père le Soleil) se lève et se couche lors des solstices. L’hémisphère traversé par le soleil est appelé le Monde des Vivants et l’hémisphère situé sous sa trajectoire est le Monde Souterrain.
Les esprits
Les Tz’utujil pensent que des esprits contrôlent le monde naturel et d’autres esprits contrôlent le destin des personnes. Les coutumes traditionnelles contiennent des nahuals, esprits connus sous le nom d’Anciens. Ils seraient d’anciens tz’utujil ayant acquis un statut divin. Leur esprit gardien était le Vieux Mam, la divinité trickster qui leur a enseigné les coutumes appartenant aujourd’hui au peuple.
Ils pensent que lorsqu’ils prient, font des sacrifices ou des offrandes aux Nahuals, ces derniers offrent en retour la santé, la chance, le beau temps pour les récoltes.
Depuis l’arrivée des Espagnols, les Nahuals sont vénérés dans les cofradias. Les esprits jawal peuvent être classés en gardiens ou chalbej contrôlant différents endroits sur terre et les Seigneurs des Esprits connus sous le nom de Martins considérés comme réincarnations de San Martín, le Seigneur des Esprits de la Terre. Les Martins sont censés contrôler la nature.
Dans les cofradias, les statues de saints catholiques ou « Santos » sont considérées comme des manifestations de ces Seigneurs des Esprits. L’esprit le plus élevé est connu sous le nom de Dio’s : le nom vient du mot espagnol pour dieu, Dios, mais ne représente pas la même divinité.
La lune, le soleil, les étoiles sont sacrés et dirigent directement la conduite des hommes et de la nature. La lune a une influence sur la conception, la naissance et la vie de l’être humain, des animaux et de la flore.
Le plus important lieu sacré est Chi’kaqagaay (au bord de la maison rouge).
Ils organisent des rituels pour la pluie, les récoltes, la vie en bonne santé, la spiritualité.
Dans leurs rituels ils utilisent des bougies colorées qui représentent la croix maya, les 4 points cardinaux ont chacun une couleur différente.
Les couleurs sont des symboles :
Jaune : le maïs, le vent qui se lève.
Rouge : l’aube- le sang.
Blanc : l’eau.
Noir : la nuit- la mort- la chute du soleil.
Vert : la nature.
Bleu : le ciel- la pluie- l’eau.
Cycle de vie
Les Tz’utujil ont une conception du temps cyclique plus que linéaire. Ils suivent un concept connu sous le nom de jaloj-K’exoj composé de 2 types de changements, jal et ke’x. Jal est un changement qui arrive à une personne au fur et à mesure qu’elle progresse dans sa vie. K’ex est un changement symbolique de la transition entre les générations par la réincarnation. Les enfants sont considérés comme des réincarnations d’autres membres de la famille, le plus souvent, il s’agit des grands-parents.
Les Tz’utujil visualisent Jaloj K’exoj en considérant le plant de maïs. Quand le plant de maïs meurt, il disperse des graines qui correspondent à la naissance d’un humain. La croissance de la plante symbolise une personne vieillissante et traversant le Jal. Quand la plante meurt, elle disperse ses graines répétant le processus par une nouvelle plante, ce qui symbolise les transitions entre les individus et leurs ancêtres.
Le tissage
Il s’agit d’un concept de fertilité, les Mayas considérant la lune comme une grand-mère ancestrale et déesse du tissage et de l’accouchement. La production de tissages est considérée comme un processus d’accouchement. La corde du métier à tisser (yujkut) représente le cordon ombilical, les bâtons sur le même métier représentent 13 divinités féminines les Ixoc Ahauaua.
Le métier à tisser est dit de ceinture ou à sangle arrière. Le tissu utilisé traditionnellement était x’cajcoj zut, un tissu de coton de couleur brune. Aujourd’hui, les femmes utilisent plutôt des fils produits dans le commerce qui déclinent une plus grande variété de couleurs. Les femmes tz’utujil de San Juan utilisent encore toute une gamme de colorants naturels dont les usages ont été hérités des grand-mères.
Les tissages contiennent systématiquement une bande jaune qui traverse le centre du tissu et 6 glands en soie.
Le jaune symbolise l’abondance et la bande jaune est un symbole représentant la « route de l’abondance » faisant référence à la trajectoire du soleil entre 6 h et 18 heures.
Quatre glands en soie sont placés à chaque coin du tissu, avec un gland placé sur chacun des côtés les plus courts. Ces glands placés aux coins représentent le lever et le coucher su soleil pendant les solstices. Les côtés longs du tissu symbolisent le trajet du soleil entre midi et minuit.
sources : wikipédia en anglais, en espagnol
Les chants traditionnels
Ils sont connus sous le nom de b’ix et sont un moyen de connecter au monde spirituel. Ils sont chantés par un ajb’ix, le chanteur. Ils les utilisent pour montrer leur gratitude aux esprits, afin de protéger les personnes de la maladie et de la sorcellerie, pour faire souffrir leurs ennemis. Il existe des chants de cour qui s’inspirent de la pluie fertilisant les cultures en temps que correspondance de l’acte d’amour.
Tenue vestimentaire
L’habit traditionnel est toujours porté.
Homme : bermuda blanc à rayures violettes brodé en bas d’une frise multicolore de fleurs et d’oiseaux, chemise rouge ou blanche, ceinture tissée dont les extrémités pendent à l’entrejambe, chapeau de cow boy.
Femme : corte (jupe portefeuille) noire, avec des lignes géométriques, huipil brodé de rouge, chapeau qui fait le tour de la tête mais qui est percé en son milieu.
Ils réalisent également des sculptures et des bijoux, des peintures à l’huile représentant leur place dans l’environnement.
sources : wikipédia en anglais, en espagnol
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