Poderosa

Publié le 19 Mars 2016

Poderosa emmène-moi
Là où le rio se fait serpent
Enserre dans ses méandres
La forêt toute entière
Et plonge sa tête verte
Dans l’Amazonie en furie.

Poderosa emmène-moi
Sur les hauteurs, les hauteurs empierrées
Avec toute leur ardeur les cimes déchiquetées
Ont voulu échancrer la terre-mère
En faire une dentelle de pierre
A nulle autre pareille.

Poderosa.
Permets que mes narines hument cet air inconnu
Celui qui dans mes veines tremble à pas-perdus
Autorise mes yeux à voir plus loin que l’horizon
A deviner à pressentir ce qui jamais ne se dévoile
A respirer à ressentir ce que la nature en son sein généreux
Cache :
Trésor inaccessible
Qu’aux seuls initiés s'offre gracieusement.

Je sais que des deux faces
L’une rend l’autre vivable
Je sais que des deux rives
La blanche a puisé le sang de l’origine
Je sais que des barrages
Portes de l’enfer coupant la force vive
Ont pollué pullulé putréfié et tué
Ce qu’ils ont arraché avec leurs dents inassouvies
Ce dont ils ont brisé
Dans l’œuf pourtant offert
Ce qu’ils ont déployé comme armées comme nuées
Ce qu’ils ont détruit pour se fixer, se corrompre
Est un poids bien plus lourd que ne peut porter
Une planète, reine verte en son cœur grand ouvert,
Est un poids bien plus lourd que ne peuvent porter
Les natifs, les premiers qui dessinèrent Kokopelli
Sur les tableaux de pierre.

Ils avancèrent
Ils proliférèrent
Ils n’en avaient jamais assez
La place toujours manquait.
Ils avancent
Ils prolifèrent
Ils n’en auront jamais assez
La place manquera toujours
La terre-mère extensible n’est pas
Et nous autres
Retranchement après retranchement
Tromperies en tromperies
Nous ne vivons plus que sur un mouchoir
Qui a déjà bien servi
Et qui n’en peux plus d’éponger les pleurs.

Il y avait un jour sur notre terre nommée Abya Yala
Un serpent, non gourmand
Qui s’appelait Amazone.
Il décrivait de son écriture annelée
Des virages, des rivages, des paysages de beauté.

Le serpent ouvrait sa gueule
Y entraient les fleurs victoria regia
Les lianes et les orchidées
Les arbres entiers
Le serpent demandait et chacun se pliait
Il était le maître le fils de Pachamama.
Ils le brisèrent
Coupèrent un à un ses anneaux
Asséchèrent sa croupe
Coupèrent sa gorge aux ciseaux
Ils le détournèrent
En firent une peau tannée
Un sac à main orné
Avec pour unique trousseau
Une clé rouillée
Juste à bonne à ouvrir
Les portes de l’enfer.

Poderosa.
Un voyage en selle me suffit
Pour éclairer mes mots
Pour justifier mon propos
Là où tu m’emmenas
Dans ma mémoire vive
S’empilent des milliers de cailloux
Aux visages étincelants.
Dans leur bouche je parle mille langages.
Dans leurs yeux je vois mille paysages.
Dans leurs mains je serre mille mains.
Dans leur nez je sens un millier de parfums.
Dans leurs oreilles j’entends les mille flûtes
D’Abya Yala ta patrie, Poderosa
La puissante et pétaradante monture
De notre libérateur le CHE.

Carole Radureau (19/03/2016)


Rédigé par caroleone

Publié dans #Mes anar-poèmes, #La pierre, #Au cœur du CHE

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A
Excellent! Poétique et toujours militante, bravo!!! <br /> Et que cet artiste Nizar Ali Badr a donc de talent lui aussi!
C
Merci.<br /> J'avais gardé cette image sous le coude en attendant d'être inspirée, évidemment cette moto, je ne pouvais pas la rater.<br /> Il est bien en effet ce partenaire de pierre que j'ai trouvé.