Bénin /Togo : Le peuple Batãmmariba
Publié le 4 Mars 2016
Peuple de l’Afrique de l’ouest qui vit dans la vallée de l’Atakora au nord du Bénin et du Togo.
On les appelle au singulier : Otämmari ou Bétämmaribé.
Mais ils sont connus aussi sous le nom de Tamberma
Par Ji-Elle — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=45396632
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Bénin : 100.000 personnes, leur nom est alors Somba
Togo : 20.000 personnes
Langue : le ditammari, une langue du groupe gur
Ce sont des agriculteurs/éleveurs aux traditions guerrières, une société clanique qui s’oppose à toute forme de domination ou d’asservissement.
Leur territoire, le Koutammakou a été inscrit en 2004 au patrimoine mondial de l’unesco en tant que paysage culturel, comme témoignage vivant de leur culture respectueuse de la nature, sous le titre Koutammakou, le pays des Batammariba.
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Les recherches de l’anthropologue Paul Mercier retracent l’histoire de leurs migrations. Ils viennent du Burkina Faso par vagues successives entre le XVIe et le XVIIIe siècle et conservent les traces des sociétés où ils séjournent. La population n’est donc pas homogène.
Il a trois grands groupes :
- Les Betyabè, les Besorubè et les Batammariba.
Les Besorubè sont reconnaissables à leurs coiffes en raphia ornés d’une paire de crones. Les hommes ont des cornes de buffles et les femmes des cornes d’antilope.
Ils affirment avoir la même origine et se nomment les « enfants du serpent ou Fawaafa ».
Le grand serpent femelle invisible et souterrain qui autrefois à Dinaba, couva les « œufs » dont sortirent les premiers ancêtres.
Quand ils se fixent sur le « nouveau Dinaba » qui est la vallée de l’Atakora, ils veulent oublier leur histoire de migrations et de conflits et leur Koutammakou devient alors ce lieu « où l’on construit en pétrissant la terre humide ».
Ils ne se considèrent pas comme les propriétaires de leur terre mais en tant que gestionnaires.
Rituel initiatique des jeunes filles : casque des initiées (1981) (phot. Dominique Sewane)
Par Vansinor (Dominique Sewane) — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=45055293
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L’organisation sociale et rituelle est basée comme partout en Afrique sur la hiérarchie entre aînés et cadets mais elle refuse le pouvoir centralisé. Il n’y a pas de chefferie héréditaire, la société est organisé en clans (2,4,6) formant un groupe territorial comme un village.
Dans le lieu de fondation de la communauté se trouvent les centres rituels (cimetière, grande maison d’initiation des jeunes, sanctuaire du serpent du clan). Un lien de parenté unit les membres du clan qui se considèrent comme les descendants des fils du fondateur.
Les rites funéraires et initiatiques sont bien préservés.
Il y a le rituel des filles, le dikuntri.
Le rituel des garçons, le difwani.
Ces deux rituels ont lieu tous les 4 ans.
L’autorité appartient aux responsables des rituels qui doivent pour cela posséder des qualités précises comme la discrétion et la maîtrise de soi.
Leurs traditions sont respectées fidèlement, le soin et le respect qu’ils vouent à la terre pour la survie de l’être humain, leur fierté naturelle, leurs traditions guerrières et de chasse sont revécues avec intensité lors des cérémonies permettent au Batammariba de résister aux influences extérieures.
Par Erik Kristensen — Flickr, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=993574
Dans ce paysage, la nature est associée aux rituels et aux croyances de la société. Le paysage de 50.000 hectares doit son aspect remarquable aux maisons à tourelles, les takiènta qui reflètent la structure sociale ainsi qu’aux terres agricoles et aux forêts, à cette association peuple/paysage.
Les pratiques rituelles qui couvrent le processus technique et les régions sociales ont des répercussions sur la gestion de la terre.
Il s’agit du respect des ancêtres, du respecte des chefs religieux et des chefs de clans, de la perpétuation des règles traditionnelles réaffirmées par les cérémonies d’initiation, des rôles de chaque membre du clan, de la perpétuation du respect des valeurs tangibles et immatérielles associées au paysage.
Par Balkass — Travail personnel, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=21384787
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Se dit au pluriel : sikyan
C’est la demeure traditionnelle d’un Otammari et de sa famille. Elle est construite en terre avec des tourelles de chaque côté supportant deux greniers. On dirait une petite citadelle médiévale. Elle est orientée vers le couchant. Le côté sud est le côté « masculin » et le côté nord, le côté « féminin ». il n’y a pas de fenêtres et un étage à « l’abri des vivants ». Jusque dans les années 2000, parents et enfants passaient les nuits dans les petites cases élevées sur le pourtour et au centre de la terrasse.
La maison est une construction qui reflète la statut social et rituel. Le statut est reconnaissable par des indicateurs extérieurs comme la taille, les autels situés devant la porte d’entrée. Une seule maison par famille est considérée comme la première maison (maison ancestrale) avec une taille plus importante. Elle abrite les objets de culte familiaux.
Ces habitations ont permis aux habitants de repousser aux siècles derniers les envahisseurs qui étaient accueillis avec des jets de flèches tirées par les meurtrières.
Plus tard les takiènta les protègeront des militaires allemands puis des français.
Elles les protègent aussi des intrusions de léopards qui rôdaient autrefois dans la région envahie par la brousse.
Pour édifier une telle construction, cela demande plusieurs corps de métier. La main d’œuvre est essentiellement masculine mais « la peau fine de la terre ne peut être travaillée sans les hommes luisants de terre mouillée que grâce au bon vouloir des femmes. Sans la femme qui va puiser l’eau pour mouiller la terre, sans elle qui dame la terrasse avec un galet, elle qui enduit les murs d’une décoction de néré, comment pourrions-nous construire nos takiènta ? » (Dominique Sewane dans les Batammariba, le peuple voyant).
A présent les takiènta sont devenues des maisons réservées aux cérémonies et les habitants préfèrent vivre dans des cases en dur construites à côté.
fonio - Par Toujours Passages — Fonio moissonné et entassé au champUploaded by kelson, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=25766863
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Elles proviennent presque essentiellement du territoire.
La base de l’alimentation est constituée par différentes céréales
Le fonio (digitaria exilis) et sorgho qui font partie des plantes les plus anciennement cultivées.
Le mil, le maïs, le riz.
voandzou ou pois de terre - Par Paul Hermann Wilhelm Taubert (1862-1897) — Leguminosae. inEngelmann (ed.): Natürliche Pflanzenfamilien. Vol. III, 3., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=905659
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Des légumineuses : voandzou (voandzeia subterranea), haricot.
Des tubercules : igname, taro, manioc (récemment importé dans leur zone)
Les céréales sont toujours accompagnées d’une sauce à base de légumes.
Les matières grasses végétales sont représentées par l’arachide qui est cultivée, la noix de palme qui est achetée au marché et le karité qui est cueilli sur les arbres du village. Ces produits sont aussi troqués.
Les protéines sont fournies par la pêche, la viande de volaille, les mammifères d’élevage et le gibier.
La viande est grillée ou incorporée dans des sauces, jamais frite dans de l’huile.
Par T.K. Naliaka — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=37001003
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Des fruits frais sont cueillis (néré ou parkia biglobosa, fruit du baobab) ou achetés (frais ou secs).
L’élevage est de type pastoral et concerne des volailles (poulets, canards, pintades) des caprins, des porcins, des bovins.
La possession d’un cheptel et l’élevage sont des caractéristiques de masculinité.
Le bétail est acquis par héritage (par exemple au décès d’un père, le fils aîné hérite du cheptel qu’il peut ou non partager avec ses frères).
Une partie du cheptel est confiée aux bergers de l’ethnie Peuhl du Niger qui a migré dans la région.
La chasse est devenue une activité presque inexistante en raison de la disparition du gibier à cause de la disparition des broussailles.
Les animaux chassés sont dit nobles, ce sont des bêtes à cornes essentiellement.
On les partage avec la famille maternelle avec une codification précise. La famille maternelle reçoit les côtes, une suisse et une patte, les membres les plus âgés reçoivent le rein et le foie
Une lecture très recommandée pour ce peuple :
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Le souffle du mort - Les Batãmmariba (Bénin et Togo) de Dominique Sewane.
C'est un ouvrage magnifique, incontournable et cet auteure a écrit également d'autres livres et d'autres documents sur les coutumes et les traditions de ce peuple.
Une autre lecture pour ce peuple :
Architecture, société et paysage Bétammaribé au Togo- Contribution à l’anthropologie de l’habitat de G.H. Padanou et Monique Barrué-Pastor ICI
Sources : wikipédia, unesco et le livre cité ci-dessus