Paroles du Congrès National Indigène un an après Ayotzinapa
Publié le 12 Octobre 2015
un an après Ayotzinapa
Paroles du Congrès National Indigène le 26 septembre 2015
http://cspcl.ouvaton.org/spip.php?article1084
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Paroles du Congrès National Indigène sur le zocaló de la ville de Mexico,
le 26 septembre 2015
Aux familles et compañeros des étudiants disparus et des assassinés de
l’école normale rurale Raúl Isidro Burgos d’Ayotzinapa, Guerrero :
Aux Peuples du Monde :
Nous les peuples, nations et tribus originaires qui formons le Congrès
National Indigène, réitérons que les 43 compañeros disparus, les 3
compañeros assassinés et le compañero qui se trouve dans le coma, tous
étudiants d’Ayotzinapa, Guerrero, sont de nos disparus et de nos
assassinés.
Nous reconnaissons la vérité et la justice portée par l’infléchissable
lutte des pères et mères d’Ayotzinapa, qui ont transformé la douleur en
détermination afin de ne pas s’accorder de répit jusqu’à ce que les jeunes
soient de retour, jusqu’à ce que les coupables paient leur responsabilité,
et jusqu’à ce que ne se reproduise plus ce qui s’est passé il y a déjà un
an, tissant là où ils se trouvent, en bas, sur les blessures laissées par
la guerre capitaliste contre tous les peuples.
Nous voyons également la trahison et le mensonge avec lequel agit le
mauvais gouvernement, qui prétend occulter sa culpabilité absolue en
mentant et en trahissant, une et mille fois de plus.
C’est pour cela qu’aujourd’hui nous nous concentrons ici, nous les peuples
yaqui, guarigio, coca, nahua, p’urhépecha, wixarika, chinanteco, binizha,
ñhato, ñu-saavi, maya, chool, tzeltatl, tojolabal, tzotzil, mame, chontal,
kumiai, mayo-yoreme, tenek, popoluca, mephaa, raramuri, mazahua, ñomndhaa,
ñañh, tepehuano, afin de faire entendre ensemble notre voix, afin de
commémorer la rénovation permanente de la détermination à lutter de
l’unique forme possible qui soit, dans la dignité.
Si la trahison et le mensonge sont les formes de gouverner de ceux qui en
haut tissent la mort pour nos peuples, c’est la vérité et la justice qui
sont la forme pour construire à chaque instant le monde que, depuis nos
peuples, nous avons l’obligation de ne pas cesser de construire et de
tisser.
Chaque fois que nos peuples se sont retournés pour voir et dialoguer avec
les puissants, et leur demander pourquoi ils nous attaquent et nous
détruisent ? Lui répond avec un sourire cynique, avec une soi-disant
disposition à discuter avec des paroles, avec un soi-disant agenda de
résolutions, des tables de travail, et des simulations de consultation qui
supplantent la volonté de nos peuples. Pendant ce temps, en coulisse, il
envoie ses policiers, ses militaires, ses mines, ses barrages, ses
éoliennes, ses gazoducs, ses aqueducs, ses centrales thermoélectriques,
ses caciques, ses sicaires, ses narcotrafiquants ; il envoie sa mort.
Et, une fois de plus, sa propre parole est trahie, et, lorsque nous nous
retournons de nouveau vers lui pour exiger qu’il libère nos compañeras et
compañeros prisonniers, qu’il rende justice pour nos morts, qu’il présente
en vie nos disparus, qu’il cesse de contaminer la rivière et de détruire
la forêt, qu’il cesse de dévier le cours du fleuve, d’assécher les sources
d’eau, de contaminer le maïs sacré, qu’il cesse de protéger les
narco-paramilitaires qui nous assassinent, qu’il cesse de mettre en œuvre
des opérations militaires et policières contre nos familles, qu’il cesse
de tuer des enfants, qu’il arrête de nous diviser, de nous calomnier et de
semer la haine entre les peuples, qu’il cesse la destruction des sites
sacrés desquels dépendent l’équilibre de l’univers, il nous répond de
nouveau avec un sourire cynique, et dit qu’il est notre ami, qu’il nous
écoute, que nous sommes du même bord.
Dans la lutte menée par nos peuples qui sommes le Congrès National
Indigène, le compañero nous est arraché par le mauvais gouvernement, qui
l’incarcère, le fait disparaître ou l’assassine, ou encore l’achète avec
des faveurs politiques et économiques. Il nous arrache aussi celui qui
croit à ses mensonges, qu’il répète et ne fait que répéter, croyant que de
cette manière nous finiront par penser que le mensonge est vérité. Mais,
malgré cela, malgré la circulation du mensonge et de la trahison, il se
trouve que pour nos peuples la vérité surgit de la pensée collective,
pensée faite des milliers que nous sommes, de la décision prise dans nos
assemblées, qui sont de tous et de personne.
Entre tous, le mensonge disparait et se découvre la vérité de toujours,
celle que les mauvais gouvernements cherchent à nous imposer. Et le
mensonge que sont les puissants est remis à sa place, celle des menteurs
et des traîtres. Et comme le délinquant qu’il est se retrouve à découvert,
il réagit de manière plus violente, et son sourire est encore plus cynique
lorsqu’il cherche à mener à bien son crime, le vol, la spoliation, la
destruction, l’assassinat, l’enlèvement, le génocide, la disparition
forcée.
En bas, ce que nous avons, c’est la vérité que nous construisons avec
difficulté, avec souffrance, avec jeûne, avec détermination. Et ce que
nous avons c’est la justice, qui ne peut briller que depuis là, depuis en
bas. Cette vérité et cette justice, c’est notre arme, c’est notre espoir
et notre meilleur trésor, car il se trouve de plus qu’elle l’a été aussi
pour nos ancêtres, pour ceux qui ont veillé sur ce que nous défendons et
ce sur quoi nous veillons aujourd’hui, et qui appartient à ceux qui ne
naissent pas encore.
Le mensonge et la trahison des puissants, qu’ils prétendent nous faire
passer pour la vérité et que nous devrions accepter comme s’il devrait en
être ainsi, comme s’il en aurait toujours été ainsi dans l’histoire de nos
peuples. Ce mensonge est en train de nous emporter vers la destruction et
la mort de nos peuples, de nos familles.
Reconnaître la vérité et la justice, la défendre jusqu’aux ultimes
conséquences et continuer à la construire depuis en bas, c’est ce qui
constitue la tâche urgente, le défi qui nous incombe comme peuples de la
campagne et de la ville. Nous ne cesserons pas de lutter, pour cette
raison, pour la vérité et pour la justice pour les 43 compañeros disparus,
pour les 3 compañeros assassinés d’Ayotzinapa, et pour le compañero qui se
trouve dans le coma :
Nous exigeons la présentation en vie des compañeros disparus d’Ayotzinapa
Le jugement des coupables des faits survenus il y a un an.
La liberté pour les prisonniers politiques sur tout le territoire national.
L’arrêt de la spoliation et de la répression
L’arrêt de la guerre narco paramilitaire contre tous les peuples
L’arrêt des agressions contre les communautés bases de soutien zapatistes.
MEXICO, DISTRICT FÉDÉRAL, LE 26 SEPTEMBRE 2015
POUR LA RECONSTITUTION INTÉGRALE DE NOS PEUPLES
JAMAIS PLUS UN MEXIQUE SANS NOUS
CONGRÈS NATIONAL INDIGÈNE
Source du texte original :
http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2015/09/30/palabras-del-cni-en-el-zocalo-el-26-de-septiembre-de-2015/
trad 7nubS