Goémoniers en Finistère
Publié le 4 Septembre 2015
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Henry Moret Falaises d'Ouessant » par Henry Moret — http://maisonarts.forumgratuit.org/t398-henry-moret-falaises-d-ouessant. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.
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Nous avons profité de notre séjour breton pour nous rendre à Meneham sur la route des abers et la côte des légendes et je voulais prendre en photo le four à soude ainsi que les séchoirs à goémon en plus de la vue magnifique sur la plage, le chaos granitique et la maison de garde afin de pouvoir faire un article sur les goémoniers.
Ce métier de goémonier qui se dit aussi pigoulier consiste en la récolte des algues marines appelées goémon. Il est très présent particulièrement dans les pays des abers dont Meneham fait partie ainsi que le pays pagan et le pays d’Iroise, des communes telles que Plouguerneau et Lampaul-Plouarzel. On retrouve également cette activité dans l’archipel de Molène, Ouessant, les Glénan.
En 1945 , il y avait 3000 goémoniers en Bretagne, dont 400 à 500 à Plouguerneau.
En 1950 ils n’étaient plus que 300.
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Ramassage goemon1 » par Louis-Julien de la Bouëre — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.
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Mais le goémon, qu’est-ce à vrai dire ?
En breton on dit gouémon, en normand, on l’appelle varech.
Il s’agit d’un mélange d’algues brunes, rouges ou vertes déposées par le retrait des marées et récolté le long des côtes maritimes en Bretagne pour en faire de l’engrais.
Les algues composant le goémon font toutes parties de la famille des phaeophycées et les plus communes sont les laminaires, les fucus et les ascophyllum.
Les algues ont constitué dans l’histoire de la Bretagne une des principales sources de richesse exploitée sur l’estran.
Elles formaient une grande partie des amendements marins, servaient de combustible et d’aliment pour les animaux mais aussi pour les gens du littoral
Mais l’ancienne coutume de Bretagne donnait les pouvoirs aux seigneuries et à la noblesse ainsi qu’au clergé dans le domaine maritime et c’est sous Colbert que le domaine maritime deviendra public.
Il y avait plusieurs textes de lois et procéduriers à propos du goémon dont, par exemple en 1685 l’ordonnance de Colbert qui définit 3 catégories :
- Le goémon-épave (algues arrachées par la mer et rejetées sur le rivage, libres de droit et de collecte)
- Le goémon de coupe récolté par les habitants des paroisses sur lesquelles se trouvent les rochers
- Le goémon de « fond (laminaires) qui étaient peu exploitées car il fallait posséder des moyens techniques adaptés.
Les communes possédant une façade maritime étaient donc privilégiées et jalousées par les communes de l’intérieur des terres.
Plus tard, au cours du XIXe siècle, l’activité se régule avec une législation relevant d’un arrêté communal qui fixe les périodes de coupe du mois de janvier au mois de mai. Même si cette législation est toujours en cours de nos jours, elle n’est pas appliquée et c’est dommage car elle permettait de mieux gérer les champs d’algues.
Menaces sur la biodiversité
Les algues, qu’elles soient fucales, laminaires ou kelp sont en régression dans toutes les eaux européennes sans explication claire.
Plusieurs facteurs en cause :
- Les pesticides et les polluants
- Le réchauffement climatique affectant les spores rendant les plantes plus sensibles aux ultra-violets.
Grisetang(Ascophyllum nodosum) » par Arneoste — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.
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Les principales algues récoltées par les goémoniers
Ascophyllum nodosum (kelp)
Genre d’algues brunes de la famille des fucacées appelée également goémon noir.
Elle forme une corde à nœuds de plus d’im50 de long. Elle est commune le long des côtes rocheuses de l’Atlantique nord. C’est une des principales espèces récoltée par les goémoniers, source d’engrais agricole et pour les alginates qu’elle contient.
Cette espèce est en régression tout comme les autres espèces.
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Laminaria hyperborea - Köhler–s Medizinal-Pflanzen-214 » par Franz Eugen Köhler, Köhler's Medizinal-Pflanzen — List of Koehler Images. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.
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Laminaires
Laminaria hyperborea
Utilisées au même titre que le goémon comme engrais puis par la suite dans l’industrie agroalimentaire en raison de leurs polysaccharides (alginates composant les gélifiants alimentaires).
En mer d’Iroise qui est la première zone de production en Europe pour le ramassage des algues sur le littoral on produisait en 2005, 50.000 tonnes par an d’algues brunes dont les laminaires.
La surexploitation et le réchauffement climatique semble-t-il provoquent une régression de laminaria hyperborea au profit de laminaria sacchoriza.
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">CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.">« Tang Düne4b » par Griensteidl. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.
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Fucus
Genre d’algues brunes de la famille des fucacées qui compte de nombreuses espèces.
Sur les plages bretonnes on peut observer fucus spiralis, fucus vesiculosus et fucus serratus.
La couverture végétale peut-être importante et dépasser 80%.
Les variétés de fucus entrent dans la composition de préparations pharmaceutiques en tant que mucilages (dont les dragées fuca)
Le fucus vésiculeux était utilisé autrefois pour nourrir le bétail. Le genre fucus représente les espèces d’algues les plus fertilisantes pour les terres.
L’espèce est en régression dans toute l’Europe et en forte régression en Bretagne sud.
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Chondrus crispus - Köhler–s Medizinal-Pflanzen-034 » par Franz Eugen Köhler, Köhler's Medizinal-Pflanzen — List of Koehler Images. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons
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Une autre espèce d’algue, le goémon blanc ou mousse d’Irlande ( chondrus crispus) est, quand à lui utilisé pour ses carraghénanes (gélifiants utilisés en pharmacie et en cuisine c’est l’additif alimentaire E 407.
Cchondrus crispus en Bretagne est la seule algue qui entrait dans l’alimentation humaine pour composer un dessert gélifié comme un flan.
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Palmeria palmata » par Cwmhiraeth — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.
L’alimentation animale comportait l’algue palmaria palmata (goémon à vaches ou bijin saout). Sur l’île de Batz, les vaches allaient d’elles-mêmes brouter les algues sur la grève.
Un grand pouvoir fertilisant
L’emploi de goémon ou varech comme engrais est pour beaucoup dans l’extrême fertilité des côtes qui bordent une partie de la Bretagne. Les terrains qui utilisent les algues comme fertilisant acquièrent une puissance végétative qui permet de produire des récoltes abondantes comme les artichauts, les choux fleurs, les asperges, les oignons dans la région de Roscoff.
A quoi ça sert ?
La Bretagne n’est pas réputée pour son industrie chimique mais malgré tout depuis le 18e siècle, aux débuts de la chimie dite moderne, une activité chimique s’est développée sans interruption : c’est l’industrie de la soude ou carbonate de sodium.
Le goémon séché produit en effet de la soude, un composant indispensable alors pour la fabrication du verre.
A la fin du 18e siècle, l’activité s’arrête car de nouveaux procédés ont été découverts.
En 1829, elle reprend avec la découverte d’un élément produit par les algues : l’iode.
L’iode quand à elle sert alors en photographie et en médecine.
L’activité d’extraction d’iode s’interrompt en 1952 car les nitrates produits au Chili viennent en remplacement.
De nos jours, ce sont les alginates contenus dans les grandes laminaires qui sont extraites
La production agricole à grande échelle d’alginate démarre en 1930. Les alginates sont des agents épaississants et stabilisateurs qui entrent dans des compositions pour l’industrie pharmaceutique, alimentaire, celle du papier, des colorants, des produits de moulage.
Des produits haut de gamme à base d’algues souvent destinés à l’exportation alimentent les industries alimentaires, pharmaceutiques et cosmétiques.
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Alfred Guillou La ramasseuse de goémon » par Alfred Guillou — Musée de Morlaix. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.
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Le goémonier, un marin-paysan
En effet, le goémonier est à la foi un marin et un paysan car sa seule activité de goémonier ne peut suffire à lui fournir des revenus nécessaires pour faire vivre sa famille. Le reste du temps om il n’est pas occupé à la récolte des algues, il cultive donc la terre.
Les femmes sont souvent employées pour la cueillette des fucales, les algues brunes, les enfants participent aussi.
La récolte du goémon
La récolte de goémon sauvage se pratique de deux manières :
A pied
Le ramassage artisanal du goémon de la laisse de mer, sur les plages sert à alimenter la fertilisation des jardins potagers, des champs.
La récolte se déroule à marée basse, sur les rochers, les champs d’algues bordant les côtes. On y trouve plusieurs milliers de tonnes de petit goémon (chondrus crispus et mastocarpus stellatus) des milliers de tonnes de fucus serratus et ascophyllum nodosum qui servent à la composition de farines alimentaires pour le bétail.
l'Ouest en mémoire - Les goémoniers - Ina.fr
Mi-pêcheurs, mi-paysans, les goémoniers récoltent de père en fils le goémon, à l'aide d'une légère embarcation et d'un skoubidou. Cette algue, qui sert traditionnellement à fertiliser les ...
http://fresques.ina.fr/ouest-en-memoire/fiche-media/Region00411/les-goemoniers.html
La récolte à bord d’un goémonier
Goémonier est également le nom donné au petit bateau qui sert à la récolte du goémon.
Il est muni d’un fond plat et non ponté, équipé d’un bras mécanique articulé qui plonge dans l’eau et se termine par un scoubidou, un outil en forme de crochet qui entraîne les algues par un mouvement de rotation puis les arrachent.
Les algues remontées sont ensuite stockées dans la cale du bateau. Une pompe sert à évacuer en permanence l’eau contenue dans les algues.
60% de la récolte française est débarquée sur le port de Lanildut en Finistère (Aber Ildut). Cela représente 35.000 tonnes d’algues, principalement des laminaires destinées à la production d’alginates.
Les plus gros mesurent 6.50 m de long et possèdent une voile.
Les plus petits mesurent de 4 à 5.5 m de long et utilisaient l’aviron.
La motorisation et le skoubidou hydraulique ainsi que l’autorisation de vente du goémon non séché permettent de ramener des tonnages plus simportants. Les bateaux actuels mesurent de 10 à 12 mètres de long et peuvent rapporter de 15 à 40 tonnes de laminaires.
Les outils du goémonier
Pour le ramassage
Le croc à goémon
Manipulé comme un râteau en superposant les algues de manière à former un tas. Il est utilisé à la grève pour charger le goémon dans une charrette.
Le croc à ligne
Le goémonier se place en surplomb de la zone de récolte et lance le croc dans la masse d’algues pour ramener à bord le paquet d’algues. Utilisé pour les algues fraîches qui s’échouent dans les rochers.
Le râteau à pioka
Râteau métallique porté par un long manche. Deux ou trois arceaux métalliques tendent une poche en grillage ou un filet.
La récolte
La faucille à goémon ou filz bjin à Plouguerneau.
L’arrachage
Le croc de bateau, dic’hasteur.
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Il n'est apparu que vers 1960. L'outil est mis à l'eau, on peut lui donner un mouvement de rotation grâce à une barre fixée en travers du manche en sa partie supérieur, le trévir. Les algues ...
http://www.bretagne-racines.ac-rennes.fr/p291304K/outils.htm
par ici tous les détails
Goémon2 » par Raphodon — my photo. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.
Le skoubidou
Il est apparu dans les années 60 et plongé dans l’eau, il faut lui donner un mouvement de rotation grâce à une barre fixée en travers du manche, le trévir. Les algues se prennent dans les dents et s’y emmêlent. Avec la torsion, le pied est arraché. Outil lourd et fatigant à manier.
Le skoubidou hydraulique
Il fonctionne avec un verrin hydraulique et porte à l’extrémité supérieure un moteur hydraulique donnant au skoubidou le mouvement de rotation.
Le piffonage et l’incinération
Une fois le goémon débarqué sur la dune, il fallait le faire sécher en le tournant et le retournant comme du foin dans un pré.
Dès qu’il pleuvait, il fallait le mettre en tas afin qu’il ne soit pas lavé et perde l’iode devant rester concentré dans les cendres par la suite.
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La récolte du goémon à l'ancienne
Autrefois sur ces côtes nord du Finistère, durant l'été, on pouvait voir sur les dunes et les grèves l'activité des paysans goémoniers. Le travail se faisait en famille. Le marin allait réc...
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image four à goémon à Meneham
Le four à goémon
Dans des tranchées creusées dans le sol, mesurant de 5 à 10 mètres de long avec des parois et de fond tapissés de pierres plates assemblées avec de la glaise, on y plaçait environ une tonne de goémon vert.
Les fours servaient à extraire la soude du goémon qui est riche en iode. Le goémon était brûlé sec, les fours divisés en compartiments permettaient de faciliter le démoulage
Le piffonage se faisait à l’aide d’outils appelés piffons, des barres de fer aplaties à un bout pour mélanger l’amalgame pendant deux heures dans les fours à soude ou fours à goémon.
Le travail était également très pénible.
Les pains récupérés, pensant de 70 à 80 kg étaient transportés par gabarres jusqu’aux usines de transformation et le goémonier était payé en fonction de la teneur en sel du pain.
Une tonne de goémon sec = 2 à 3 kg d’iode
La production moyenne annuelle pour un goémonier = 10/12 tonnes.
04 Four » par Michel Briand — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.
La fête du goémon à Plouguerneau
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Les transports
Autrefois, les goémoniers suivaient les grandes marées sur des barques non pontées gréées d’un simple foc et d’une grand-voile et se laissaient porter vers l’ouest sur les champs de laminaires. Là, par 3 ou 4 mètres de fond, ils sortaient leur guillotine et à genoux sur le plat bord ils coupaient les algues et les remontaient à bord en gagnant, main à main sur la perche. Les algues ramenées à terre étaient débarquées dans la charrette. Le séchage était souvent l’affaire des femmes. Ce travail était pénible surtout par mauvais temps.
20 Chargement » par Michel Briand — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.
La fête du goémon à Plouguerneau
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Howard Russell Butler Les ramasseurs de varech » par Howard Russell Butler (1856-1934) — http://19thcenturyusapaint.blogspot.fr/2013/01/howard-russell-butler.html. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.
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Le cheval autrefois
Le cheval tirait les charrettes jusque dans les années 60. Il fut le compagnon du goémonier dans la récolte de goémon d’épave ou coupé. Il descendait à la grève et tirait la charrette chargée d’algues pour remonter la dune. Les chevaux montaient même à brod des pigouliers pour travailler dans les îles. Ils étaient habitués à la mer et nageaient très bien.
De nos jours c’est le travail du tracteur et de la remorque.
La grue hydraulique a remplacé également le croc qui servait à décharger la charrette.
Pour les goémoniers qui ne possédaient pas de charrette ni de cheval, le goémon était transporté sur des civières en bois (kravazh).
Certains goémoniers devaient partir vivre la moitié de l’année sur les îles, isolés de leurs familles et du monde, vivant de trois fois rien dans une cabane bricolée avec le matériau à disposition. Ils se levaient le matin pour récolter les algues, les étendaient l’après-midi et les brûlaient par la suite une fois séchées.
Le courrier était assuré par un bateau une fois par semaine, il en profitait pour renouveler les provisions des pêcheurs et les soudes étaient expédiées sur le continent dans les usines des propriétaires des îles.
De nos jours ,la quarantaine de goémoniers du Finistère produit environ 40.000 tonnes de laminaires par an, vendues au prix de 40 euros la tonne. Ils sont très dépendants des usines de transformation, deux usines principales situées à Lannilis et Landerneau qui en extraient les alginates
Pour en savoir plus :
A Plouguerneau, musée des goémoniers
A Plouguerneau, fête du goémon organisée par le musée des goémoniers en août.
Sources : les goémoniers d’hier et d’aujourd’hui, wikipédia,les algues hier et aujourd'hui, une industrie en Bretagne
complainte des goémoniers