Cuba : Un certain 4 mars 1960 (explosion de La Coubre)

Publié le 4 Mars 2015

Cuba : Un certain 4 mars 1960 (explosion de La Coubre)
Cuba : Un certain 4 mars 1960 (explosion de La Coubre)

Souvenez-vous !
Il faisait beau, ce jour-là.
L’air était doux, parfumé de senteurs exotiques, comme sait l’être l’air
des Caraïbes.
Le navire était à quai.
La cargaison : 76 tonnes de balles et de grenades FAL anti-chars,
réparties dans 1492 caisses.
Cachées entre les caisses de grenades, deux bombes prêtes à exploser.
C’était le 4 mars 1960.
Le cargo s’appelait La Coubre.
Le vapeur de 4309 tonnes appartenait à la Compagnie Générale
Transatlantique, une société française. Depuis 9 ans, il faisait la navette entre la
France, les Antilles françaises, l’Amérique centrale et les Etats-Unis. En
provenance d’Anvers, il avait accosté la veille sur le quai Tallapiedra, dans
le port de La Havane. A son bord, 35 hommes d’équipage, dont 28 Français.
Depuis près de 3h, 27 dockers, sous la surveillance de deux officiers de l’
Armée Rebelle de Cuba, avaient commencé à décharger le bateau. Sur le
quai, 30 soldats de la Section des tanks et du régiment d’Artillerie
surveillaient la zone. La cargaison était d’importance : la toute jeune Révolution
avait un besoin absolu de ces munitions, commandées dans un premier temps par
l’ex dictateur Batista, et que les autorités belges avaient finalement
accepté de livrer au gouvernement de Fidel Castro, malgré les pressions
insistantes des Etats-Unis.
A bord du cargo, l’équipage attendait sans doute tranquillement la fin du
déchargement pour repartir. Le capitaine Georges Dalmas rédigeait un
rapport dans sa cabine tandis que Jean-Marie Guillotin, le chef mécanicien, assis
sur sa couchette, écrivait à sa femme.
A l’arrière du bateau, le premier lieutenant François Artola et le
timonier, Jean Buron, devaient suivre d’un œil le déchargement, tandis que
quelques matelots, s’affairaient sur le pont. Peut-être se disaient-ils qu’avant
le départ ils iraient faire un tour dans La Havane pour acheter quelques
souvenirs, des cigares et du rhum pour les ramener au pays. Ça faisait des
semaines qu’ils étaient partis, et le temps devait leur sembler long.
Le déchargement avançait rapidement. Déjà toutes les caisses de balles
avaient été déchargées. Les dockers s’attaquaient maintenant à vider la soute
des caisses de grenades.
Il était 3h10.
Des ouvriers soulèvent une caisse. Sous la caisse, une bombe antichar… L’
explosion est terrifiante ! Toute la partie arrière du navire est
déchiquetée. Des cadavres, des blessés partout ! Un épais nuage de fumée monte du
bateau.
Dans un bâtiment proche du port, Ernesto Che Guevara est en réunion. Il
entend le bruit, il voit la fumée. Il se précipite pour apporter les premiers
secours, il est médecin. On porte les premiers blessés à l’écart, Che est
avec eux. Sur le navire sinistré comme sur le quai, les secours affluent.
C’est alors que retentit une seconde explosion, encore plus forte que la
première. La deuxième bombe vient d’exploser finissant de tordre les tôles
et d’éventrer le cargo, balayant le quai de milliers de débris incandescents.
Le bilan est terrible. Quatre-vingts morts, plus de 200 blessés, de
nombreux disparus et des dommages estimés à environ 17 millions de dollars.
Le lendemain, un immense cortège rendait un dernier hommage aux victimes
de l’attentat et Fidel Castro concluait son discours par une formule qui
allait marquer l’histoire : « Patria o muerte ¡Venceremos ! ». A son côté,
Che, le béret à l’étoile sur la tête, le regard lointain, comme marqué par la
tragédie. Alberto Korda, présent lui aussi, fera ce jour-là le cliché de Che
Guevara connu du monde entier.
Douze jours plus tard, les 22 marins rescapés seront rapatriés vers la
France.
François Artola, Jean Buron, Lucien Aloi, André Picard, Jean Gendron et
Alain Moura ne sont jamais rentrés au pays. Leurs restes reposent au
cimetière Colon, à La Havane.
Qui donc avait intérêt à faire exploser le cargo? Qui pouvait souhaiter
que les armes contenues dans les soutes ne puissent pas servir à Cuba? Bien
que les Etats-Unis se soient toujours vertueusement défendus d'en être les
commanditaires, comment ne pas avoir des doutes sur les auteurs de ce crime?
Il existe un volumineux dossier sur l’attentat, conservé au Havre, qui a
été établi à l’époque par les services juridiques de la Compagnie Générale
Transatlantique. Peut-être renferme-t-il les preuves qui nous manquent pour
accuser qui que ce soit et demander justice. Mais aucun de nous ne pourra
consulter ce dossier : il est soumis à un délai de communicabilité de 150 ans

Ne me demandez pas pourquoi.
Annie Arroyo
Kubako Etxea – France-Cuba

Source : Txakal

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image ci-dessous « Heroico1 » par Alberto Diaz Gutierrez (Alberto Korda) — Museo Che Guevara, Havana, Cuba. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons - Redthoreau

Cuba : Un certain 4 mars 1960 (explosion de La Coubre)

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Cuba, #Devoir de mémoire, #Au cœur du CHE

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