L'ours dans la culture française

Publié le 7 Décembre 2014

L'ours dans la culture française

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La thèse du culte de l'ours au paléolithique est sujet à controverse chez les scientifiques, pour autant l'histoire symbolique et les représentations ne manquent pas vraiment et ont forgé l'histoire des mythes et légendes dont cet animal est bien doté.

Même si de nos jours, l'ours est plus souvent représenté en douce peluche et berce les rêves de nos enfants, il a joué et joue encore un rôle primordial dans la pensée populaire du monde entier et sur notre territoire.

Le culte de l'ours

Dans la culture religieuse et symbolique, l'ours représente la puissance, le renouveau et la royauté. Aussi bien représenté dans les danses , le folklore, les chasses, les chants, les masques, les légendes, les sociétés humaines du monde ne sont jamais restées indifférentes à la présence de l'ours dans leur environnement.

L'ours dans la culture française

image urus spelaeus reconstitué Pymouss

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L'ours des cavernes

A l'origine il y a deux types d'ours : ursus spelaeus, l'ours des cavernes qui est apparut il y a 500.000 ans et disparait avant le néolithique et ursus arctos, l'ours brun qui est un rescapé de la préhistoire. Les deux descendent de l'ours du Roussillon, ursus ruscinensis qui était présent il y a environ quatre millions et demi d'années.

Au Pléistocène supérieur vivait dans une partie de l'Europe (sud de l'Angleterre jusqu'au Caucase) , l'ours des cavernes ,ursus spelaeus.

Les mâles pouvaient mesurer de 1.30 m au garrot à 3.50 mètres dressés sur leurs pattes arrières et peser environ 450 kg(ce qui représente le triple du poids d'un ours moyen actuel).

L'ours des cavernes devait se battre avec d'autres animaux pour préserver son refuge et il s'affrontait à d'autres carnivores, les hyènes géantes, les lions des cavernes.

image ci-dessous urus arctos dans les Pyrénées Jean-no

L'ours dans la culture française
L'ours dans la culture française

image Jebulon

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La grotte du Regourdou (Périgord)

La plus ancienne trace connue d'association possible entre l'ours et la culture humaine figure dans la grotte du Regourdou en Périgord dans laquelle on été découverts de très nombreux ossements d'ours brun dans des fosses ou sous des tas de pierres faisant penser à des sépultures ou à un rite dédié à l'animal. Situé pas très loin de la grotte de Lascaux, cette sépulture humaine contenant des restes de néandertaliens et des os d'ours remonte à 70.000 ans ou 80.000 ans avant notre ère. Cette grotte est considérée comme un sanctuaire par les historiens, permettant de résoudre le culte de l'ours ayant pu être selon Christian Bernadac, le premier dieu célébré par les hommes. D'autres disent que cette association au Regourdou n'est pas avérée.

Les ours des cavernes de la grotte de la Balme à Collomb (Mont Granier en Savoir dans le mont Granier)

En 1988, les spéléologues ont découvert dans cette cavité située à flanc de falaise à 1700 mètres d'altitude, l'un des plus importants gisements d'ossement d'ours des cavernes (plus de 1000). La disposition des squelettes montre qu'il ne s'agissait pas d'ossements apportées par des prédateurs mais d'animaux morts pendant l'hibernation, il y a de cela 24.000 à 45.000 ans, lors de la dernière période glaciaire.

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image © Ministère de la Culture et de la Communication, DRAC Rhône-Alpes, SRA

Dessin d'ours des cavernes dans la Grotte Chauvet-Pont d'Arc

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30.000 ans avant notre ère, l'association symbolique de l'ours avec l'homme devient plus solide avec la grotte Chauvet en Ardèche où l'on a trouvé des crânes déposés volontairement et de manière rituelle.

Grotte Chauvet

Des peintures d'animaux datent de 32.000 ans avec au centre d'une salle, le crâne de l'ours placé sur un piton rocheux avec autour de lui, disposés en demi-cercle d'autres crânes. Ce qui laisse à supposer d'un culte de l'ours chez les hommes de Cro-Magnon ou Neandertal.

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lien image et article à lire

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Grotte de Montespan (Haute Garonne)

La présence d'une statue en argile d'un ours acéphale avec un vrai crâne d'ours à ses pieds datés du paléolithique supérieur représente l'une des plus anciennes preuves d'un culte de l'ours au monde.

L'ours dans l'art préhistorique n'est pas tellement représenté que ce soit en art pariétal ou en art mobilier. Le préhistorien Marc Azéma en comptabilise 52 représentations dans l'art pariétal mais elles sont mal réparties car la grotte Chauvet; à elle seule en possède 15 et celle des Combarelles 8.

L'ours est présent dans l'art pariétal dès 35.000 ans avant notre ère et il représente 2% des dessins animaliers dans les grottes d'Europe occidentale.

En France

Les représentations picturales

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« Ours tachetés », gravures pariétales, grotte des Trois-Frères, Ariège - Relevés H. Breuil (d’après Bégouën et Breuil, 1958)

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- Grotte des 3 frères (Ariège) : représenté par un personnage thérianthrope avec des pattes antérieures d'ours.

- Grotte Chauvet : peintures pariétales (une quinzaine)

- Grotte du Ker de Massat (Ariège) : ours gravé sur un galet

- Grotte de Montespan (Haute Garonne) : ours modelé

- Grotte des Combarelles (Dordogne) : peintures pariétales (8)

- Grotte de Lascaux : ours caché dans un poitrail d'auroch dans la salle des taureaux.

Dans l'art mobilier, une thèse récente fait part de presque 200 représentations d'ours dans l'art préhistorique surtout attribués à la période magdalénienne.

L'art mobilier, quelques exemples :

- Grotte de la Vache (Ariège ) : lissoir

- Mas d'Azil (Pyrénées) : rondelle découpée

Images

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image 17Drew

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Anthropomorphisme

Dans l'antiquité, l'ours est considéré comme un parent, un cousin, un ancêtre de l'être humain et il sera vu pendant une grande partie de l'histoire comme l'un des trois animaux les plus proches de l'homme avec le singe et le porc. Mais le singe et le procs sont très mal vus dans l'Europe chrétienne.

L'ours, par ses caractéristiques physiques en effet peut faire penser à l'homme :

- Il sait se tenir debout, dressé sur ses pattes postérieures

- Son statut de plantigrade le rapproche plus de l'homme que les autres mammifères.

- Débarrassé de ses poils, son corps est semblable à celui de l'homme.

- Il peut saisir des objets avec ses pattes antérieures (qui ressemblent à des mains humaines).

- Il peut prendre des postures humaines, danser, nager.

- Son régime alimentaire est omnivore.

Il est alors très facile à l'homme de se déguiser en ours à toutes les époques et dans toutes les cultures. L'ours est souvent perçu comme un homme dans les histoires ou métamorphosé et dans les contes il sait souvent ravir les jeunes femmes. L'anthropomorphisme entretient également les légendes sur ses mœurs sexuelles. La croyance en un couple femme/ours stable et fécond est quasi universelle et partagée par européens, asiatiques et amérindiens. L'ours semble jouer un rôle de tisseur d'unions fécondantes, il serait alors un initiateur de l'accession à la sexualité et à la capacité d'avoir des enfants chez les jeunes filles menstruées.

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Les évènements, les fêtes, les légendes, les métiers

La fête de l'ours

Une fête traditionnelle qui démarre d'une légende se déroule à la fin février en haut Vallespir dans les villages de Parts-de-Mollo, Arles sur Tech et St Laurent de Cerdans en ouverture du carnaval.

La légende raconte qu'un ours avait enlevé une jeune bergère. Les chasseurs l'ont traqué pour récupérer la jeune fille et l'ours se battit et fut capturé, la bergère libérée. On ramena l'ours sur la place du village et on le rasa.

Ainsi débarrassé de son apparence animale, il dut effectuer différents travaux pour le compte des villageois.

C'est une façon de décrire le rituel du passage à l'âge adulte et pendant les fêtes des jeunes hommes se déguisent en ours et partent chercher dans le village les jeunes filles en âge de se marier. Les chasseurs les capturent, les rasent et ils apprennent à danser, manger et boire.

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image GeeJo

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Le montreur d'ours

Au moyen-âge, il y avait de nombreux métiers itinérants exercés par des personnes qui réalisaient alors des tours d'adresse qu'ils soient jongleurs ou montreurs d'ours . Les montreurs d'ours étaient classés au plus bas de l'échelle sociale, ce métier à la vie rude qui est quasiment disparu de nos jours en dehors des spectacles a été promu par les roms et les gitans et a même donné son nom à un de leurs groupes dans les Balkans, les ursari.

Dans les Pyrénées, le métier de montreur d'ours se dit "oussaillé" ou "orsalhèr" en gascon.

En Ariège, il était même devenu une quasi industrie.

A Ercé, au XIXe siècle, il y avait une école des ours et les montreurs d'ours se sont exportés jusqu'aux EU.

Les spectacle de montreurs d'ours connus depuis le XIIe siècle semblent avoir bénéficié d'une certaine tolérance des autorités chrétiennes car la bête étant domptée et paraissant ridicule ne gênait pas l'église.

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image ci-dessous Ours, Luchon, septembre 1900 Guérin Nicolas

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L'ours dans la culture française

image Etxeko

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Les joaldunak

Se prononce ioaldounak.

Ceux qui portent les sonnailles.

Durant la dernière semaine de janvier, des personnages traditionnels de la culture basque annoncent l'arrivée du carnaval en agitant les sonnailles (joareak).

Il s'agirait de forcer le réveil de la nature après l'hiver à l'aide d'une action qui fait du bruit.

Vêtus de peaux de brebis posées sur leurs épaules et à leur ceinture, des mouchoirs de couleur autour du cou et des bonnets de forme conique avec des rubans multicolores, les sonneurs s'agitent en même temps que leurs sonnailles accrochées sur les reins.

Le culte de l'ours dans les Pyrénées sous cette forme folklorisée est souvent lié aux fêtes du carnaval, au renouveau du printemps qui correspond à la sortie d'hibernation de l'animal qui se situe vers la chandeleur. Ces fêtes se passent souvent en Soule, Bigorre, Andorre, Pyrénées orientales.

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image Leireorduna

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Les basajaunak

En basque : "seigneurs de la forêt" ou "seigneurs sauvages".

Personnages de la mythologie basque représentant un homme poilu et sauvage vivant bien souvent dans la forêt d'Iraty.

Ces créatures élisent domicile dans le sol , des grottes ou des cavernes et représentent dans la mythologie une galerie communiquant entre le monde extérieur et le monde souterrain. L'origine de ce mythe pourrait remonter de la rencontre des proto-basques arrivés il y a 40.000 ans avec les derniers néandertaliens en voie d'extinction.

L'histoire la plus connue que l'on peut relier à la légende des basajaunak est celle de Jean de l'ours.

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image Morburre

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Xan de l'ours en basque

Joan de l'os en catalan

Cette créature légendaire est née d'un ours et d'une femme. Il est doté d'une force surhumaine grâce à laquelle il peut surmonter de nombreuses épreuves.

Considéré comme un conte, il a malgré tout un caractère ambigu du fait de sa proximité avec les basajaunak (croyance populaire) et il a été classé parmi les hommes sauvages montagnards tout comme le yéti, le bigfoot ou l'almasty.

On a pensé que cette croyance résultait d'un anthropomorphisme de l'ours qui possède une attitude semblable à celle de l'homme lorsqu'il se dresse sur ses pattes arrières.

D'ailleurs dans les légendes le pic du midi d'Ossau représente la tête de Jean de l'ours.

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image pic du midi d'Ossau Rando-photo

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Les mots s'inspirent de l'ours

Nombreux sont les prénoms qui dérivent du mot ours : Bernard (fort ou dur comme l'ours) Arthur, le roi des ours, Mathurin, Ursule.

Toponymes et noms dérivés du mot ours

- Vallée d'Ossau, vallée d'Onser, vallée de la Barousse, rivière Ourse.

Dans les Alpes : pic de l'Ours, Mont Ours entre Sospel et Menton, Mont Orsiera.

Les rues appelées rue aux ours à Paris et Rouen et Metz (et certainement ailleurs).

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image HAF 932

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Les expressions et idiotismes ayant pour sujet l'ours :

- Une personne grossière, bourrue et rustiques sera souvent traitée d'ours mal léché (dans la croyance populaire, l'ourse lèche son petit pour lui donner forme) cela désigne donc les personnes mal éduquées et mal dégrossies.

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- Il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué : anticiper un succès incertain (issue d'une fable d'Esope).

- Fort comme un ours.

- Etre comme un ours en cage : désigne une personne qui ressent une colère impuissante.

En argot :

-Ours = ouvrier pressier (en oppositions avec l'ouvrier compositeur qui lui est appelé singe.)

- Ours = encadré où se trouvent les noms des collaborateurs d'un journal.

L'ours aux vertus médicinales

Même s'il fut chassé au moyen-âge, sa viande n'a jamais été considérée comme vraiment comestible pour les hommes. Sa peau était utilisée mais surtout on attribuait à sa graisse et à sa bile des vertus et ce jusqu'au XVIIIe siècle où la bile était connue comme un remède à tous les maux.

Des talismans étaient fabriqués avec des canines, des griffes, des poils comme attributs de force.

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Allégorie des sept péchés capitaux par Vincent de Beauvais, Miroir historial, Paris, 1463. L'ours (en bas et à droite), symbole de gloutonnerie, est monté par un clerc. Miniature attribuée au Maître François, BNF, Fr.50, f.25

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Quand la religion s'emmêle

Diabolisation du culte de l'ours

L'ours considéré comme le double de l'homme, parfois comme le roi des animaux en Europe, associé à des rites parfois violents et à des traditions païennes sera combattu avec acharnement par les autorités de l'église catholique romaine au cours d'évangélisations successives qui ont contribué à la dépréciation de l'ours en Europe.

L'ours dans la culture française

un bateleur montreur d'ours dans l'oeuvre de St Augustin Tsaag Valren

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Dans la bible, l'ours apparaît toujours comme un animal dangereux et féroce. Il y a la volonté évidente de lutter contre les rituels païens célébrant les saisons, la nature, la position des astres et les animaux qui seront remplacés au cours du moyen-âge par des fêtes chrétiennes célébrant les saints, le christ ou la vierge.

Par exemple, le 11 novembre (date théorique du début d'hibernation de l'ours) donnant lieu à des fêtes païennes est remplacé par l'église par la saint Martin.

La chandeleur le 2 février remplace les fêtes associées aux saints de l'ours.

St Augustin dans ses récits prônait la supériorité de l'homme sur les animaux qui étaient inférieurs et imparfaits. Dans son sermon sur Isaïe, il dit que l'ours c'est le diable. Tout ce qui sera lié à une vénération de l'ours y compris les déguisements et les pratiques liées aux rites de fertilité seront interdits et combattus par les autorités chrétiennes.

L'ours dans la culture française

image st Corbinien ordonne à l'ours de porter ses bagages Somoza

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Les saints luttent contre les ours également.

Certains sont sensés les apprivoiser comme St Blaise, St Gall ou st Martin.

Certains ours deviennent des montures pour remplacer celle des saints qu'ils ont dévorés ou portent les bagages : représentations de st Eloi, St Claude, St Viance.

Il y en a un qui arrive à faire garder ses moutons par un ours : st Florent de Saumur et l'ours dompté de st Corbinien figure sur les armes du pape Benoît XVI.

Les théologiens se sont inspirés, selon Michel Pastoreau des récits de st Augustin et de Pline l'ancien pour dresser le portrait diabolique de l'ours. L'animal serait un signe de bestialité diabolique et on le charge de péchés capitaux : tromperie, luxure, goinfrerie, colère, envie, paresse. Les légendes et les histoires contemporaines se feront alors l'écho de cette manière de la représenter.

En Europe, l'ours, rival du christ devait être éradiqué et la chasse à l'ours est alors encouragée par l'église.

Animal royal

Jusqu’au XIIe siècle, l’ours reste un animal royal et les rois les faisaient capturer soit pour eux-mêmes soit pour les envoyer dans des ménageries princières en cadeau. Les villageois jusqu’à la fin du moyen-âge dans les vallées alpines offraient des pattes d’ours en redevance à leur seigneur.

Population en France

En France, la dernière battue "officielle" a eu lieu en août 1963 dans les basses Pyrénées (Pyrénées atlantiques). Chassé jusqu'à la fin du XIXe siècle il a alors disparu pratiquement en 1937 et à l'aube de la seconde guerre mondiale, il ne reste présent que dans les Pyrénées. L'ours brun est l'un des trois grands carnivores français avec le loup et le lynx.

En 1995 il ne reste que 5 individus dont une seule femelle dans les Pyrénées. Il est décidé de renforcer le noyau occidental et en 1996/1997, trois ours sont capturés dans la réserve de Medved en Slovénie pour être relâchés sur la commune de Melle en Haute Garonne (les ourses Ziva et Melba en 1996 puis l'ours Pyros en 1997). Melba sera tuée par un chasseur en 1997.

En 2003, renforcement de la population pyrénéenne avec 6 individus qui accompagne le processus accéléré par la mort de l'ourse Canelle, la dernière femelle de souche pyrénéenne abattue par un chasseur en vallée d'Aspe.

En avril 2006 sont relâchés dans les Pyrénées les ourses Palouma, Hvala, Franska et Sarousse et l'ours Balou qui a été retrouvé mort en 2014. Palouma est morte en 2006 et Franska en 2007.

Depuis, 25 ours sont identifiés en 2013 dans deux secteurs séparés des Pyrénées (source Férus).

sources : wikipédia, hominidés.com

Néré et son fils Cannellito (le fils de l'ourse Canelle, tuée en 2004) se promènent dans le bois de Sesques entre vallée d'Ossau et vallée d'Aspe.

Rédigé par caroleone

Publié dans #Les animaux de caro, #Espèces menacées, #Arts et culture

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G
L'ours de la culture catalane est plus beau.......
C
Pas très gentil pour l'ours qui, lui, est le même au-delà des frontières.....