Jaurès de Vladimir Maïakovski
Publié le 21 Août 2014
C'est novembre
mais la foule serrée
a très chaud.
Je suis là debout
et regarde longuement :
sur les pneus
devant moi
roulent
de grosses boules
en tricornes.
Ayant lavé
leurs mains
rougies par la guerre
et ayant soupesé
les chances
des rouges
ils se sont mis en tête
un nouveau commerce :
ils veulent
spéculer
sur Jaurès.
Ils diront aux travailleurs :
Regardez
lui aussi
est avec nos grands hommes.
Jaurès
un authentique français
ne dérangera plus
même
au Panthéon.
Des flots
de phrases larmoyantes
sont prêtes à couler.
Une escorte
un quadrige
quel effet !
Ne bougez plus!
Dites
qui de vous
à tiré
sur Jaurès
dans la devanture ?
Et maintenant
vous êtes venus
hurler à la mort.
Aie l'oeil
classe ouvrière !
Camarade Jaurès
ne te laisse pas
assassiner
une seconde fois.
Pas question.
Dressant la forêt de mâts
des drapeaux
soudant
la foule
dans une seule houle
tonnant et vivant
comme avant,
Jaurès
rejoint le Panthéon
par la rue Soufflot.
Il est présent
dans ces cris qui montent,
dans ces drapeaux
dans ces pas
dans ces dos
déformés par le travail.
"Vivent les soviets!
A bas la guerre !
Capitalisme, à bas !"
Et voilà
une flamme accourt
et brûle
et le chant
rougeoie
sur les lèvres.
Et il semble
qu'à nouveau
dans la fumée
les canoniers
montent
vers les forts de Paris.
On me pousse
le dos
contre une vitrine
et voilà
que les ombres
sont sorties
des livres.
Et de nouveau
l'année 71
se lève
des pages bruissantes.
Une montagne
de poitrines
pourrait se soulever.
Un cri
de colère :
"Qui ose dire
que nous
en 17
nous avons trahi
le peuple français ?
Mensonges
nous sommes avec vous
Français en blouse d'ouvrier.
Oubliez
cette calomnie affreuse
Sur toutes les barricades
nous sommes vos alliés
Ouvriers du Creusot
ouvriers de chez Renault !
Vladimir Maïakovski ( Ecoutez si on allume les étoiles......
Un petit hommage en retard pour Jaurès.