Gaza
Publié le 21 Juillet 2014
« La seule valeur morale pour les peuples occupés, c'est la vigueur de la résistance à l'occupation.
C'est là le seul enjeu. Gaza est tombée dans la dépendance à cette cruelle et noble valeur. Elle ne l'a pas apprise dans les livres, les écoles élémentaires, les slogans sonores scandés par les haut-parleurs, ni dans les chansons. Gaza ne l'apprise qu'à travers sa propre expérience, et un labeur qui est son image et sa gloire.
Gaza n'a pas de voix. Ce sont les pores de sa peau qui exhalent la douceur, le sang et le feu. Et donc l'ennemi lui voue une haine et une crainte mortelles, et cherche à la noyer dans la mer, le désert ou le sang. Et donc ses proches et ses amis l'aiment avec une timidité qui parfois touche à la jalousie et à la peur, car Gaza est une leçon brutale et un exemple éclatant pour ses ennemis comme ses amis.
Gaza n'est pas la plus belle des villes.
Son rivage n'est pas plus bleu que celui d'autres villes arabes.
Ses oranges ne sont pas les plus belles du bassin méditerranéen.
Gaza n'est pas la ville la plus riche.
Ce n'est ni la plus élégante, ni la plus grande, mais son histoire est à la hauteur de celle d'une véritable patrie. Car elle est la plus laide, la plus pauvre, la plus misérable et la plus vicieuse aux yeux de ses ennemis. Parce qu'elle est la plus capable d'entre nous pour troubler l'humeur et le confort de l'ennemi. Parce qu'elle est son cauchemar. Parce qu'elle est tout à la fois des oranges minées, des enfants sans enfance, des vieillards sans vieillesse et des femmes sans désirs. Parce que tout ceci réuni constitue sa plus grande beauté, pureté et richesse, parce qu'elle est infiniment digne d'amour. »
Mahmoud Darwich