José Marti (119 ans de sa mort)

Publié le 19 Mai 2014

José Marti (119 ans de sa mort)

Un petit extrait de Notre Amérique, quelques liens vers ce blog puis une chanson.

(...)Ces pays se sauveront parce que, grâce au génie de la modération[43] qui semble régner, du fait de l’harmonie sereine de la Nature, sur le continent de la lumière et à l’influence de la lecture critique qui a succédé en Europe à la lecture de tâtonnement et de phalanstère[44] dont s’était imbue la génération antérieure, l’Amérique est en train de donner le jour, en ces temps réels, à l’homme réel.

Nous étions une chimère : torse d’athlète, mains de dandy et front d’enfant. Nous étions un déguisement : culottes d’Angleterre, pourpoint parisien, veston d’Amérique du Nord et béret espagnol. L’Indien, muet, nous tournait autour et gagnait la montagne, le sommet de la montagne, pour baptiser ses enfants. Le Noir, guetté, chantait la nuit la musique de son cœur, seul et méconnu, entre les vagues et les fauves. Le paysan, le créateur, se retournait, aveuglé d’indignation, contre la ville dédaigneuse, contre sa créature. Nous étions épaulettes et toges, dans des pays qui venaient au monde l’espadrille au pied et le bandeau au front. Le génie eût de faire fraterniser, avec la charité du cœur et l’audace des fondateurs, le bandeau et la toge ; de remettre l’Indien en branle ; de faire de l’espace suffisant au Noir ; d’ajuster la liberté au corps de ceux qui se soulevèrent et vainquirent pour elle. Il nous est resté l’auditeur, et le général, et le clerc, et le prébendier. La jeunesse angélique, comme si elle s’arrachait d’entre les bras d’une pieuvre, haussait au Ciel, mais pour retomber dans une gloire stérile, sa tête couronnée de nuées. Le peuple naturel, avec la fougue de l’instinct, renversait, dans l’aveuglement du triomphe, les sceptres d’or. Ni le livre européen ni le livre yankee ne donnait la clef de l’énigme hispano-américaine. On essaya la haine[45], et les pays ne cessaient de déchoir au fil des ans. Las de la haine inutile, de la résistance du livre à la lance, de la raison au chandelier, de la ville à la campagne, du règne impossible des castes urbaines divisées sur la nation naturelle, tempétueuse ou inerte, on en arriva, comme sans le savoir, à essayer l’amour. Les peuples se mettent debout et se saluent : « Comment sommes-nous ? », se demandent-ils, et ils vont se disant les uns aux autres comment ils sont. Quand un problème surgit à Cojímar[46], ils ne vont pas chercher la solution à Dantzig[47]. Les redingotes sont encore de France, mais la pensée commence à être d’Amérique. Les jeunes d’Amérique retroussent leurs manches de chemise, mettent la main à la pâte et la font monter du levain de leur sueur. Ils comprennent qu’on imite trop, et que le salut est de créer. Créer est le mot de passe de cette génération. Le vin, de banane ; et s’il est aigre, c’est du moins notre vin ! On comprend que les formes de gouvernement d’un pays doivent s’adapter à ses éléments naturels ; que les idées absolues, pour ne pas chuter par vice de forme, doivent se glisser dans des formes relatives ; que la liberté, pour être viable, doit être sincère et pleine ; que si la république n’ouvre pas ses bras à tous et ne progresse pas par tous, la république meurt. Le tigre du dedans se faufile par la brèche, et le tigre du dehors. (...)

Rédigé par caroleone

Publié dans #Devoir de mémoire, #Cuba, #José Marti

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