Juan Gelman le poète est mort

Publié le 16 Janvier 2014

Disparition du poète Juan Gelman le 14 janvier 2014

Il était l’un des plus grands poètes argentins, un poète dominé par l’émotion, la douleur, le devoir de mémoire avec pour thèmes de prédilection, l’amour, la révolution, l’automne et l’enfance.

Juan Gelman le poète est mort

image roblespepe

« Le mot
Il habite dans l'ombre le mot qui te nommerait. Quand il te nommera tu seras ombre. Tu crépiteras dans la bouche qui t'a perdue pour t'avoi
r. »

Sur la poésie

La poésie de Gelman se caractérise notamment par une volonté de recherche, d'expérimentation sur le langage. Faire de la langue un mysticisme. Pour cela il utilise notamment une variante de l'espagnol parlée à Buenos Aires, le porteño.

Sa poésie si elle rarement « engagée » de façon explicite, frontale, n'en demeure pas moins riche en revendications et proclamations sous-jacentes.

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RETOURS

La parole qui
a croisé l’horreur, que fait-elle ?
traverse-t-elle les champs du délire
a découvert ?
s’apprivoise-t-elle ? pourrit-elle ?
refuse-t-elle d’avoir une âme ?
amoure-t-elle encore, torturée et violée,
prend-elle des formes improbables
dans lesquelles un enfant, par peur, se tait ?
La parole
qui revient de l’horreur, la no
mme-t-elle
dans l’enfer de son innocence ?

(Valoir la peine)

Sur son œuvre

Son œuvre était éclectique, en dehors de la poésie et de la prose, il écrivit une pièce de théâtre, La junta luz en 1982 et deux opéras, La tramera general et La bicicleta de la muerte avec Juan Cedron.

Il publia également des articles dans Pagina/12 sous le titre Prosa de prensa et Nueva prosa de prensa.

Il reçut des prix littéraires de niveau international :

  • 1987 : Prix Boris Vian
  • 1997 : Prix national de poésie argentin
  • 2000 : prix de littérature latino-américaine et caribéenne Juan Rulfo
  • 2003 : prix Lezama Lima
  • 2004 : prix Teresa de Avila
  • 2004 : prix Ramon Velarde
  • 2005 : Prix ibéro-américain de poésie Pablo Neruda
  • 2005 : Prix Reina Sofia de poésie ibéro-américain
  • 29 novembre 2007 : pris Cervantès, le plus prestigieux des prix littéraires du monde hispanique.

Juan Cedron a mis en musique de nombreux poèmes de Juan Gelman.

Sa vie

Il était né le 3 mai 1930 à Buenos Aires dans un quartier à la forte identité juive, étant le troisième enfant d’un couple d’immigrants juifs ukrainiens.

A l’âge de 3 ans, il sait lire, alors qu'il n'a que quatre ans, son frère lui récite des poèmes de Pouchkine. Il gardera le souvenir enchanté d'une musicalité, d'un son bien particulier, et en fera l'une des exigences de son écriture future. Il découvre Dostoïevski à l'âge de seulement 8 ans, probablement encouragé en ce sens par ses parents issus de l'immigration russe et il écrit ses premiers poèmes d’amour à cet âge tendre.

Il est publié la première fois à l’âge de 11 ans en 1941 par la revue Rojo y negro.

A 15 ans, adhésion à la fédération des jeunes communistes.

Après des études de chimie à l’université de Buenos Aires, qu’il abandonne en cours de route, il se consacrera entièrement à la poésie.

Juan Gelman le poète est mort
Le pain dur (El pan duro)

Des jeunes militants communistes composant des poèmes engagés et populaires décident de fonder un groupe nommé El pan duro en 1955. Juan en fait partie. La publication fonctionne sur un modèle coopératif et en 1956 parait un premier livre Y otras cuestiones.

En 1963, il est emprisonné ainsi que d’autres écrivains pour leur appartenance au parti communiste.

A sa sortie de prison il quitte le PC et se rapproche des tendances du péronisme révolutionnaire.

Fondation avec d’autres jeunes en rupture avec le PC du groupe Nuevo expresion et d’une maison d’édition La rosa blindada.

Journaliste
  • 1969 : Revue Panorama (rédacteur en chef)
  • 1971/1973 : La opinia (secrétaire de rédaction et directeur)
  • 1973/1974 : Noticias (secrétaire de rédaction)
Guérilla

Pendant la période 1966 à 1973 c’est la dictature militaire en Argentine (revolucion argentina). Juan adhère aux FAR

(fuerzas armadas revolucionarias), une organisation péroniste-guévariste qui agit contre le pouvoir par des actions militaires.

En 1973, fusion des FAR avec le mouvement des Montoneros d’orientation péroniste qui pratique la lutte armée avec une intensité maximale dans le but de déstabiliser le gouvernement autoproclamé revolucion argentina.

Son rôle sera important au sein de l’action culturelle et la communication entre les FAR et les Montoneros.

Les montoneros l’envoient en 1975 en mission à l’étranger pour dénoncer les violations des droits de l’homme en Argentine quand survient le coup d’état en 1976 qui sera le point de départ de la dictature militaire mettant en place un régime de terrorisme d’état qui sera à l’origine de la disparition de 30.000 personnes.

Il est en exil : Rome, madrid, Managua, Paris, New York, Mexico. Il travaille comme traducteur pour l’Unesco.

En 1976, le journal le Monde publie la première condamnation publique de la dictature argentine, signée par des hommes politiques et ce suite aux démarches de Gelman.

Ayant exposé dans ce journal ses arguments ainsi que les raisons de ses divergences avec le mouvement Montonero, il sera accusé de trahison et condamné à mort par ce mouvement.

En 1988, le gouvernement de Raul Alfonsin n’arrête pas les poursuites judiciaires à l’encontre des Montoneros et Juan Gelman sous le coup d’un mandat d’arrête ne peut toujours pas revenir en Argentine. Des écrivains du monde entier se mobilisent pour aboutir à l’annulation des poursuites à l’encontre de Gelman qui reviendra dans son pays en 1988.

Le 8 octobre 1989 il reçoit la grâce du président Carlos Menem avec 64 ex-membres des guérillas.

Il refuse cette grâce et cite :

« On m’échange contre les ravisseurs de mes enfants et des milliers d’autres jeunes gens qui, aujourd’hui sont tous mes enfants. »

Juan Gelman le poète est mort

image

Le drame de sa vie

Le 26 août 1976, ses deux enfants, Nora Eva âgée de 19 ans et Marcelo Ariel âgé de 20 ans, la compagne de celui-ci Maria Claudia Iruretagoya âgée de 19 ans et enceinte de 7 mois sont enlevés et portés disparus.

En 1978, il apprend que sa belle-fille a accouché en captivité.

En 1990, on lui apprend que les restes de son fils ont été retrouvé dans une rivière. Il a été assassiné d’une balle dans la nuque.

En 1998, il apprend que sa belle-fille a été déportée en Uruguay, sous la dictature militaire dans le cadre du plan Condor et assassinée après l’accouchement de sa petite fille.

Cette petite fille a été donnée en adoption à un couple de policiers uruguayens proches d’un réseau d’adoption illégale que les dictatures du cône sud mirent en place pour éliminer la mémoire des enfants des opposants (500 enfants subirent ses adoptions forcées).

« Il y avait alors une sinistre liste d'attente pour chaque camp de concentration ». Dans la tête des militaires, les bébés devaient être remis à des « familles saines », non susceptibles d'être « contaminées par des idées subversives ».

Les mères quant à elles, étaient éliminées.

Au cours d’un débat public avec le soutien d’intellectuels et d’artistes de premier plan, il exige la collaboration des états argentin et uruguayen pour rechercher sa petite fille.

En 2000, Macarena (Andreïta comme il la surnomme) est retrouvée. Elle est âgée de 22 ans et décidera de reprendre le nom de ses parents. Elle témoignera au procès de raul guglielminetti.

Juan Gelman écrira quatre poèmes sur cette tragédie. Ils sont mis en musique par Juan Cedron et chantés sous forme de cantate par le Cuarteto Cedron et Paco Ibañez : Le chant du coq que voici :

Biographie en français

(wikipédia)

  • Le silence des yeux, préface de Julio Cortázar, édition bilingue, traduit par Michèle Goldstein, Éditions du Cerf, Coll. « Terres de feu », 1981
  • Il nous reste la mémoire : poèmes argentins de l’exil (avec des poèmes d’Alberto Szpunberg et Vicente Zito Lena), édition bilingue, présenté et traduit par Monique Blaquières-Roumette, François Maspéro, Éd. La Découverte / Maspero, Coll. « Voix », 1983, 138 p. (ISBN 2-7071-1412-X et 978-2-7071-1412-9)
  • Les poèmes de Sidney West, traduction collective relue et complétée par Claude Esteban, Éditions Créaphis, Coll. « Les Cahiers de Royaumont », 1997
  • Obscur ouvert, anthologie préparée et traduite par Jean Portante, Éditions PHI / Écrits des Forges, Coll. « Graphiti », 1997
  • Lettre à la mère, présenté et traduit par François-Michel Durazzo, Éditions Myriam Solal, Coll. « Le temps du rêve », 2002
  • Salaires de l’impie et autres poèmes, traduit par Jean Portante, Éditions PHI / Écrits des Forges / Editpress, Luxemburgo, 2002
  • Juan Gelman : écriture, mémoire et politique, 2004, 160 p. (ISBN 2-3526-0004-9)
  • L’Opération d’amour, poèmes, présenté et traduit par Jacques Ancet, postface de Julio Cortázar, Gallimard, 2006 (ISBN 2-0707-7992-0 et 978-2-0707-7992-5)
  • Lumière de mai Oratorio, traduit par Monique Blaquières-Roumette, le Temps des cerises, 2007
  • Lettre ouverte suivi de Sous la pluie étrangère, trad.: Jacques Ancet, Éditions Caractères, Coll. « Cahiers latins », 2011
  • L'Amant mondial, trad.: Jean Portante, Éditions Caractères, Coll. « Cahiers latins », 2012
  • Com/positions, trad. : Jacques Ancet, Éditions Caractères, Coll. « Cahiers latins », 2013 (ISBN 2-8544-6509-9)

Sources : wikipédia, francopolis.net

Rédigé par caroleone

Publié dans #Devoir de mémoire, #Argentine

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