Mexique : Le pèlerinage à Wirikuta
Publié le 19 Septembre 2013
/image%2F0566266%2F201309%2Fob_05c02ccf8bdb953996022275fbccf3ad_sierra-de-catorce.jpg)
Le pèlerinage
Le pèlerinage à Wirikuta consiste en un parcours cérémoniel de 550 kilomètres qui va de la région de Gran Nayar au désert de San Luis Potosi. Les pèlerins reproduisent le cheminement du mythe originel. Selon ce mythe les ancêtres de l’homme auraient émergé dans la mer et entamé le pèlerinage à Wirikuta pour assister à la naissance du soleil qui a illuminé le monde pour la première fois au sommet du Cerro Quemado (colline brûlée) près de la ville coloniale de Real de Catorce. Les huichols font ce pèlerinage depuis plus de 1500 ans. Ils doivent se rendre sur chacun des lieux sacrés au moins une fois dans leur vie. Il a lieu à la fin de la saison des pluies et avant la récolte du maïs. Les huicholes sont guidés par un mara’akene qui va les instruire sur la signification de ce pèlerinage, les connaissances des ancêtres et les évènements qui s’y sont écoulés. Le peyotero qui se rend à la recherche du peyotl doit développer deux personnalités : une personnalité divine intérieure grandissant au fur et à mesure de la réalité et une autre extérieure, profane.
/image%2F0566266%2F201309%2Fob_f16e2757d227e507d407145050ad4922_i22550702-carte-mexique.jpg)
Le pèlerinage est accompli au prix de mille sacrifices et privations : les Huichol qui marchent de l'aube au coucher du soleil ne peuvent s'arrêter que dans les lieux imposés par la tradition. Ils ne peuvent se nourrir et se désaltérer qu'à des moments déterminés et l'abstinence sexuelle la plus absolue est de rigueur. Leur nourriture se compose presque exclusivement de «tortillas» sèches et de pâte de maïs aux haricots qu'ils ont apportées de leur terre et qu'ils réchauffent chaque soir
Au cours du pèlerinage qui est divisé en plusieurs phases correspondant aux cinq portes des principaux sites sacrés, les pèlerins font des offrandes à de multiples collines, roches et sources où ils déposent des arcs, des bougies, des calebasses, des objets rituels, les tsikuri qui représentent des cartes à échelle réduite de la géographie sacrée.
La structure de la croyance huichole (ou wixarika) est complexe et très riche en symbolisme. La mythologie transmise oralement de génération en génération est l’une des mieux conservée d’Amérique latine. Leur mémoire remonte aux époques lointaines où la terre était peuplée par les hommes-serpents, les hommes-coyotes et les hommes-loups. Ce pèlerinage qui commémore ses récits mythologiques permet d’alimenter la vitalité de la tradition et ainsi de la perpétuer.
/image%2F0566266%2F201309%2Fob_0bfca8ee3a3d665c9bfcfb46ee96ce81_symb22.jpg)
dessin mara'akame
Cette culture attribue une place aux êtres humains dans le cosmos qui est une entité matérielle (l’univers) et spirituelle (l’ordre des choses). Le monde doit livrer un combat entre les forces élémentaires que sont l’eau, l’air, le feu et la terre.
A travers de la mythologie, les huichols se sentent responsables de l’harmonie des forces de l’univers et le rôle des mara’akames (chamanes) est d’assurer cet équilibre cosmique par la combinaison des forces contraires.
Les mythes sont représentés dans 5 lieux sacrés qui sont situés à chaque point cardinal et au centre :
- Au nord : Huaxa Manaka dans le Cerro Quemado (état de Durango)
- Au centre : Teakata à Santa Catarina (état de Jalisco)
- A l’ouest : Haramara à San Blas (état de Nayarit)
- Au sud : Xapawiyemeta dans l’île des scorpions sur la lac Chapala (Etat de Jalisco)
- A l’est : Wirikuta à Real de Catorce (Etat de San luis Potosi)
Pour arriver sur le lieu où ils cueilleront le peyotl, ils doivent franchir 5 portes mystiques qui sont gardées par une divinité-cerf et qui n’existant pas dans le réel ne sera visible qu’aux yeux des chamans.
A chaque fois il convient de demander à ce gardien l’autorisation de fermer la porte derrière eux.
Après 10 jours ils arrivent aux étangs et aux sources de Tatéy Matiniéri où des êtres surnaturels manifestent leur présence. Ils font des ablutions rituelles et un prêtre-chaman nettoie les pèlerins des impuretés du voyage pour les préparer à l’arrivée dans la terre du cactus.
Tatéy Matiniéri (notre mère qui existe) est situé selon leurs croyances au centre des mers, il est le nombril des eaux du monde.
/image%2F0566266%2F201309%2Fob_66272f279e82a2fcf16bc86f4b6483c1_726195.jpg)
Le peyotl
Le processus d’apprentissage est lié à la période des moissons et à la consommation de peyotl.
A Wirikuta c’est là que se trouvent les origines de la vie avec la naissance du soleil et parce que c’est le lieu où fleurit une plante sacrée, le peyotl (lophophora williamsii) ou jikuri. Le peyotl est une plante médicinale qui permet d’entrer en communication avec les dieux huichols. Ce cactus pousse dans le désert de San Luis Potosi. Il a un sens lumineux par opposition à l’obscurité dont l’origine remonte à la naissance du soleil. Les propriétés hallucinogènes offrent aux initiés une vision différente de la réalité semblable à celle de leurs ancêtres déifiés.
Les pèlerins vont cueillir pendant trois jours le peyotl afin d’en remplir leurs hottes car il faut ramener une provision suffisante pour une année. Pendant le long trajet du retour ils en consommeront pour les aider à surmonter les fatigues et les privations.
/image%2F0566266%2F201309%2Fob_d7d9e6_6a00d8341ce44553ef0167645b09a8970b-320wi.jpg)
Le chemin mystique du peyotl va unir symboliquement deux « centres » de l'univers indien : Teakâta où apparut le Feu primitif et qui est au cœur de la contrée huichol, et Lehûnar, la montagne où s'accomplit le sacrifice de l'Enfant-Soleil, qui surgit au milieu de la Terre du peyotl. Ces lieux, théâtre des événements cosmiques les plus importants, sont selon la tradition les points extrêmes de l'itinéraire sacré. Le voyage unit ainsi les deux contrées les plus vénérées par le peuple wirârika : la Sierra où il habite et la Terre du peyotl où auraient vécu ses ancêtres. « Nous allons chercher la vie, nous allons chercher plus de vie », disent les pèlerins en évoquant leur mission. Quête de vie, mais aussi quête de «plus de vie», de transcendance, telles sont les motivations profondes du voyage. La vie, c'est le maïs, nourriture de base, fin ultime vers laquelle tendent toutes les prières et les cérémonies; le but suprême du pèlerinage est en effet d'assurer, grâce aux rites du peyotl, la fécondité de la terre. Plante de la « vraie vie », le jikuri permet aussi à l'homme de communier avec les dieux, de connaître leur volonté et de la satisfaire.
Pourquoi Wirikuta est menacé ?
Le 6 juin 1992 est la date de la signature du traité de libre-échange (accord de libre-échange nord-américain alena) qui modifie l’artcile 27 de la constitution en instituant que la nation peut à tout moment imposer la privatisation ou offrir des concessions en fonction de l’intérêt national pour exploiter les ressources naturelles, qu’il s’agisse de minéraux, métaux ou bois, tout en précisant que les concessions ne peuvent être accordées qu’à des compagnies nationales.
En 2008, le président Felipe Calderon rend visite au peuple huichol et signe un accord, nommé accord de Hauxa Manaka et affirme :
…. » par ce document les gouverneurs traditionnels ici présents, les autorités civiles représentées par les gouverneurs de plusieurs états, ainsi que le gouvernement fédéral, s’engagent à protéger et à renforcer la continuité historique des lieux sacrés et des routes du pèlerinage du peuple wixarika (rapporté le 18 décembre 2011 au cours du programme de Carmen Aristegui sur CNN en espagnol).
La communauté est donc rassurée par « l’engagement » des lieux et centres sacrés considérés par ailleurs par l’unesco comme faisant partie du réseau mondial des lieux sacrés naturels (Officiellement “Site naturel sacré reconnu” par l’UNESCO depuis 1988, “Réserve minière nationale” et “Aire naturelle protégée de l’état de San Luis Potosi” depuis 1994, il est aussi régi par une loi de l’OIT sur les droits des peuples indigènes)
Pourtant en 2010, la commune de Real de Catorce qui est située à 3 km et demi de Wirikuta reçoit la visite d’une groupe d’ingénieurs travaillant pour la first majestic silver corp., compagnie minière canadienne appuyée par la minera Real Bonanza. Ils apprennent que le gouvernement fédéral a attribué 22 concessions à cette compagnie : 70 % (6326 hectares) de la zone de Wirikuta devenant un territoire exploitable pour l’entreprise et les débuts de l’exploitation commençant en 2013.
Le territoire de la franchise englobe une grande partie du Cerro Quemado qui est le lieu le plus important de la géographie symbolique des huichols et la destination de leur voyage.
Le programme de la first majestic silver est d’extraire une tonne de minerai par jour pour en sortir 10 à 12 kilos d’argent en utilisant le procédé de flottaison. Ce procédé demande l’utilisation d’une grande quantité de cyanure et de xanthate pour séparer l’argent des autres minerais et la mine exige également 3 millions de litres d’eau par jour.
En mai 2011 de nombreux huichols prennent part à la marche organisée par le mouvement de la paix dans la justice et la dignité du poète Javier Sicilia. Leur parole remonte aux portes de l’ONU aux EU et devant le siège de la compagnie minière au Canada à Vancouver.
Le conseil régional wixarika pour la défense de Wirikuta décide d’organiser un pèlerinage traditionnel où pour la première fois vont confluer à Wirikuta les habitants de tous les centres cérémoniels des différentes communautés composant le peuple wixarika.
En février 2012, Les tribunaux fédéraux ont accordé de manière définitive la suspension réclamée par le peuple wixárika (huichol), afin que ne soit délivré aucun permis d’exploitation pour le projet minier La Luz, dans la commune de Catorce de l’État de San luis Potosí, tant que l’affaire ne sera pas tranchée sur le fond.
Devant l’omission du gouvernement mexicain quant à garantir ses droits humains, et avec l’objectif inamovible de la protection intégrale du territoire sacré de Wirikuta, devant les menaces agro-industrielles et minero-métallurgiques, le peuple wixárika a présenté un recours au pouvoir judiciaire de la Fédération, en exigeant le respect des droits que l’État mexicain s’est engagé à protéger aux niveaux national et international
Le pouvoir judiciaire accorde au peuple wixarika une suspension de l'exploitation miniere
Une bonne nouvelle pour le peuple Huichol....enfin !! Caroleone Le pouvoir judiciaire accorde au peuple wixárika la suspension de l'exploitation minière du projet La Luz dans la commune de Catorc...
http://cocomagnanville.over-blog.com/article-le-pouvoir-judiciaire-accorde-au-peuple-101428890.html
Le pèlerinage à Wirikuta fait l’objet d’une demande d’inscription en urgence pour 2013 sur la liste de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
Même si cette inscription n’est en aucun cas une mesure de protection quand à la voracité des appétits financiers des multinationales, il consiste néanmoins en le caractère sacré et universel de l’évènement et du lieu en l’occurrence.
Une zone « protégée » qui ne protège en rien contre les appétits des multinationales… Derrière cette bizarrerie institutionnelle, il y a une stratégie que les militants écologistes du monde entier connaissent bien : la propension, chez ces firmes, à tirer parti des législations accommodantes des pays moins développés. A cet égard, le Mexique est un cas d’école : la constitution du pays interdit en principe aux entreprises étrangères d’exploiter les ressources naturelles nationales. Mais rien n’empêche à des entreprises mexicaines de se faire financer par des capitaux étrangers. A Real de Catorce, l’entreprise nord-américaine a ainsi trouvé son prête-nom : Real de Bonanza. « C’est cette firme mexicaine à 100 % qui exploitera la mine, et non la First Majestic », affirme, sans rire, le responsable de la partie mexicaine du projet, Ricardo Flores. Qu’importe si sur sa page Internet, l’entreprise canadienne consacre un large espace à la future rentabilité de son projet, à Real de Catorce…
/http%3A%2F%2Fwa1.www.unesco.org%2Fculture%2Fich%2Fimg%2Fphoto%2Fthumb%2F08444-LRG.jpg)
UNESCO Secteur de la culture - Patrimoine immatériel - Convention 2003 :
EN: In Wirikuta, Jicareros of Cohamiata are back from leaving the offerings at Cerro Quemado, salutating the Gods, they turned off the fire and picked up their parafernalia, the journey to gather ...
Les efforts passés pour préserver l’élément (unesco)
L’inscription de la route sacrée de Wirikuta s’appuie sur un cadre général précieux qui découle des lois de l’État de San Luis Potosí, ainsi que de celles de diverses administrations gouvernementales ou civiles ainsi que d’organisations indigènes.
C’est dans ce contexte que l’attention est attirée sur les points suivants :
Septembre 1994 : Les autorités de San Luis Potosí instaurent un décret administratif qui fait de Wirikuta un Site du patrimoine historique, un Site du patrimoine culturel et l’Aire de conservation ethnique des Wixárika.
Janvier 2000 : L’État de San Luis Potosí met en place le Système national des aires naturelles protégées par l’État, dans lequel sont considérées comme étant du plus haut intérêt pour la population « la préservation et la protection des sites sacrés des peuples autochtones qui sont établis dans l’État […] et de ceux qui le traversent, comme les Huichols ou Wixárika ».
Juin 2001 : L’État de San Luis Potosí classe le territoire de Wirikuta « Aire naturelle protégée », à travers la modalité de Site naturel sacré. Entre autres principes, le décret indique que « la priorité, dans le cadre des mesures de conservation et de protection de l’aire, est de respecter le mode de vie, les traditions et les coutumes des Huichols ».
Avril 2008 : Les autorités des États de Durango, Jalisco, Nayarit, San Luis Potosí et Zacatecas signent le « Pacte de Hauxa Manaka pour la préservation et le développement de la culture wixárika », afin d’assurer la continuité historique des sites sacrés et des chemins de pèlerinage des Wixárika.
Juin 2008 : L’Université de San Luis Potosí prépare le plan de gestion des aires protégées pour le Site naturel sacré de Wirikuta et la route historique et culturelle de pèlerinage des Huichols, approuvé par les autorités de l’État.
Novembre 2010 : Le système de surveillance des Sites sacrés des Wixárika est mis en place, avec l’appui du Conseil de gestion de la Réserve naturelle protégée, avec la participation de gardes autochtones sur les principaux sites de pèlerinage.
La Commission nationale pour le développement des peuples autochtones (CDI), par l’intermédiaire de sa délégation de San Luis Potosí, entreprend la mise en œuvre du programme de gestion et de surveillance de Wirikuta, avec la participation de gardes autochtones sur les principaux sites sacrés.
Juillet 2011 : Les autorités huichol de Tuxpan et de San Sebastián, qui dépendent des municipalités de Bolaños et Mezquitic, adressent une requête d’amparo à la Quatrième juridiction de San Luis Potosí, pour obtenir « que Wirikuta soit reconnu comme faisant partie intégrante de notre patrimoine culturel » et « pour ordonner l’annulation des concessions octroyées sur le territoire sacré de Wirikuta ».
Septembre 2011 : L’Union Wixárika demande l’intervention des institutions fédérales et des États pour entreprendre la localisation géographique de leurs sites sacrés, afin de produire des cartes indiquant de façon précise les coordonnées et les polygones du territoire sacrée de Wirikuta.
Octobre 2011 : Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, James Anaya, adresse au gouvernement mexicain un rapport dans lequel il souligne la nécessité d’évaluer les implications sociales, culturelles et écologiques des activités minières dans une zone située à Real de Catorce, dans l’État de San Luis Potosí.
Octobre 2011 : Les autorités indigènes traditionnelles adressent une lettre au Président du Mexique pour « que soient annulées les concessions minières que l’État mexicain a octroyées dans l’Aire naturelle protégée de Wirikuta ».
/image%2F0566266%2F201309%2Fob_cf619c_logo-redibujado-tamatsima-ch.jpg)
Le site du front de défense de Wirikuta (en espagnol)
/image%2F0566266%2F201309%2Fob_574ff2_6a00d8341ce44553ef016303655539970d-800wi.jpg)
Sources : au fil des mondes,
Message depuis la sierra Wixarika d’Irène Bonilla Elvira (janvier 2012),
Liste de sauvegarde urgente pour l’inscription sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’unesco,
/idata%2F1434124%2F2013%2F2013-8%2F309684.jpg)
Ces indiens qui descendent directement des Aztèques vivaient à l'origine sur le haut plateau désertique de San Luis Potosi qu'ils ont été obligés de quitter vers l'an 1200 pour trouver refuge...
http://cocomagnanville.over-blog.com/article-mexique-les-huichols-117355974.html
Article complémentaire
/idata%2F1434124%2F2013%2F2013-8%2Fhuichol0.jpg)
Rêve de peyotl. Au peuple huichol
Dans la montagne brûlée, desséchée, je t'ai rencontré, ta géographie de pierre végétale, tes collines vallonnées, ta petite façade ronde et dodelinante, dans mon âme je les ai emportées...
http://cocomagnanville.over-blog.com/r%C3%AAve-de-peyotl.-au-peuple-huichol
Un poème dédié au peuple huichol