La terre accouche dans le sang
Publié le 29 Août 2013
Poésie à deux mains.......
Lui, immobile regarda
du haut des rochers,
ses yeux comme deux aigles se posèrent sur la plaine.
Le sang coulé des générations
avait enfanté des crevasses de poussière.
Quelques herbacées aux longs filaments
donnaient un lait amer
bien plus sûr que la vie d’un désert obscurci.
Le sel cumulé du retrait de la mer
brillait tel un cristal.
S’en était aveuglant,
les yeux de l’aigle en clignaient éblouis.
Là-bas,
la plus tendre, la plus rude,
la plus avare, la plus généreuse,
la plus aimante,
la plus grande et la plus belle des femmes :
LA TERRE
allait accoucher d’un moment à l’autre.
Sous la blanche toison des brebis égarées
la chaleur de la vie germait, filon de papier,
les mamelles aguerries
de leur pis généreux ouvraient
les appétits
des petits malheureux,
Le suc de dame grenade
glissant des lèvres impatientes,
faisait frissonner les papilles assoiffées.
Ce suc à jamais serait nourriture de l’esprit
nourriture de l’âme, sucre de la vie.
Dans les serres des rapaces,
un serpent évanoui
brillait de mille écailles
aux yeux écarquillés :
attendant de nourrir les aiglons, becs ouverts,
là-haut
dans la montagne.
Alors que cette terre,
avec ses raisins, ses figues, ses grenades,
ses brebis à la toison plus blonde que le miel,
avec ses chevaux à la taille fine,
à la crinière de lion,
ceux qui regardaient du haut des rochers,
ils l’avaient ouverte à tous,
comme une table fraternelle,
sans murs et sans limites.
Mais la table de la TERRE était immaculée,
La terreur semblait
sans cesse la vouloir tacher.
Les couverts trop alignés
d’une destinée trop juste
appelaient les maudits à renverser
sur l’assiette du futur
le gobelet contenant le sang des sacrifiés.
Mais la table de la TERRE trop parfaite
pour des hommes aux minables intentions
se souilla encore et encore
de charognes et de miasmes,
seuls héritages humains qui n’avaient de mérite
aux yeux des puissants.
Belle grenade aux grains généreux,
ta peau pendue aux branches d’un saule,
fleur de jasmin au parfum capiteux,
couronne mortuaire sur le crâne des pendus,
blanche toison de laine, flocon duveteux,
linceul pour les braves qui périrent
en attendant que la TERRE leur offre
à nouveau des yeux bordés d’un rimmel
aux couleurs d’espérance.
Ils furent vaincus.
Les vainqueurs essuyèrent le sang de leurs épées
sur les robes blanches, sans couture,
des vaincus.
Carole Radureau et Nazim Hikmet (Extraits de l’épopée du cheikh Bédreddine de Simavna, en itallique).
28/08/2013
Avec une pensée fort inquiète pour les évènements guerriers qui se précipitent en Syrie.
L’histoire, éternel recommencement, dans le sang aime signer ses paraphes.
Puissions-nous, gens de progrès inverser les tendances macabres en unissant nos forces vives, nos mots très vifs hissés sur le drapeau de la paix dans le monde.