Le Cacique Raoni, aposant sa signature au Manifeste du Peuple Kayapó © Andre Vilela d'Elia
MANIFESTE DU PEUPLE KAYAPÓ - village de Kokraimoro, 5 juin 2013.
Nous, 400 caciques et chefs Mebengôkre/Kayapós de tous les villages des Terres Indigènes Kayapó, Menkragnoti, Badjonkôre, Baú, Capoto/Jarina, Xicrin do Catete, Panará et Las Casas, situés dans les États du Pará et du Mato Grosso, et les caciques des peuples Tapayuna et Juruna de l'état du Mato Grosso, avons été réunis du 3 au 5 juin 2013 dans le village Kokraimoro-PA, sur la rive droite du fleuve Xingu.
Nous déclarons au gouvernement brésilien et à la société notre rejet des projets du gouvernement fédéral et du Congres visant à réduire nos droits traditionnels, nos droits sur nos terres et leurs ressources naturelles.
Le PEC 215 [*Projet d’Amendement Constitutionnel 215] qui transfère du pouvoir exécutif au Congrès National l’approbation de la démarcation et la ratification des Terres Indigènes déjà homologuées est une insulte à nos droits. On nous dit que ce processus de démarcation sera participatif et démocratique, mais nous savons que cette proposition est une manœuvre du groupe ruralista [*Groupe des propriétaires fonciers] pour éviter de nouvelles démarcations et pour réduire celles qui sont déjà démarquées et homologuées.
L’Ordonnance 303 émise par l’AGU [*Avocat-Général de l’Union] viole nos droits sur les territoires traditionnels que nous occupons et leurs ressources naturelles. Elle enfreint aussi notre droit à une consultation libre, préalable, informée et participative à chaque fois que le gouvernement envisage de mettre en œuvre des projets susceptibles d’avoir des conséquences directes ou indirectes sur notre peuple, notre culture et notre territoire. Nous rappelons qu’il s’agit là d’un droit garanti aussi par la Convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail, ratifiée par le gouvernement brésilien.
Le projet de loi 1610/96 actuellement en débat au Congrès permet l’entrée d’entreprises d’exploitation minière dans nos terres sans respecter nos opinions ni nos décisions. Nous n'accepterons pas d'exploitation minière sur notre territoire.
Le gouvernement et le Congrès doivent se conformer aux articles 231 et 232 de la Constitution qui garantissent nos droits. Nous exigeons l'annulation de l’ensemble des ordonnances, décrets, projets de loi et projets d’amendements constitutionnels qui menacent ou qui portent préjudice aux peuples autochtones. Nous voulons que la Constitution Fédérale – que nous avons aidé à établir - reste telle qu'elle fut rédigée en 1988. Il y est écrit que ce sont les Indigènes, et non les Blancs, qui ont l’usufruit exclusif des richesses naturelles du sol, de la rivière et de la forêt dans les Terres Indigènes.
Nous n'acceptons pas les locations de nos terres afin que les Blancs les remplissent de bétail et de soja, comme l’envisage le PEC 237/13 qui vise à autoriser des fermages de pâturage en Terre Indigène aux exploitants agricoles et entreprises agroalimentaires.
Nous n'acceptons pas que les Forces Armées envahissent notre territoire sans notre autorisation, comme il est prévu par le décret n 7.957/2013. L’assassinat par l’Etat brésilien de l’un de nos pairs de l’ethnie Munduruku est une honte inacceptable qui ne doit plus jamais se répéter.
Nous voulons une FUNAI plus forte qui travaille aux côtés des peuples autochtones et non pour les intérêts du gouvernement, des groupes politiques, des grandes entreprises et des propriétaires fonciers.
Dès le début, nous, Mebengokre, caciques, chefs, guerriers, l’ensemble de nos communautés, n'acceptons pas la construction de Belo Monte, ou tout autre barrage sur le Xingu car cela affaiblit notre peuple. Soyez en assurés que nous n'allons pas cesser de combattre.
Le Brésil a une dette historique envers nous, peuples autochtones, qui ne sera jamais soldée. Cependant, nous ne sommes pas ici pour la recouvrer, mais seulement pour voir respectés nos droits inscrits dans la Constitution Fédérale de 1988. Nous sommes les premiers propriétaires de cette terre appelée Brésil, donc nous allons continuer à défendre notre terre, notre peuple et nos droits.
Le gouvernement doit se préoccuper de la pauvreté au Brésil, de faire des lois pour améliorer la santé, pour mettre fin à la violence, à la corruption, au trafic de drogue, à tous les maux qui rongent la société brésilienne, et de laisser les Indiens vivre en paix sur leurs terres!
Nous ne reconnaissons pas comme nos représentants légitimes la Présidente de la République Dilma Roussef, ou les députés et sénateurs du Congrès, ou ceux qui siègent dans les commissions et sous-commissions stratégiques, qui décident de nos droits comme la sous-commission de délimitation des terres indigènes. La démarcation des Terres Indigènes doit rester du ressort du pouvoir exécutif.
Nous ne sommes pas inquiets seulement pour nous et nos terres, mais aussi pour nos pairs qui sont encore isolés [*Il s’agit ici de Tribus d’Indiens isolés, c’est-à-dire sans contact avec la « civilisation ».]. Nous n'accepterons pas qu'ils soient contactés.
Puisque nous n'avons pas de représentants au Congrès, nous allons mobiliser les Kayapós et d'autres partenaires pour affirmer à la société notre message: nous n'accepterons pas la réduction de nos droits et de nos terres. Nous allons nous battre à notre manière, en association avec l’ensemble du mouvement indigène et la société civile, en bloquant des routes, en occupant des chantiers, en nous adressant au Ministère Public et à la Cour Suprême.
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Date de l'article : 13/06/2013
Auteur de l'article : Gert-Peter BRUCH