Ethiopie : La vallée de l’Omo et le projet Gibe III
Publié le 29 Avril 2013
La rivière Omo
En Ethiopie, la rivière Omo d’une longueur de 760 km prend sa source au sud-ouest d’Addis-Abeba et après s’être frayé un chemin tortueux sur le plateau éthiopien se jette dans le lac Turkana par l’intermédiaire d’un delta.
Les crues de l’Omo sont essentielles à la fertilisation des cultures, leur rôle important pour 8 ethnies de la vallée inférieure est remise en question par la construction d’un barrage hydroélectrique nommé Gibe III.
La crue annuelle de l’Omo alimente la riche biodiversité de la région et garantit la sécurité alimentaire aux peuples lorsque les précipitations sont rares.
La vallée de l’Omo
Dans la vallée de l’Omo ont été découverts des gisements paléontologiques du pliocène et pléistocènes en Afrique ainsi que des ossements attribués à paranthopus aethiopicus.
La basse vallée de l’Omo près du lac Turkana est un site préhistorique de renommée mondiale qui a dévoilé des fossiles d’hominidés.
Le site est inscrit depuis 1980 au patrimoine mondial de l’UNESCO, voir ici le détail
La basse vallée de l’Omo ne ressemble à aucun autre lieu au monde du fait de la diversité extrême des hommes qui l’ont habitée au cours de nombreux millénaires. Pendant des milliers d’années elle est probablement demeurée au croisement d’une multiplicité de cultures, un lieu de passage pour les hommes des ethnies les plus diverses qui émigraient dans différentes directions.
Aucun dispositif juridique spécial n’est prévu pour protéger la basse vallée de l’Omo en dehors de la loi n° 209/2000 portant création de l’autorité chargée de l’étude et de la conservation du patrimoine culturel en tant qu’institution chargée de ce bien.
Gilgel Gibe III, le plus haut barrage d’Afrique
Gibe III construit sur la rivière Omo sera le second plus grand barrage en Afrique.
D’une hauteur de 243 mètres, le coût estimé est de 1.5 milliards de dollars et produira 1870 mégawatts devant couvrir les besoins domestiques et être vendus aux états voisins.
Un demi-million de riverains autochtones d’Ethiopie et du Kenya seront affectés par la construction de ce barrage.
Le maître d’œuvre : SALINI COSTRUTTORI
Ce constructeur italien a reçu le contrat apparemment sans appels d’offres alors que le tunnel de Gibe II qu’il a construit s’est effondré en 10 jours.
La date d’achèvement des travaux débutés en 2006 sont prévus en 201 mais elle sera reportée très certainement. Les groupes de pressions ont réussi à convaincre la banque européenne d’investisseurs et JP Morgan de se retirer du pool de financement et la banque africaine de développement a reporté la prêt de 250 millions de dollars prévus à une date indéterminée.
C’est la plus grande banque chinoise, la banque chinoise de commerce et d’industrie (ICBC) qui a accepté de financer une partie de la construction de ce barrage.
Le constructeur fournit un démenti contre les accusations de l’association survival
GibeIII : les données de survival sont évidemment fausses ICI
Vous pourrez en prendre connaissance en tout état de cause.
Pour ma part, sans être une technicienne, je me demande bien si Salini dans sa conclusion à pensé que les indigènes qui vivent dans des cases ont à faire de l’électricité !!
Les méthodes utilisées pour faire « partir » les peuples
Les déplacements forcés, les famines provoquées
Il existe plusieurs moyens d’intimidation pour forcer les peuples à partir de leurs terres.
Certains communautés ont été déplacées contre leurs volonté dans des campas. Les bulldozers rasent les jardins et passent sur les cultures et les terres sont récupérées par les agents du gouvernement qui bien souvent les offrent aux investisseurs étrangers. Le gouvernement d’Addis Abeba a récemment mis en location pour cinquante ans des millions d’hectares de terres agricoles vierges, dont 180.000 hectares situés le long de la rivière Omo. En faisant payer 150 livres sterling (172 euros) par semaine 2.500 km2 de terrain, le gouvernement espère ne plus dépendre de l’aide humanitaire pour faire vivre la population. Il en est à ce jour totalement tributaire.
Par exemple à l’ouest du parc national de l’Omo, des compagnies Malaisiennes plantent des palmiers à huile sur les meilleures terres qui appartenaient aux suri.
Ce sont les éleveurs suri, bodi et muris ainsi que les chasseurs-cueilleurs kwegu qui sont les plus affectés par le processus de spoliation des terres.
Des soldats accompagnant les autorités pendant deux semaines ont essayé d’empêcher les suri de faire leurs plantations. El les affamant ils pensaient les contraindre à partir dans les camps de relocalisation.
Un rapport d’human rights watch intitutlé Que se passera t-il en cas de famine ? décrit comment les forces de sécurité forcent les communautés à abandonner leurs territoires par la violence et l’intimidation sans compensation ni moyen de subsistances alternatifs.
Certains peuples dépendent d’une agriculture de décrue en utilisant le limon déposé sur les berges du fleuve lorsque l’eau se retire. Leurs cultures sont celles du sorgho, du maïs, des haricots plantés dans les plaines inondées.
Guerres interethniques
Comme le gouvernement s’est accaparé des terres indigènes, la compétition pour les rares ressources est de mise et s’est intensifié. L’introduction d’armes à feu a rendu les conflits plus meurtriers.
La dépossession des terres progresse
Avant d’êtres dépossédés d’une partie de leurs terres par le gouvernement, les peuples se sont vus dépossédés lors de la création des deux parcs nationaux dans les années 1960/1970. Les touristes peuvent chasser lors de safaris sur les anciennes terres des indigènes alors que ces derniers ne peuvent plus le faire pour leur survie !!
Le droit « à la pleine consultation « accordé par la constitution éthiopienne n’est jamais mené «entièrement ou de manière appropriée.
Les peuples de la vallée de l’Omo prennent les décisions qui les concernent lors d’assemblées communautaires qui réunit tous les adultes. Mais comme les peuples ne parlent pas ou peu la langue nationale, l’amharic et que le taux d’alphabétisme est le plus bas du pays, ils n’ont que peu accès aux informations sur les projets de développement qui les concernent.
Si la crue naturelle de l’Omo et ses dépots de limon disparaissait, l’économie de subsistance des peuples s’effondrerait exposant environ 100.000 membres des communautés à une grave pénurie alimentaire.
Je vais entamer un petit travail d’information sur les peuples de la vallée de l’Omo devant leur urgence.
Vous aurez donc l’occasion de trouver très bientôt ces peuples qui viendront rejoindre leurs collègues indigènes sur cocomagnanville. Je leur souhaite la bienvenue :
- Les suri (ou surma)
- Les chasseurs-cueilleurs kwegu
- Les bodi (ou me’en)
- Les daasanach
- Les karo (ou kara)
- Les mursi
- Les nyangatom
- Les hamer
Revue de presse au sujet des oppositions au barrage (survival)
Trois nouveaux rapports annoncent un désastre dans la vallée inférieure de l’Omo
Trois rapports indépendants établissent que le barrage controversé de Gibe III, ainsi que l’accaparement des terres pour les plantations, risquent de provoquer une ‘catastrophe’ imminente dans la vallée inférieure de l’Omo en Ethopie.
Un demi-million de riverains autochtones d’Ethiopie et du Kenya vont être affectés par ces projets dont Survival demande la suspension immédiate.
- Lake Turkana and the Lower Omo – Hydrological Impacts of Major Dam and Irrigation Projects (le lac Turkana et l’Omo inférieur – impacts hydrologiques du barrage et des projets d’irrigation) publié par le Centre d’études africaines de l’université d’Oxford prévoit que le projet Kuraz Sugar du gouvernement éthiopien provoquera une baisse de 22 mètres du niveau des eaux du lac Turkana, le plus grand lac du monde en milieu désertique. La majeure partie de la faune aquatique, vitale pour les Turkana et autres tribus riveraines, sera détruite.
Humanitarian Catastrophe and Regional Armed Conflict Brewing in the Transborder Region of Ethiopia, Kenya and South Sudan (catastrophe humanitaire et conflit armé régional imminents dans la région transfrontalière d’Ethiopie, du Kenya et du Soudan), publié par le Groupe de travail sur les ressources africaines, conclut que 200 000 autochtones d’Ethiopie et 300 000 du Kenya souffriront des impacts irréversibles du barrage et des plantations.
Il indique que le barrage interrompra la crue naturelle de la rivière Omo, que son écoulement sera réduit de 60 à 70% et que les moyens de subsistance des tribus riveraines et des plaines seront anéantis. Il prédit un ‘conflit interethnique majeur’.
The Downstream Impacts of Ethiopia’s Gibe III Dam – East Africa’s Aral Sea in the Making? (Les impacts en aval du barrage Gibe III en Ethiopie – une mer d’Aral en Afrique orientale?), publié par International Rivers annonce que les changements de régime hydrologique dus au barrage et l’irrigation associée pour les plantations qui utiliseront des fertilisants, conduiront à tuer toute vie dans certaines zones de l’Omo. Le rapport établit que ‘la destruction des moyens de subsistance dans l’Omo inférieur et la coercition nécessaire pour s’approprier les terres et les remplacer par des plantations agricoles affectera gravement la vie de 200 à 300 000 riverains autochtones’. Il appelle à la cessation des financements du barrage.
Caroleone
Sources : survival, unesco