Brésil : Le peuple Waimiri-Atroari

Publié le 14 Juin 2013

Brésil : Le peuple Waimiri-Atroari
Les waimiri-atroari

Groupe indigène qui vit dans le sud de l’état du Roraima et le nord de l’état d’Amazonas au Brésil.

Le nom qu’ils se donnent : kinja

Ils dénomment les non autochtones : kaminja

Autres noms: kinja, kina, uaimiry, crichana

Population : 2009 (2018)

Langue : karib, le kinjaiara = la langue des gens

Dans les temps anciens, les waimiri racontent qu’il y avait deux groupes connus sous le nom de « iky » et « wahmiri ». Les iky occupaient les sources et avaient la peau claire tandis que wahmiri vivaient à l’embouchure de la rivière et avaient la peau foncée. Ces groupes étaient à l’aise aussi bien sur la rivière que sur la terre car ils étaient proches de Xiriminga, une divinité mythologique qui vit sous l’eau.

Terre indigène

  • T.I Waimiri-atroari - 2.585.910 hectares,  états d'Amazomas et de Roraima. 2009 personnes, réserve homologuée. Villes : Novo Airão, Presidente Figueiredo, Rorainópolis, São João da Baliza, Urucará. 2 peuples y vivent : Waimiri Atroari (langue karib) et isolés de la cabeceira Dorio Camanaú.

Les villages

La maison communautaire ou grande maison porte le nom de « mydy taha », c’est la structure résidentielle communale construite dans un format circulaire et la plupart des membres du village y vivent. Le terme désigne aussi l’espace du village, les quartiers d’habitation et les abords immédiats avec les jardins compris. C’est un espace important pour les waimiri car il est lieu de vie mais aussi espace rituel pour les festivités. Les villages sont toujours situés près des grandes rivières ou des ruisseaux saisonniers. Ils disposent d’une autonomie économique et politique, il n’existe pas de pouvoir centralisé. A l’intérieur de la maison, chaque famille à son espace dédié.

Activités économiques

Ce sont des chasseurs, cueilleurs, agriculteurs

Chasse / cueillette/pêche

Les hommes chassent le gibier, entre autre proies : tapirs, singes hurleurs, pakas, cochons sauvages, hoccos, oiseaux trompettes

La cueillette est effectuée par toute la famille

La pêche est l’affaire des hommes comme des femmes.

Agriculture

Elle se pratique comme chez les autres peuples d’Amazonie sur un espace de forêt abattu et brûlé pour assurer la fertilisation. Les hommes pratiquent l’abattage des arbres, ils les brûlent et ensuite ce sont les femmes qui s’occupent des cultures et des récoltes. Par contre les plantations sont effectuées en commun : manioc doux et amer, patates douces, ignames, quelques fruits.

Rites et coutumes

Lors d’évènements importants de la vie, naissance, rites de passage, premières menstruations, purification avant les guerres, des aliments sont interdits.

Le mariage se fait de préférence entre cousins croisés. L’éducation des enfants est assurée par la mère jusqu’à l’âge de 4 ans. A cet âge, les garçons passent un rituel d’initiation marqué par une fête spécifique pour commémorer son nouveau statut. Le principal rite de passage pour les jeunes filles se situe lors de leur premier cycle mensuel.

Artisanat

Les wamiri-atroari sont des tisserands experts. Toutes sortes de vannerie sont réalisées par les hommes qui les enseignent également aux jeunes générations. Les éléments que les femmes utilisent pour leur travail, « wyiepe » (panier de charge), » masepi » (tube de pâte de manioc pour l’essorage), « matyty » (panier double couche) et bien d’autres sont fabriqués par les hommes. Pour leur usage personnel, les hommes fabriquent » l’pakra »(panier couvert pour les matériaux, les flèches etc), les arcs et les flèches pour la chasse et la pêche. Les paniers sont illustrés de dessins hérités des êtres mythologiques et de leurs ancêtres. Les femmes tissent leurs hamacs d’accouchement à partir d’une fibre particulière, ainsi que des colliers et des bracelets.

Les fêtes

Ils passent plusieurs mois à préparer la fête de l’initiation masculine qui a lieu quand les garçons atteignent l’âge de 4 ans.

Le père de l’enfant doit tisser un calendrier en lamelles de bambou attachées par un lien de vigne mince. Les bandes représentent le nombre de jours restant avant que les invités n’arrivent au village pour la fête. Une marque est faite sur le calendrier indiquant le jour de la cueillette des bananes pour faire le porridge.

Les femmes préparent toute la nourriture pour la fête, ce sont les mères et les grand-mères des garçons futurs initiés qui les organisent. Les hommes fabriquent les flèches et les paniers. Les flèches seront offertes aux dirigeants de la chanson comme un moyen de paiement pour leurs services.

Les paniers seront utilisés pour servir les aliments de la fête, la viande fumée entre autre et des paniers seront placés sur ma tête de chaque garçon afin qu’ils aient beaucoup de rêves et deviennent de bons chasseurs et pêcheurs.

Les garçons initiés sont conduits hors de la maison communale et assis sur un banc conçu spécialement, accompagnées parfois par leurs sœurs adolescentes célibataires. Tous les parents entrent dans la clairière en chantant puis viennent les pères, tout le monde entoure les enfants.

La cérémonie ne peut être organisée sans le « eremy », le chef de la chanson qui s’occupe de gérer la fête avec les pères. Les deux sexes peuvent exercer cette activité, il faut être discipliné et avoir de la mémoire. Les chansons doivent relier l’univers rituel à la cosmogonie, elles se réfèrent aux animaux mythologiques, aux aliments et aux héros, toujours chantées dans une langue archaïque qui n’est plus utilisée

La fête »irikwa maryba » est le rituel des morts- vivants

Elle a lieu quand un esprit malin se rapproche du village. L’objectif de ce rituel est de calmer l’esprit vers le bas et le faire disparaître. Il est organisé également à la mort d’un parent pour que son âme ne reste pas, errant dans le monde des vivants.

Les « irikwa » sont des entités qui vivent dans la forêt et signes de mauvais présages.

La « mydy maryba » est la fête de la maison neuve

Elle se produit lorsque le groupe local recouvre le toit et les côtés de la maison communale. L’objectif est d’insuffler un bon courant à la maison de sorte que les mauvais esprits ne s’en approchent pas et que les matériaux qui la composent durent longtemps.

Credit Euzivaldo Queiroz / A CRITICA

Credit Euzivaldo Queiroz / A CRITICA

Une colonisation des terres douloureuse et cruelle

La route BR 174 est une route fédérale qui traverse en plein milieu la réserve waimiri-atroari.

Son point de départ se situe à Cáceres, dans l'État du Mato Grosso et elle s'achève sur l'Igarapé Ávila, dans l'État du Roraima, à la frontière avec le Venezuela. Contrairement aux autres routes longitudinales, et avec la BR-163, sa direction est Sud-Nord.

Petit historique de l’appropriation des terres des waimiri (via survival)
  • XVIIe siècle : premiers contacts, expansion des activités mercantiles et extractivistes des couronnes portugaises et espagnoles voulant assurer leur territoire géopolitique.
  • Fin du XIXe siècle : premiers contacts réels avec João Barbosa Rodrigues. A cette époque les waimiri étaient connus sous le nom de crichenas et Rodrigues les décrivaient comme « terribles et traitres ». ce qui justifiait évidemment sa mission de pacification dans la région.
  • 1911 :Alipio Bandeira, un représentant du SPI (service de protection des indiens) traverse la région entourant le Rio Jauaperi à la recherche de ce peuple connu alors sous le nom de uiamiry
  • 1912 : Bandeira créée une première station d’observation sur le rio Jauapari puis il entre en contact avec les indiens
  • fin des années 70 : la compagnie minière paranapanema envahit le territoire des waimiri cette compagnie recherche des gisements dans les alluvions déposés du Rio Uatumã.
  • 1971 : démarcation des terres waimiri qui sera démembrée par un décret présidentiel en novembre 1981 et son périmètre redéfini pour en exclure la région qui intéressait directement la paranapanema. Ce décret contredit toute la législation indigéniste brésilienne sur la procédure de reconnaissance légale des terres indiennes quisqu’il a fonctionné à rebours renvoyant une terre déjà légalement réservée au statut initial de région temporairement interdite dans la perspective d’une délimitation légale. Peu après la région où se situe la réserve waimiri a été déclarée « Povince minérale Mapuera « avec une production potentielle de cassitérite estimée à 60 millions de tonnes. Cette province minérale couvre le vaste triangle formé par les petites villes de Caracarai (état du Roraima) Airãna et Prainha (Amazonas)
  • 1979 : ouverture de la mine pitinga
  • 1967/1977 : construction de la route BR 174. A cette époque, la funai est complètement inféodée à la compagnie minière. Les agents de la funai emmènent les indiens aux campements de l’entreprise les incitant à créer des relations de dépendance. Les waimiri relatent que certains agents de la funai leur ont dit qu’ils allaient travailler pour la compagnie minière. Les mêmes agents de la funai incitaient les indiens à confectionner de l’artisanat pour le vendre aux employés de l’entreprise minière. D’autres les encourageaient à quémander des biens et des services à la taboaca mineraçao.
  • 1986 : trois leaders waimiri nommés par la funai signent avec un représentant de la compagnie minière eletronorte un accord pour le financement d’un programme de développement communautaire pour les indiens comprenant un projet d’élevage et la démarcation de la limite entre la réserve waimiri et la zone occupée par la compagnie. Or, les waimiri étaient des chasseurs /agriculteurs de la forêt tropicale et ils n’avaient aucun expérience de l’élevage et l’idée même d’élever des animaux pour les manger était contraire à leurs coutumes.
  • 1989 : statut légal et permanent de la réserve qui compte sur superficie de 2.585.911hectares

La paranapanema a tiré à cette époque environ 60 millions de dollars de bénéfice de l’extraction de la cassitérite des terres soustraites aux indiens pour n’y laisser que destructions sociale et dégradation écologique. En retour elle s’est occupée de financer quelques projets dérisoires et inadaptés ou corrompre les leaders pour qu’ils favorisent son entreprise constante.

Un génocide qui sera reconnu ?

À la fin du mois de juin, les membres de la Commission nationale pour la vérité brésilienne arriveront à la réserve indigène Waimiri-Atroari dans l'Etat d'Amazonas. Ils vont commencer les enquêtes dans ce qui est potentiellement l'un des plus grands génocides au Brésil au cours des 40 dernières années: le massacre des Waimiri-Atroari. Selon un rapport publié récemment par l'Etat d'Amazonas Commission Vérité, au moins 2.000 Indiens Waimiri-Atroari ont disparu pendant la dictature militaire de droite, tués par des agents de l'Etat.

La dictature militaire au Brésil a duré 21 ans (1964-1985). Comme dans d'autres pays d'Amérique latine, le Congrès était fermé, les droits civils et politiques ont été suspendus et des opposants au gouvernement ont été persécutés, arrêtés, torturés et tués. Avant la publication du rapport sur le massacre des Waimiri-Atroari, on pensait que près de 400 personnes avaient été tuées et 160 disparues au Brésil dans son ensemble pendant la dictature (bien que ces chiffres sont également en cours d'examen aujourd'hui). Si le massacre est confirmé, le nombre des victimes de la dictature militaire au Brésil va quintupler.

En 2011, malgré la levée de boucliers des conservateurs et de l'armée, le gouvernement brésilien, dirigé par la présidente Dilma Rousseff (une militante de gauche pendant la dictature militaire, qui elle-même a été torturée), a mis en place une commission chargée d'enquêter sur les graves violations des droits humains commises pendant la dictature. La commission est divisée en groupes chargés d'enquêter sur les violations dans différents secteurs de la société brésilienne.

Les Waimiri-Atroari représente une population autochtone qui occupait initialement une vaste zone qui couvre une partie des états des deux Amazonas et de Roraima. Selon le rapport publié par la Commission de la Vérité de l'État d'Amazonas, il y avait environ 3.000 Indiens dans la région en 1968. En 1983, leur nombre était tombé à 332, soit une baisse catastrophique de 89%. Plus récemment, ils ont reçu une plus grande protection et en 2011 leur population était remontée à 1515, ce qui n'est encore que la moitié de leur population d'origine de 1968.

Le rapport pointant vers la disparition de 2.000 Waimiri-Atroari populations autochtones a été soumis à la Commission nationale de la vérité dans le rapport 2012.Il dit que les Waimiri-Atroari ont été tués par les militaires en charge du «nettoyage» de la région pour la construction de la BR -174 autoroute, une route construite entre 1967-1977, qui relie Manaus à Boa Vista et qui est devenu le principal lien routier du Brésil aux Caraïbes. Selon le document, les militaires ont utilisés des machines, des fils électrifiés, des bombes, et même peut-être des armes chimiques pour tuer les Indiens qui étaient opposés à la construction de la route. Plusieurs villages indigènes sont soupçonnés d'avoir été anéantis pendant cette période et au moins une communauté entière, les Piurititi, ont disparu. "Quelle était cette chose que les civilizados ont jeté de l'avion qui a brûlé notre corps de l'intérieur?" Demanda l'un des Indiens dans une interview. Dans une autre partie du rapport, les militaires sont accusés d'avoir mis le feu aux villages en réponse à une attaque indigène.

La première preuve de la disparition de Waimiri-Atroari est apparue au début des années 1980. Les missionnaires Egydio et Doroti Schawde ont lancé un projet pour enseigner le portugais aux Indiens dans la région. Suite aux méthodes d'alphabétisation de Paulo Freire, Doroti Schwade leur a demandé de dessiner des scènes de leur vie quotidienne et qu’ils représentent le conflit entre eux et l'armée. Quelques années plus tard,la Funai, l'agence gouvernementale brésilienne en charge des affaires indigènes, a expulsé le couple de la région.

Quelques années plus tard, une compagnie minière, Paranapanema, a ouvert une mine de cassitérite et a construit une petite centrale hydroélectrique, avec une route reliant la mine à Manaus. Le rapport indique que l'entreprise à utilisé des milices formées d'anciens soldats pour réprimer la résistance indigène.

Enfin, en 1981, le gouvernement brésilien a commencé à construire le barrage hydroélectrique de Balbina, un projet gigantesque et controversé destiné à fournir le nord du Brésil avec l'électricité. Le barrage, qui impliquait l'inondation de 2360 kilomètres carrés, une superficie une fois et demie la taille de Londres, est considérée aujourd'hui comme l'un des barrages les plus inefficaces du monde.

Maria Rita Kehl, un analyste et écrivain bien connu, qui dirige le groupe chargé d'enquêter sur les violations des droits humains contre les populations indigènes sous le régime militaire, a déclaré à LAB que la Commission nationale pour la vérité allait interviewer des dirigeants autochtones à la fin de Juin, lorsque les Waimiri-Atroari tiendront une célébration traditionnelle. "Il serait difficile de visiter tous les villages à cause de la distance et la géographie nous allons donc profiter du fait que chacun d'entre eux sera ensemble pour cette célébration pour recueillir davantage d'informations", a déclaré Kehl.

"Organiser une Commission de la vérité 30 ans après la fin du régime militaire est terrible, étant donné la difficulté de trouver des preuves et les organismes qui ont disparu. Mais pour ne pas avoir une Commission de la vérité serait encore pire. Nous avons passé 30 années honteuses prétendant au monde et à nous-mêmes que tout était ok ", dit-elle. (Source : latin america bureau (traduction)

En savoir +

Programme waimiri-atroari

http://www.waimiriatroari.org.br/

Des images du peuple non libres de droit sur leur site :

http://www.waimiriatroari.org.br/

caroleone

Sources générales : socioambiantal, survival

vidéo en portugais mais sur laquelle on peut voir les waimiri-atroari dans leur quotidien

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Brésil, #Peuples originaires, #Waimiri Atroari

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