Brésil : Le peuple Nambikwara

Publié le 24 Juillet 2013

Photo © Marcelo Fortaleza Flores

Les nambikwara

Peuple indigène du Brésil qui vit dans les états du Mato grosso (N-O) et du Rondonia.

Population : 2332 personnes (2014)

Langues : nambikwara (ensemble de plus de 40 langues)

Photo: Misia Lins Reesink

Le nom nambikwara

Il est de langue tupi et peut vouloir dire « oreille percée ». Il leur a été donné à la suite de la commission Rondon à l’intérieur du Mato grosso. Ils étaient appelés jusque là « cabixi », ce nom en effet était celui d’un des groupes dont sont composés les nambikwara.

Leur culture matérielle est très simple comparée à celles des autres peuples avoisinants et leur cosmologie très complexe.

Les différents sous-groupes

Le nom nambikwara est un nom générique pour classer les peuples habitant la Chapada dos parecis mais il y a de nombreux noms utilisés pour désigner les sous-groupes :

  • Nambikwara du nord : da’wandê, âlapmintê, yâlãkuntê (latundê), yalakalorê, mamaindê, negarotê
  • Nambiwara du sud : halotésu, kithaulhu, sawentésu, wakalitésu, alakatesu
  • Nambikwara de la vallée du Guaporé : wasusu, sarare, alãntesu, waikisu, hahãitesu

Les Nambikwara ont été observés par Claude Lévi-Strauss lors de son expédition de 1938. Il en fit le sujet de sa thèse complémentaire de doctorat en 1948 (La vie familiale et sociale des indiens Nambikwara). Lévi-Strauss reprendra ces observations dans Tristes Tropiques publié en 1955 et fera ainsi largement connaitre les Nambikwara.

Terres Indigènes (T.I) dans le Mato Grosso

De nos jours ils vivent dans de petits villages sur les cours supérieurs des fleuves Madeira , Juruena et Guaporé.

  • T.I Lagoa dos Brincos - 1845 hectares, 65 personnes, réserve homologuée. Nambikwara Negarotê.
  • T.I Nambiquara - 1.011.960 hectares, 476 personnes, réserve homologuée. (Nambikwara, Nambikwara Halotesu, Kithaulu, Sawentu, Wakalitesu).
  • T.I Paulalirajausu - 8400 hectares, 117 personnes, réserve identifiée mais sujet à contestation.
  • T.I Pequizal - 9886 hectares, 45 personnes, réserve homologuée. Nambikwara, Nambikwara Alantesu, Erihitaunsu.
  • T.I Pirineus de Souza - 28.212 hectares, 278 personnes, réserve homologuée. Nambikwara, Nambikwara Idalamare, Ilaklore, Mamaindê, Manduka, Sabanê, Tawandê.
  • T.I Sararê - 67.420 hectares, 188 personnes, réserve homologuée. Nambikwara, Nambikwara Kalunhwasu.Katitawlu, Qualitsu, sayulilisu, Uaihlatisu.
  • T.I Taihantesu - 5372 hectares, 77 personnes, réserve homologuée. Nambikwara, Nambikwara Wasusu.
  • T.I Tirecatinga - 130.575 hectares, 174 personnes, réserve homologuée. Nambikwara, Nambikwara Halotesu, Sawentesu.
  • T.I Umutina - 28.120 hectares, 489 personnes, réserve homologuée peuples y vivent : Iranxe Manoki (langue iranxe), Nambikwara (langue nambikwara), Paresí (langue arawak) et Umutina (langue bororo).
  • T.I Vale do Guaporé - 242.593 hectares, 482 personnes, réserve homologuée. Nambikwara, Nambikwara Wasusu, Waikisu, Alakatesu, Alantesu, Erihitaunsu, Hahantesu, Hokokosu, Waikisu, Mamaindê, Negarotê.

Terre Indigène dans le Rondônia

  • T.I Tubarão/Latundê - 116.613 hectares, 195 personnes, réserve homologuée. 3 peuples y vivent : Aikanã (langue aikanã), Kwazá (langue koazá) et Nambikwara (langue nambikwara).
image Claude Lévi-Strauss, tristes tropiques

image Claude Lévi-Strauss, tristes tropiques

Brésil : Le peuple Nambikwara

Image claude Lévi-Strauss

Histoire du contact

L’occupation intensive de l’état du Mato grosso commence avec la découverte de l’or dans la rivière Coxipo en 1719 ce qui attira les portugais dans la région.

  • 1737 : découverte d’or dans la chapada São Francisco Xavier dans l’extrême sud du territoire nambikwara.
  • 1770 : premiers enregistrements de la présence des indiens par une expédition organisée pour construire une route reliant Forte Bragança à Vila Bela et aussi pour chercher de l’or.
  • 1781 : première tentative pour approcher les indiens dits alors cabixi.
  • 1907 : la commission Rondon entre sur le territoire nambikwara dont les indiens ont déjà été en contact avec les exploitants du caoutchouc avec lesquels ils sont en guerre. La commission vient installer des lignes télégraphiques. La ligne télégraphique ouvre la voie aux missionnaires.
  • 1924 : un couple de missionnaires d’une organisation protestante des EU s’installe à proximité de la station télégraphe juruena.
  • 1925 : installation d’un poste SPI (service de protection des indiens) sur le fleuve Urutau.
  • 1929 : une épidémie de grippe qui évolue en œdème pulmonaire tue 300 indigènes en 48 heures.
  • Années 40 : début de la seconde guerre mondiale, extraction du caoutchouc qui s’intensifie dans la région amazonienne. Les indiens sont ceux qui extraient le caoutchouc.
  • De 1940 à 1970 : de nombreuses épidémies déciment les indiens, dans certains villages le recensement n’a pas été fait.
  • 1950 : la vallée du Guaporé voit l’arrivée des missionnaires d’une organisation nommée new tribes mission ; les nambikwara les tuent à leur arrivée.
  • Années 50 : le gouvernement fédéral encourage les initiatives agricoles dans la région habitée par les nambikwara dans le cadre de développement régional.
  • 1956 : début de construction de l’autoroute reliant Cuiaba (Mato Grosso) à Porto Velho (Rondonia), BR364 qui coupe le territoire nambikwara de moitié.
  • De 1959 à 1960 : les missionnaires de la missão crista brasileiro commencent à prendre contact avec les indiens, à sympathiser un peu plus et les tentatives de christianisation démarrent. Elles semblent être restées infructueuses.
  • 1968 : création de la réserve nambikwara dans la région délimitée par les rivières Juruena et Camararé. Un sixième seulement des groupes nambikwara y réside. Le sol est pauvre et aride. Le gouvernement avait prévu de regrouper tous les nambikwara dans cette réserve afin de libérer la région aux entreprises agricoles. Après la délimitation de la réserve, la funai commença à délivrer des certificats négatifs signifiant qu’il n’y avait pas d’indiens dans la vallée du Guaporé.
  • Fin des années 60 : les terres de la vallée du Guaporé dont le sol est le plus fertile sont vendues aux entreprises agricoles qui reçoivent des fonds fédéraux du soudan.
  • 1973 : tentative de réduire les conflits entre les agriculteurs et les indiens. La funai fait des tentatives infructueuses pour transférer les indiens dans la réserve.
  • Entre 1980 et 1990 : de petites zones de valeur significative (lieux sacrés etc..) pour les nambikwara sont délimitées : la Lagoa dos brincos, territoire autochtone (IT), la Mamaindê et Negarotê, le Péquizal (IT) et Taihãntesu (IT).
Brésil : Le peuple Nambikwara

Image Claude Lévi-Strauss

Les villages, les habitations

Rondon décrit les villages qu’il rencontre en 1922 comprenant une grande maison et deux petites, semi-sphériques avec un toit en paille de chaume. Le village est en cercle et d’une propreté impeccable.

Selon les groupes et les régions, l’habitat est différent :

  • Dans les groupes du nord : les maisons étaient de forme conique
  • Dans la région du Guaporé : elles sont grandes et allongées
  • Dans la région de la vallée du Juruena : elles sont petites et semi-sphériques

Les mamaindé qui vivent dans la forêt construisent leurs villages dans des zones plus élevées avec le sol sablonneux et une végétation typique du cerrado (champ, espace ouvert). C’est d’ailleurs sous ce nom qui dans leur langue se dit « halodu » qu’ils désignent leur village.

Le centre du village est le centre de la vie publique, d’ailleurs c’est ici que les morts sont enterrés.

Les villages durent environ 10 à 12 ans et sont renouvelés. Ils utilisent des camps temporaires lors des parties de chasse et de la vie nomade.

Les nambikwara ne connaissaient pas l’usage du hamac et dormaient donc par terre, serrés les uns aux autres pour contrer la fraîcheur des nuits

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La maison de la flûte

La place centrale du village fournit l’emplacement de la maison de la flûte, lieu utile pour stocker ces instruments en bambou et les cacher aux yeux des femmes. Cette coutume est abandonnée de nos jours, suite aux premiers contacts.

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L’agriculture
Les brûlis

Ils sont cultivés dans la partie inférieure de la montagne dans une zone dense de la forêt. Parfois ils se trouvent proches des villages, d’autres fois à trois heures de marche. Les familles, alors construisent des abris temporaires pour séjourner sur leur lieu de culture tout le temps de la récolte.

L’année est divisée en deux saisons :

  • La saison des pluies d’octobre à mars : ils séjournent sur une éminence surplombant le cours d’un ruisseau et y construisent des huttes avec des branchages ou des palmes. Ils défrichent des parcelles de tettes et les brûlent dans la forêt-galerie et y plantent du manioc doux et amer, du maïs, du tabac des haricots, du coton, des arachides et des calebasses.

Le manioc est râpé par les femmes sur des planches qui sont pourvues d’épines de palmiers. Le jardin fournit alors les ressources nécessaires à la vie sédentaire. Le manioc est aussi conservé en tourteaux en les enfouissant dans le sol.

  • Le début de la saison sèche : abandon du village et début de vie nomade, les groupes sont éclatés et vont errer pendant sept mois en chassant le gibier (petit gibier mais aussi larves, araignées, sauterelles, rongeurs, serpents, lézards, fruits, graines, racines, miel sauvage). Les campements sont installés pour quelques jours, quelques semaines. Ce sont des abris sommaires faits de palme et de branchages piqués en demi cercle dans le sable et liés au sommet.

Les femmes avec un bâton à fouir vont extraire les racines, elles assomment aussi de petits animaux.

Les hommes chassent avec des arcs en bois de palmier et des flèches de plusieurs types :

  • Pour les oiseaux : elles ont la pointe émoussée
  • Pour la pêche : elles sont plus longues sans empenne et terminées par 3 à 5 pointes
  • Pour le moyen gibier : les flèches sont empoisonnées au curare et protégées dans un étui en bambou
  • Pour le gros gibier (jaguar, tapir) : la pointe est lancéolée, faite dans un éclat de bambou qui provoque l’hémorragie et laisse agir plus vite le curare
Les matières premières utilisées

Ils pouvaient traditionnellement trouver autour d’eux : des bois variés, de la cire d’abeilles sauvages, de la résine, de la fibre de palmier buriti (mauritia vinifera) et tucum (astrocaryum tucuma), des os de singe, des dents et ongles de mammifères, de la fourrure, des plumes, des piquants de porc-épic, des coquilles végétales et des coquillages fluviaux, des pierres, du coton et des graines.

Les couteaux étaient faits d’un éclat coupant de bambou, ils utilisaient aussi des polissoirs de pierre pour façonner les coquilles et l’os.

Le costume

Il est dans la tradition on ne peut plus sobre :

Les femmes : un rang de perles de buriti et de coquilles noué autour de la taille, d’autres en guise de colliers, pendants d’oreilles en nacre, en plumes, bracelets fait dans la carapace du grand tatou. Parfois étroites bandelettes en coton (tissées par les hommes) autour des biceps, des chevilles.

Les hommes : un pompon de paille de burriti accroché à la ceinture au-dessus des parties sexuelles.

Les armes

En plus de l’arc et des flèches ils utilisaient aussi un épieu aplati dont l’usage est magique et guerrier : il s’agit de mettre en fuite l’ouragan ou tuer les « atasu », esprits malfaisants de la brousse.

Artisanat

Les femmes portent des hottes tressées à claire-voie avec six brins en qui fontt un réseau de larges mailles. Elles mesurent environ 1.50m et sont presque aussi hautes que la porteuse.

A l’intérieur elles transportent les victuailles, dont les tourteaux de manioc couverts de feuilles, le mobilier, l’outillage, les récipients en calebasse, les couteaux, les haches et les cognées reçues par la commission rondon, les haches de pierre.

Ils n’ont pas de pirogue et traversent les cours d’eau à la nage en s’aidant de fagots comme des bouées.

Croyances

Ils pensent que les âmes des hommes s’incarnent dans les jaguars et celles des femmes et des enfants sont emportées dans l’atmosphère où elles se dissipent à jamais. Les femmes suite à ses croyances sont bannies des cérémonies les plus sacrées qui consistent au début de la période agricole en la confection de flûtes de bambou nourris d’offrandes et de jeûnes par les hommes.

Le chaman

Il possède un grand nombre de décorations sur le corps et possède de nombreux objets donnés par les esprits des morts. Ces objets peuvent s’appeler « waninso’g na wasain~ã », les choses du chaman. Avec eux le chaman à la capacité de voir des choses invisibles à la plupart des gens.

Rituel de puberté pour la fille

Dès qu’elle a ses premières règles, la jeune fille pubère (wa’yontãdu) doit rester en période d’isolement dans une maison construite par ses parents à cette occasion. Elle y reste de 1 3 mois et à la fin de cette période une grande fête est organisée avec d’autres villages pour la sortie de la réclusion. La jeune fille (wekwaindu, jeune femme) est alors considérée comme femme « formée ».

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Brésil : Le peuple Nambikwara

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Règles sociales

La structure nambikwara est dans un état fluide. La bande se forme et se désorganise, elle s’accroit et disparait. Des intrigues politiques à l’intérieur de la même bande et des conflits entre bandes voisines imposent leur rythme à ces variations et à la grandeur et la décadence des individus.

Chez les nambikwara le pouvoir politique n’est pas héréditaire. Quand un chef devient trop vieux ou n’est plus capable d’assumer ses fonctions il désigne son successeur. Mais l’héritier désigné est aussi le plus favorisé par la majorité. Il peut aussi refuser ce rôle. Ce dernier rôle est loin d’être recherché par les indiens.

E chef remplit ses obligations en étant généreux, le principal attribut du pouvoir chez la plupart des peuples primitifs en Amérique principalement.

Le chef qui ne jouit bien souvent pas d’une situation privilégiée doit avoir sous la main des excédents de nourriture, d’outils, d’armes et d’ornements qui ont une valeur considérable.

Un bon chef fait preuve d’initiative et d’adresse. Il prépare le poison des flèches, il fabrique la balle de caoutchouc sauvage employée dans les jeux, il doit être bon chanteur, bon danseur, joyeux luron prêt à distraire la bande. Certains chefs sont également guérisseurs ou sorciers.

Système de parenté

Il s’agit de celui qui se nomme cousinage croisé : Un(e) cousin(e) croisé(e), c'est l'enfant du frère de sa mère ou de la sœur de son père ; des cousins croisés, ce sont donc les descendants de deux germains de sexe différent. Un(e) cousin(e) croisé(e) se différencie d'un(e) cousin(e) parallèle, que l'on considère comme un frère ou une sœur ; il s'agit de l'enfant de sa tante maternelle ou de son oncle paternel. Des cousins parallèles sont donc les descendants de deux germains de même sexe.

Les membres d’une génération féminine et masculine se répartissent en quatre grands groupes, deux groupes masculins et deux groupes féminins.

Pour un homme, tous les hommes de sa génération se divisent en frères et en maris de sœurs (beaux –frères). Les femmes sont distribuées en sœurs et en épouses.

Pour une femme, toutes ses compagnes sont considérées comme des sœurs ou des épouses des frères (ou belles –sœurs), les compagnons masculins sont partagés sous le nom de frères ou d’époux.

Un homme donc peut donner le nom d’épouse à un nombre élevé de femmes qui ne sont pas ses épouses véritables même s’il est polygame.

Et les frères et les sœurs sont beaucoup plus nombreux que les réels, les consanguins.

Les frères et sœurs consanguins sont classés en deux sous-groupes, les frères aînés et les frères cadets, les sœurs aînées et les sœurs cadettes.

Lectures conseillées pour ce peuple :
  • Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss
  • La vie familiale et sociale des indiens nambikwara, de Claude Lévi-Strauss, société des américanistes, lecture en ligne ICI

Sources : socioambiantal, Tristes tropiques de Claude Lévi-Strauss

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Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Brésil, #Peuples originaires, #Nambikwara

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