Pierre Unik : Perdus en terre
Publié le 25 Octobre 2012
Pierre Unik
(1909 – 1945)
Journaliste, il collabore aux publications des surréalistes ainsi qu’aux films Terre sans pain de Bunuel et La vie est à nous de Jean Renoir.
Il prend parti pour Aragon lors de la crise surréaliste de 1932 avec Bunuel, Maxime Alexandre et Georges Sadoul.
Il est lié au PCF et collabore à la rédaction en chef de Regards (1936-1939), le superbe hebdomadaire illustré du PCF , il participe également à l’Humanité et au mensuel La Commune.
Il est ami avec Eli Lotar et proche de Rafael Alberti et Federico Garcia Lorca.
Poète il est et ne laissera malheureusement que trois livres :
- Le théâtre de mes nuits blanches (1931)
- Chant d’exil (1972)
- Le héros du vide (1972)
Ainsi qu’une foule d’articles non signés.
Sous l’uniforme, il est poète prisonnier, tente plusieurs fois de s’évader.
La dernière tentative est la bonne mais lui sera fatale, après son évasion du camp de Schmiedberg (Stalag VIIIA), il s’égare et meurt de froid dans les neiges des Carpates.
Ce poème ci-dessous à été envoyé à Pierre Seghers en 1943
Sources : lekti-écriture.com, Cent poèmes de la résistance d’Alain Guérin
Perdus en terre
Hommes parmi la nuit, hommes au fond du temps,
Hommes dont le passé comme un ressort se tend
Sur lui-même et s’écrase, ô hommes de mon temps
Qui rêvez d’une lampe au soir si tendrement
Eclairant le visage et les mains de la femme
Et les yeux des enfants et tout ce qui affame
Votre cœur, dans le vent la vie à pas de loup
S’avance. Image austère et froide, tout à coup,
Elle va dans le ciel sanglant d’étoiles rouges
Sur la terre étrangère, et sur les corps qui bougent
Elle poursuit sa route et vous cherchez à voir
Ses traits. Mais sa figure est l’espace noir,
Ses pieds foulent sans bruit votre ombre qui s’enlise
Dans la boue. Et l’aube fraîche qui vous dégrise
Redeviendra ténèbre avant que le secret
Ne se déchire. En vain la musique tout près
Jouait un chant d’espoir ranimant votre rêve.
La lumière glacée qui durement s’élève
Tranche dans votre chair, étincelant couteau.
La mémoire est un sang qui se caille aussitôt.
La nuit revient, le rêve s’éteint. Insensible
Le monde dort, qui ne se lasse d’être cible.
…..Hors de la nuit, crevant la mauvaise saison ;
Hommes, le beau soleil humain de la raison.
Pierre Unik