Pablo Neruda : Les hauteurs de Macchu-Picchu- chant IX

Publié le 3 Novembre 2012

Chant IX

 

 

 

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Aigle sidéral, vignoble de brume.

Bastion égaré, cimeterre aveugle.

Ceinture constellée, pain solennel.

Gradins torrentiels, immense paupière.

Tunique en triangle, pollen de pierre.

Lampe de granite, miche de pierre.

Crotale minéral, rose de pierre.

Nef ensevelie, fontaine de pierre.

Cheval de la lune, clarté de pierre.

Equerre équinoxiale, halo de pierre.

Géométrie finale, écrit de pierre.

Névé sculpté au milieu des rafales.

Madrépore du temps au fond des eaux.

Muraille que les doigts ont adoucie.

Faîtage par les plumes combattu.

Bouquets de miroirs, bases de tempête.

Trônes que la liane a jetés à bas.

Régime de la serre ensanglantée.

Ouragan maintenu sur le versant.

Cataracte immobile de turquoise.

Bourdon patriarcal de ceux qui dorment.

Anneau, carcan des neiges dominées.

Fer allongé sur ses propres statues.

Inaccessible et nuageuse tourmente.

Pattes de puma, roche sanguinaire.

Ombreuse tour, controverse de neige.

Nuit qui s’élève en doigts et racines.

Croisée des brouillards, colombe endurcie.

Plante nocturne, statue des tonnerres.

Cordillère essentielle, toit marin.

Architecture d’aigles égarés.

Corde du ciel, abeille des sommets.

Niveau sanglant, étoile élaborée.

Bulle minérale, lune de quartz.

Serpent des Andes, tempes d’amarante.

Coupole du silence, patrie pure.

Aimée du large, arbre de cathédrales.

Gerbe de sel, cerisier : ailes noires.

Neigeuse dentition, tonnerre froid.

Lune égratignée, pierre menaçante.

Chevelure du froid, action de l’air.

Volcan de mains, obscure cataracte.

Vague d’argent, orientation du temps.

 

 

Pablo Neruda ( Le chant général)

 

 

 

 

 

 

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Rédigé par caroleone

Publié dans #Fragments de Neruda

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H
<br /> Bonjour Caro<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ce poème est un pur chef d'oeuvre. Les mots sont ciselés à la perfection, associés les uns aux autres avec précision et simplicité. Le fait qu'il n'y ait pas de verbe (peut être un seul) donne à<br /> ce poème une intemporalité digne du lieu. C'est plus que de la poèsie, c'est plus que de la peinture, plus que de la sculpture. Neruda nous suggère le souffle du vent et fige l'éternité.<br /> <br /> <br /> Merci Caro<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br /> Serge<br />
C
<br /> <br /> Bonjour Serge,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> C'est vrai que c'est un chef d'oeuvre, je ne sais pas comment on peut arriver à écrire avec une telle richesse de mots et une telle force .<br /> <br /> <br /> A mon avis, seul Pablo en est capable. Surtout en sublimant par ces mots des lieux dans lesquels les hommes ont sué sang et eau, des lieux intemporels et ce poème en révèle si bien toutes les<br /> énergies et toute la magie.<br /> <br /> <br /> Ton commentaire décrit fort bien ce que j'ai ressenti également à la lecture et tu sais qu'à restranscrire, ce n'est pas non plus évident tant c'est riche ( alors je ne parle même pas de<br /> l'apprendre par coeur).<br /> <br /> <br /> Bises et merci de ta visite et ton partage sur ces poèmes de Pablo <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caro<br /> <br /> <br /> <br />