Pablo Neruda : Les agonies (le chant général) en soutien au collectif cajamarca
Publié le 14 Juillet 2012
Les habitants de Cajamarca au Pérou sont actuellement en lutte d'opposition face à un projet d'exploitation minier, cette mobilisation prend une tournure dramatique, l'état n'arrivant pas à gérer le conflit autrement que dans le sang, il y a eu 5 morts la semaine dernière, ce qui a poussé le président Humala a demandé la médiation de l'église
Cajamarca a été célèbre dans le passé et comme Pablo a écrit sur cette page d'histoire, j'ai envie aujourd'hui de dédier ce poème aux valeureux combattants du capitalisme que sont les opposants au projet conga.
La bataille de Cajamarca est une attaque-surprise menée par Francisco Pizarro contre l'entourage de l'Inca Atahualpa. Déclenchée au soir du 16 novembre 1532, sur la grand-place de Cajamarca, l'embuscade parvint à ses fins : la caputure d'Atahualpa, coûtant la vie à plusieurs milliers de ceux qui étaient à ses côtés.
Atahualpa sera le dernier empereur inca et aux yeux de nombreux habitants des pays andins, le prince Atahualpa reste une figure historique très estimée en raison de l'aspect tragique de sa capture par les Espagnols.
Il est également souvent considéré comme le XIIIe et dernier empereur inca annoncé par la prophétie faite à l'époque de Tupac Yupanqui.
Retrouvez le projet conga sur cocomagnanville ICI
Les agonies
Cajamarca fut le début de l’agonie.
Le jeune Atahualpa*, étamine bleue,
arbre illustre, écouta
le vent apporter la rumeur d’acier.
C’était, depuis la côte,
un vague éclat, c’était un frisson, un galop
indescriptible
-piaffement et puissance-
de fer er fer encore dans les herbes.
Les adelantados*parurent.
l’Inca sortit de la musique
entouré par les dignitaires.
Les visites-sueur
et barbes- d’une autre planète
allaient faire la révérence.
Valverde*
l’aumônier, cœur félon, chacal pourri,
présente un objet bizarre, un morceau
de panier, un fruit
peut-être de cette planète
d’où viennent les chevaux.
Atahualpa le prend. Il ne connaît
pas cette chose qui ne brille ni ne tinte ;
souriant il la laisse tomber.
« A mort !
Vengeance ! Tuez, je vous absous «
Crie le chacal à la croix assassine.
Le tonnerre accourant vers les bandits.
On répand notre sang dans son berceau.
Les princes entourent comme un chœur
L’Inca, à l’heure du trépas.
Dix mille péruviens
tombent sous les épées et sous les croix,
le sang mouille les vêtements d’Atahualpa.
Pizarre, cruel pourceau d’Estrémadure,
fait lier les bras fragiles de l’Inca.
La nuit, le Pérou,
est descendue comme une braise noire.
Pablo Neruda (Les conquistadores, le chant général)
- Atahualpa : Né en 1500. Fils cadet de l’Inca Huayna Capac et d’une concubine, descendante des rois de Quito, il reçut à la mort de son père les territoires de l’empire dont Quito était la capitale. Son frère aîné, Huascar, contestant la succession, une guerre s’engagea. D’abord vaincu, puis victorieux, Atahualpa, comme Huascar, s’efforça d’obtenir l’alliance de Pizarre. Le conquistador, profitant de leur rivalité, s’installa dans l’empire et fit prisonnier Atahualpa le 16 novembre 1532. Après l’avoir contraint à payer une forte rançon, il le fit condamner à mort et étrangler à Cajamarca en 1533.
- Adelantado : le plus haut représentant des pouvoirs politiques, militaires et judiciaires en Amérique pendant la période de la conquête coloniale espagnole.
- Valverde (Fray vicente de) : religieux espagnol qui baptisa Atahualpa avant son éxécution. On avait promis à l’Inca que, s’il recevait le baptême, on ne brûlerait pas son cadavre. La religion inca attachant la plus grande importance à la conservation du corps, Atahualpa accepta.