Pablo Neruda : Ce qui naît avec moi
Publié le 17 Février 2013
Je chante l’herbe qui naît avec moi
en cet instant libre, je chante les ferments
du fromage, du vinaigre, la floraison
secrète de la première semence, je chante
le chant du lait qui tombe maintenant
de blancheur en blancheur jusqu’aux mamelles,
je chante les croissances de l’étable,
le fumier frais des grandes vaches
et son parfum d’où s’envolent des foules
d’ailes bleues, je parle
sans transition de ce qui maintenant arrive
au bourdon avec son miel, au lichen
avec ses germinations silencieuses :
comme un tambour éternel
roulent les successions, le passage
d’un être à l’autre, et moi, je nais, je nais, je nais
avec ce qui est là naissant, je suis uni
à la croissance, aux sourds abords
de tout ce qui m’entoure et qui pullule
et se propage en humidités denses,
en étamines, en tigres et en gelées.
Pablo Neruda ( Mémorial de l’Ile Noire)