Lettre ouverte aux enseignants : des profs communistes s'adressent à leurs collègues
Publié le 21 Janvier 2013
Chers collègues
L’exercice de notre métier est de plus en plus difficile au quotidien. Seuls dans nos classes et sans formation adaptée aux
réalités de la pratique, dans l’impossibilité de répondre à la multiplication d’injonctions contradictoires, enfermés par l’évaluation dans des logiques concurrentielles, empêchés de penser notre
métier, responsables de tous les maux de l’école, surchargés de tâches administratives, en rupture de confiance avec notre hiérarchie nous ressentons un profond sentiment d’impuissance
alors que notre travail réel n’est pas valorisé, voire même semble invisible, et que notre santé même se trouve atteinte sans aucune aide de l’institution.
Mais de quoi nous parle cette difficulté dans l’exercice du métier, qui comme celle de nombreux salariés, se trouve souvent
imputée à une responsabilité individuelle. Nous voilà devenus fragiles, comme le sont les employés de France-Télécom par exemple.
Mais nous ne sommes ni malades, ni démissionnaires, c’est l’exercice de notre métier qui est empêché.
L’école de la reproduction sociale, transforme les inégalités sociales en inégalités de réussite scolaire et conduit à
invalider tout acte pédagogique.
La suppression de 70600 postes (enseignants et administratifs) en 5 ans s’est faite strictement sur des considérations
économiques et non dans des objectifs pédagogiques : pour preuve la quasi-disparition des Rased dans le premier degré et de la scolarisation avant 3 ans.
Privés de formation, les débutants sont affectés sur des postes réputés difficiles : zone prioritaires, des affectations sur
3 niveaux différents, urgences à affronter en collège …
Le concours déconnecté des expériences professionnelles ne permet pas d’avoir les outils nécessaires dans l’exercice
quotidien du métier, pour préparer nos cours, pour les conduire mais aussi pour les analyser. L’absence d’articulation entre recherche et formation au métier, entre master et concours, ont
provoqué l’évacuation de la formation professionnelle
La réforme ne s’effectue pas à droit constant pour les enseignants de disciplines professionnelles (toutes les disciplines ne
disposent pas de master ; remise en cause de la validation des acquis) ce qui a provoqué un effondrement du nombre de candidats au concours de PLP (moins d’un candidat pour deux postes au
concours). Le recours aux vacations affaiblit le niveau
La prolifération des missions rend problématique la transmission des savoirs, qui est le cœur de notre métier.
L’absence de cadre dans les évaluations entraîne de fortes inégalités de traitement
En l’absence de lieu pour se retrouver et échanger, se trouve empêchée une culture partagée, la création d’équipes, par
ailleurs promues ainsi qu’un temps de réflexion collective sur l’exercice du métier
Alors que faire pour ouvrir des possibles dans l’exercice du métier ?
Renverser les logiques d’exclusion et de ségrégation
C’est affirmer le tous capables au fondement de la refondation et penser l’école pour ceux qui n’ont que l’école pour
apprendre. L’exposition aux savoirs ne suffit pas. La naturalisation des difficultés à devenir élèves par des approches étroitement psychologisantes et médicalisantes ne permet pas de renverser
la spirale de l’échec.
C’est redonner sens à l’école, centrée sur un objectif de démocratisation et réaffirmer un projet politique d’émancipation
:
Contribuer au développement intellectuel de tous les élèves en démocratisant l’accès au savoir et lutter contre les
inégalités sociales, territoriales et sexuées
C’est promouvoir des modalités de transmission qui rendent lisibles les attendus scolaires, mettent l’accent sur les
processus d’apprentissage, favorisent une conception solidaire des apprentissages
C’est contribuer à la formation de citoyens actifs et critiques, outillés culturellement pour opérer des choix individuels
concernant leur vie et participer aux choix collectifs qui engagent toute la société.
C’est refuser le principe méritocratique qui a pour vocation de naturaliser les difficultés, individualiser les réponses
pédagogiques, sanctionner par l‘échec une prétendue incapacité personnelle afin de mieux sélectionner une élite.
C’est repenser le collège unique en supprimant les dispositifs de préapprentissage.
Repenser le métier
Par la garantie d’un cadre national de formation, qui maintienne des structures spécifiques de formation des enseignants en
université, organise des pré recrutements dès la licence, promeuve une professionnalisation progressive au cours du master et année de stage avant la titularisation.
Par une formation théorique où le savoir est envisagé dans sa dimension historique et épistémologique loin du socle
commun de compétences.
Par une formation professionnelle, qui s’appuie sur la recherche universitaire et pédagogique afin de pouvoir faire l’analyse
des malentendus sociocognitifs et des obstacles aux apprentissages plutôt que de s’enliser dans des dispositifs d’individualisation qui ne règlent aucun des problèmes rencontrés
Par une formation commune 1e et 2ème degré, pour plus de cohérence
Par une prise en compte de l’expertise des enseignants pour mettre en place les réformes : un enseignant ne peut être un
exécutant c’est un concepteur.
Par la mise en place de collectifs de travail, hors des logiques hiérarchiques, ayant du temps pour penser le
métier
Dès maintenant il est possible
- de transformer les structures par un arrêt de la RGPP
- de mettre en place un pré recrutement sous statut d’« élève professeur » pour que les étudiants de tout milieu social
puissent accéder à l’enseignement
- de mettre en place un plan de recrutement pluriannuel en accordant une importance particulière à la maternelle et en
permettant la scolarisation à deux ans
- d’accompagner les stagiaires en leur évitant les postes les plus difficiles
- de rallonger les durées d’affectation en début de carrière
- de former les maîtres formateurs en clarifiant leur mission
- d’allouer des moyens prioritairement à l’éducatif en supprimant les heures supplémentaires qui coûtent 1,3 milliards
d’euros l’équivalent du budget global de l’enseignement technique agricole.
- de revaloriser les salaires à la hauteur des qualifications
- de titulariser les personnels précaires dans le respect du statut de la Fonction publique d’Etat et du statut des
enseignants
Il est possible dès maintenant de transformer les choses pour construire :
- une école qui offre à tous les jeunes la confrontation avec le réel dans sa complexité, la réflexion
critique et l’accès à une qualification reconnue et la réelle possibilité de s’approprier des outils d’émancipation
- une école qui lutte contre les inégalités et affirme des ambitions pour tous, dans tous les
établissements et sur tous les territoires
- une école qui qui favoriser les initiatives, s’appuie sur la professionnalité, la réflexion de
l’ensemble des personnels, dans des équipes éducatives qui sont aussi la richesse du système éducatif français
Dans cette perspective, le PCF, dans le cadre du Front de Gauche, lance une série de débats, de rencontres, pour élaborer
avec vous ce que doit être une réelle politique de gauche en matière éducative.
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