Le marchand de couleurs
Publié le 11 Avril 2013
Utrillo
Dans ma tête de petite fille
ce nom était magique,
il représentait l’arc en ciel
qui dans une boutique
attendait qu’on l’éveille.
C’est comme si les couleurs
dans des pots, des crayons,
des bâtons, des pastels
dormaient du sommeil de plomb
attendant le signal pour s’éclater
de passion.
Mais ce nom de rêve
endormait les propos,
car de droguerie il cachait le domaine.
C’était une boutique de senteurs,
d’odeurs mettant le nez au diapason.
La sonnette ayant tintée
sur le pas de la porte,
cette odeur s’embusquait
dans nos narines offertes ;
un mélange de chimie, de plastique,
de plantes et de vie,
une alliance entre le vrai et le toc,
le pur et l’impur, le soin et la souillure.
Quand j’y pense la nature
et sa décadence en cette boutique
avait sa devanture.
Toutes les drogues s’y trouvaient,
non pas les interdites,
droguiste de son métier,
à toute clé il trouvait sa serrure.
Chacun repartait son sac rempli
de toutes les bonnes idées
pour entretenir sa masure :
une boîte pour dents de lait,
un paquet de fusibles,
un bâtonnet d’encens
et son support en bois,
des joints pour les bocaux,
de la paraffine,
des boulons pour 100 grammes,
du raphia naturel,
du granulé pour les lapins
on ne sait si c’est bon,
de l’huile de coude
pour ceux qui en manquent,
une burette à huile
pour graisser les charnières,
des bougies chauffe-plats,
un pot de peinture violette,
une ampoule et des plombs
si jamais on les pète.
Ah ! Oui j’oubliais le bâton de réglisse
et la guimauve en prime
si jamais sur le chemin du retour
l’estomac déprime.
Et puis pour mettre le tout
un beau panier muni
de deux anses en cuir clouté
garanti à vie !
La sonnette de sortie tinte ;
on laisse derrière nous
le marchand de couleurs
et ses rayons fous,
ses articles multiples,
son bric à brac moderne,
son fouillis ordonné,
son monde de fourmi,
son odeur d’infini
et ses substances mystères
qui enjolivent, réparent,
embellissent mais aussi détruisent.
Ceci après tout est le monde des hommes
faire et défaire est son quotidien,
de matière en matière,
d’aujourd’hui à demain
la couleur naturelle
de mon bel arc en ciel,
toujours terni sera par un vernis sans teint.
Carole Radureau (10/04/2013)
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