Khalil Gibran : La jeunesse et l'espoir (extrait)
Publié le 28 Juillet 2012
Poème dédicace à Serge-Hobo
Tatiana Struchkova
Je vis les voleurs de l'Ignorance piller les trésors de la Connaissance, tandis que les sentinelles de la Lumière sombraient dans le sommeil profond de l'Inaction.
Et je vis deux amants, mais la femme était comme un luth entre les mains de l'homme qui ne savait pas en jouer et ne comprenait que les sons discordants.
Et je vis les forces de la Connaissance assiéger la cité du Privilège Hérité, mais elles étaient peu nombreuses et furent bientôt dispersées.
Et je vis la Liberté qui marchait seule, frappant aux portes et réclamant l'asile, sans que personne prête attention à ses requêtes. Puis je vis la Prodigalité s'avancer avec majesté, et la foule l'acclamer telle la Liberté.
Je vis la Religion s'ensevelir dans les livres et le Doute prendre sa place.
Je vis l'Homme porter les habits de la Patience comme une cape recouvrant la Lâcheté, et appeler la Paresse Tolérance et la Peur Courtoisie.
Je vis l'intrus assis à la table de la Connaissance, prononçant des paroles insensées, mais les invités restaient silencieux.
Je vis l'or utilisé à mauvais escient dans les mains des gaspilleurs, et servir à appâter la haine dans les mains des avares. Mais dans les mains du sage, je ne vis nulle pièce d'or.
Lorsque je vis toutes ces choses, je m'écriai de douleur : "Ô fille de Zeus, est-ce vraiment cela la Terre ? Est-ce cela l'Homme ?"
D'une voix douce et anxieuse, elle répondit : "Ce que tu vois est le chemin de l'Ame, pavé de pierres tranchantes et tapissé d'épines. Ce n'est que l'ombre de l'Homme, La Nuit.
Mais attends ! Bientôt le Matin se lèvera !
Puis elle posa une main délicate sur mes yeux et, quand elle la retira, je vis la Jeunesse, cheminer lentement à mes côtés, tandis que devant nous, marchant en tête, avançait l'Espoir.
KHALIL GIBRAN