Ile de Pâques : Les rapanui ou les derniers pascuans
Publié le 3 Février 2013
Les rapanui ou les derniers pascuans
© Istockphotos.
Ethnie polynésienne autochtone de l’île de Pâques.
Langue : le rapanui qui est une langue austronésienne qui appartient au groupe polynésien. La langue de lointaine souche maorie est considérée en voie de disparition. La nouvelle génération semble s’intéresser à son renouveau.
Le nom rapanui
Ce nom de rapanui (la grande Rapa) a été popularisé au cours des XIXe et XXe siècles par l'explorateur Thor Heyerdahl quand les pascuans sont rejoints par des habitants de Rapa, la petite, se trouvant en Polynésie française. C'est le nom donné acutellement à la population de l'île.
L’écriture
Les pascuans disposaient d’une écriture unique, le rongo rongo. Un écrit ancien dont la structure serait similaire à une vieille écriture asiatique de la dynastie des Zhou (1050 -600 avant notre ère) selon une hypothèse.
L’écriture rongo rongo comprenait 595 glyphes de base, de forme anthropomorphe, zoomorphe ou géométrique déposés de façon linéaire sur des supports de bois poli. Ils étaient sculptés recto verso avec des dents de requin ou des éclats d’obsidienne.
Tablette rongo rongo, illustration du Voyage de Pierre Loti à l'Île de Pâques édité dans la Revue de Paris en 1905
L’île
Rapanui petite île de 163 km2 située dans le sud du pacifique à l’extrême est du triangle polynésien est l’une des terres les plus isolées du monde au centre d’un cercle de 2000 km de rayon, distance qui la sépare de l’île la plus proche Pitcairn qui fut colonisée par les révoltés du Bounty. Elle est éloignée d’environ 3600 km du continent américain et 4000 km de Tahiti.
L’île de Pâques constituait un département (departemento) de la région de Valparaiso, l’une des régions administratives du Chili au 25 juillet 1974, le département à été transformé en « provincia de isla de Pascua ».
Un gouverneur d’origine insulaire représente le gouvernement chilien et un conseil municipal formé de six personnes s’occupe des affaires locales de l’île.
Le chef-lieu est Hanga Roa au sud-ouest de l’île.
Plus de 90% des terres sont des terrains militaires ou des propriétés de l’état chilien. Ces terres ont été annexées par décret au début de la colonisation et militarisées par le dictateur pinochet.
Les rapanui sont concentrés dans les villages de Hanga Roa, Mataveri et Moeroa.
Gravure du périodique : Harper's Weekly
Les rapanui sont les descendants des pascuans qui ont d’anciennes racines communes avec des peuples de certaines îles du Pacifique sud dont notamment avec les polynésiens des îles Marquises et des îles de Mangavera.
Les études ADN montrent que les pascuans sont polynésiens, leur héritage culturel traditionnel, les techniques de construction permettent de rajouter des morceaux au puzzle de l’île de Pâques.( hypothèse néanmoins controversée)
Ornement de tête pascuan en couleur de Michel Adoue
Les pascuans, leur histoire chronologique
- 500 après JC : colonisation qui appartient à un long mouvement parti d’Indonésie au moins 1000 ans avant notre ère. C’était une société hiérarchisée comme celle des polynésiens, composée de nombreuses familles formant des lignages. Les clans étaient dirigés par un chef de guerre (matatao), les prêtres et les savants occupaient un rang social égal à celui du chef de guerre, ensuite venaient les spécialistes, guerriers, pêcheurs, sculpteurs. La plus grande partie de la population était constituée d’agriculteurs qui représentaient la main d’œuvre lors des grands travaux. En bas de l’échelle sociale, on trouvait les esclaves capturés lors des guerres.
- 1687 : le pirate Edward Davis sur le Bachelor’s delight aperçoit l’île alors qu’il contourne les îles Galapagos en direction du Cap Horn
- 5 avril 1722 : découverte des européens avec le navigateur néerlandais Jakob Roggeveen qui est accueilli par des indigènes d’une condition physique assez déplorable. C’est le jour de pâques qu’il découvre l’île d’où son nom. L’ile volcanique offre peu de ressources alimentaires, le bois est quasi inexistant. Les pascuans pratiquent l’agriculture surtout la culture de la patate douce à la base de l’alimentation, ils élèvent un peu de volaille et pêchent parfois. Ils vivent dans de petites huttes construites en roseaux ressemblant à des coques de bateaux retournées sur le sol, ils ne connaissent pas la métallurgie, travaillent la pierre, cuisinent les aliments à même se sol entre des pierres brûlantes. Ils voient très peu de femmes et d’enfants. dix iwi (clans familiaux) se partageaient l’île : Aka'hanga, Anakena, Heiki'i, Mahetua, Taha'i, Tepe'u, Terevaka, Tongariki, Va'i Mata et Vinapu. Leurs territoires (vai'hu ) se rencontraient au centre de l’île, en un lieu (sacré, et réservé aux palabres) appelé Te pito o te fenua (« le nombril de la terre » souvent traduit à tort comme « le nombril du monde »)
- 15 novembre 1770 : débarquement de l’espagnol Felipe Gonzalez de Haedo qui a reçu le titre de vice-roi du Pérou et l’ordre d’annexer l’île de Roggeveen pour le compte de la couronne d’Espagne. Il la nomme l’île de San Carlos et y plante plusieurs croix.
Bateau de James Cook
- 1774 : James Cook l’explorateur débarque sur l’île et contribue à sa renommée. Il réussit à communiquer avec les indigènes grâce à un polynésien qui l’accompagne pour lequel le dialecte est semblable au sien. Ils constatent qu’il n’y a pas ou peu de femmes et d’enfants.
Insulaires et monuments de l'île de Pâques
Gravure de 1786 d'après un dessin du peintre-dessinateur Duché de Vancy qui accompagnait De La Pérouse dans son expédition autour du monde. Ce dessin a été publié dans "l'Atlas du voyage de La Pérouse autour du monde" en 1797.( JH Daude)
- 1786 : débarquement de La Pérouse qui lui, rencontre de nombreux hommes et des femmes. Les habitants vivent dans des grottes naturelles ou des cavités creusées dans la roche. Les femmes, les enfants et les hauts dignitaires semblent se cacher. Leur nombre est d’environ 2000 à 3000 personnes.
- 1805 : Débarquement du Nancy à des fins d’exploration et premiers assauts esclavagistes. Une vingtaine d’hommes et de femmes sont enlevés, destinés pour la chasse au phoque. Libérés et amenés sur le pont au bout de trois jours, ils sautent par-dessus bord tentant de regagner leur terre à la nage mais tous périrent . L’équipage retourna sur l’île pour prendre d’autres esclaves. A la suite de ces rapts, les indigènes deviennent hostiles à l’égard des étrangers.
- 1862 : l’esclavagisme scelle le destin des pascuans quand un négrier capture un millier d’habitants dont le roi et son fils, des chefs de tribus, des prêtres, des détenteurs du pouvoir ancestral. Ils sont vendus aux exploitations de guano sur la côte chilienne. Sans défenses immunitaires solides, 900 meurent des maladies virales au contact des blancs et des mauvais traitements. Une centaine de survivants sont autorisés à regagner leurs terres natales : 85 meurent pendant le voyage, les 15 survivants contamineront la population restante. L’île se transforme en charnier.
- 1864 : installation des missions catholiques
- 1868 : la première véritable mission prend forme sur l’île. Le frère Eyraud s’installe avec le père Hyppolite Roussel qui évangélise la population en élaborant un dictionnaire de la langue rapanui. A la même époque se propage une épidémie de tuberculose, 37 décès. Le premier recensement du père Roussel dénombre 930 habitants, l’année suivante le chiffre tombe à 650. Avec l’arrivée des planteurs et des missionnaires européens (initialement français) et de leurs ouvriers agricoles polynésiens (en majorité originaires de Rapa, et qui, se mêlant aux autochtones, formèrent le peuple Rapa-Nui), les habitants de l’île sont finalement devenus catholiques.
- 1870 /1871 : violentes luttes claniques entre les insulaires de la baie d’Hanga Ria et la tribu rassemblée autour de Dutrou-Bornier, un français qui veut mettre en place une exploitation agricole (élevage de moutons). Dutrou-Bornier est tué par les pascuans quelques mois plus tard, l’anarchie qu’il a fait régner sur l’île pousse les pascuans à s’exiler.
- 1870 : un navire chilien, le O’Higgins effectue une visite de reconnaissance
- 1875 : retour du O’Higgins
Photographie de la canonnière SMS Hyäne
- 1882 : la canonnière allemande « S.M.S. Hyäne » ("La Hyène") visita durant cinq jours l’île de Pâques au cours d’une expédition dans le Pacifique. Le capitaine-lieutenant Geiseler avait l’ordre de l’amirauté impériale d’entreprendre des études scientifiques pour le département ethnologique des musées royaux prussiens à Berlin. L’expédition a fourni entre autres les descriptions très détaillées des us et coutumes, de la langue et de l’écriture de l’île de Pâques ainsi que des dessins exacts de différents objets culturels, des statues (moaïs), des croquis de maisons et un plan détaillé du lieu de culte Orongo.
- 1886 : Le médecin de marine William Thomson a pris les premières photos de statues (moaïs) alors qu’il visitait l’île à bord du navire américain « Mohi »
- 1886 : Le capitaine de corvette chilien Policarpo Toro Hurtado accoste sur l’île et en prend possession ainsi que d’autres îles du pacifique.
- 1888 : Annexion de l’île par le Chili, il reste à peine 110 pascuans de souche. Le président José Manuel Balmaceda et son ministre signent le décret suprême (decreto supremo) donnant au capitaile Hurtado les pleins pouvoirs pour annexer l’île et finaliser l’achat des terrains appartenant à la mission catholique et aux héritiers de Dutrou-Bornier. Avec l’annexion chilienne prend fin la déportation d’esclaves, les terres des pascuans sont louées à une compagnie écossaise basée au Chili pour favoriser l’élevage intensif de moutons. La population fut parquée dans le village d’Hanga Roa entourée de barbelés, la liberté de circuler réduite. L’île devint un lieu de déportation pour les chiliens, une vaste prison à ciel ouvert. Elle se désertifie à cause des moutons. Les mariages mixtes commencent chez les insulaires.
- 1914 : révolte des pascuans étouffée par l’arrivée d’un navire de guerre chilien.
- 1916 : le gouvernement chilien annule le contrat de location de la compagnie Williamson et Balfour qui occupait toute l’île et exploitait les pascuans.
- 15 avril 1929 : Recensement : 384 personnes plus ou moins métissée : 83 hommes, 98 femmes, 106 garçons, 97 filles.
- 1934 : A cause de l’introduction de chèvres et de chevaux, érosion du sol et appauvrissement de la végétation.
- 1952 : fin de la location des terres, ce sont les militaires chiliens qui s’emparent du territoire
Une autre théorie existe au sujet de l’origine des pascuans : l’héritage des incas
Selon une thèse récente, mais peu admise dans la communauté scientifique, jadis défendue par Thor Heyerdahl et plus récemment argumentée par Jean-Hervé Daude, la particularité de la culture des Pascuans vis-à-vis du reste de la Polynésie s'expliquerait par son contact avec une autre culture, celle des Incas. Selon cet auteur, la thèse d'une influence sud-américaine sur l'île de Pâques aurait été rejetée à tort sur la base de préjugés concernant la capacité de navigation des sud-américains. La tradition orale mentionne la présence de deux populations distinctes sur l'île : les "Courtes oreilles" et les "Longues oreilles". Le premier groupe serait d'origine polynésienne et le second d'origine inca. Cette présence incaïque résulterait du passage de l'Inca Tupac Yupanqui vers 1465 au cours d'une expédition maritime à des fins expansionniste.
Les pascuans, un peuple de bâtisseurs
Ahu Tongariki
Malgré le peu de ressources naturelles que constituait l’île, les pascuans réussissent à bâtir une civilisation des plus avancées de son apogée.
Leur religion était à la base de tout.
Le créateur du monde, le dieu Make-make représenté sous forme d’un humain à tête d’oiseau et le mythe de l’œuf originel étaient cette base. Les croyances étaient écrites sur les rongo rongo, sculptées dans le bois, comme sur des statuettes destinées au culte (moaï kava kava)
Moai Kavakava bicéphale, collecté en 1860 par le chirurgien de marine Gilles. (exposé actuellement au Musée d’Histoire Naturelle de la Rochelle)
L'homme-oiseau
Une cérémonie annuelle avait lieu dans le sanctuaire d'Orongo à l'extrémité sud-ouest de l'île : les représentants des clans devaient sauter depuis une falaise en surplomb d'une dizaine de mètres et nager sur une sorte de planche composée de roseaux totora jusqu'à l'îlot Motu Nui, pour y arriver en même temps que les sternes venus nidifier. Là ils prenaient leurs quartiers dans différents secteurs de l'îlot et attendaient la ponte du premier œuf de Mahoké. Celui qui le trouvait et le rapportait intact à Orongo intronisait pour l'année le Tangata manu, « l'homme-oiseau » qui arbitrait la répartition des ressources entre les clans. Ce n'était pas une compétition mais un rituel religieux : c'est Make-make qui désignait lui-même le Tangata manu par le biais de la femelle sterne pondant la première, dans le secteur de tel ou tel clan, et c'est seulement si le nageur de ce clan ne parvenait pas à ramener intact l'œuf de Mahoké que le second, ou le troisième et ainsi de suite, ramenaient leurs œufs vers Orongo, mais la légitimité du Tangata manu était alors moindre, et ses décisions plus discutables. Leur mythologie est décrite par Irina Fedorova, première à avoir consacré une monographie à ce sujet.
Ce culte n'avait rien à voir avec celui des ancêtres, représentés par les Moai, qui avait déjà cessé à l'époque depuis assez longtemps pour que carrières, statues, maraes et ahus soient enfouis dans la terre et dans la végétation.
Ahu Te Pito Kura
L’île possédait plusieurs centres cérémoniels de forme pyramidale. Les monuments religieux les plus présents étaient les ahu.
Les ahu (plates-formes à moaï) étaient aussi appelés Mat’a kite u’rani (les yeux qui regardent le ciel ou du ciel, ce qui est logique pour des représentations d’ancêtres divinisés, mais a été interprété par les Européens de manière parfois très fantaisiste).
Les moaï
Moaï sur le Rano Raraku.
Ces statues à caractère anthropomorphe stylisées étaient taillées dans la pierre avec des objets d’obsidienne. Les cavités oculaires étaient remplies de corail et serties d’une pierre plus sombre. Sur leur tête un cylindre de tuf rouge en forme de chignon était le signe des grandes personnalités. Elles étaient destinées à vénérer les morts et représentaient les hommes disparus du lignage auxquels ils appartenaient. Tournés vers le village, ils étaient sensés protéger la famille.
La plus grande partie mesure entre 4 et 7 mètres, certaines mesurent 10 mètres et elles pèsent plus de 80 tonnes. A mesure que la population de l’île augmenta, la construction des géants de pierre s’intensifie et plus de 600 se dressèrent comme le symbole d’un triomphe de l’intelligence humaine.
Pascuan aux longues oreilles de Michel Adoue
Puis brusquement, vers 1550, la production se stoppe nette. Trois cents statues sont laissées à l’abandon éparpillées le long des voies de transport ou en cours d’élaboration. La population de l’île décline à la même période.
On sait que, avant l'arrivée des Polynésiens, l'île de Pâques était constituée d'une forêt subtropicale bien pourvue en grands arbres aux espèces variées, notamment le palmier, le Sophora et le Triumfetta. Ainsi, les Pascuans fabriquaient de la corde avec de l'écorce de hauhau (Triumfetta semitriloba). L'île abritait aussi plus de 25 espèces d'oiseaux de mer et quelques espèces d'oiseaux terrestres. À l'aide de pirogues, les Pascuans pouvaient aussi capturer des marsouins, des phoques, des poissons, des crustacés, etc.
Vers 900, la déforestation était déjà commencée et elle était pratiquement achevée en 1722 lorsque le Hollandais Roggeveen débarqua sur l'île, car celui-ci n'aperçut aucun arbre d'une taille supérieure à 3,5 m. L'explorateur ne comprenait pas comment les Pascuans, «dépourvus de madriers solides», avaient pu ériger de telles statues géantes. Lors de l'expédition de James Cook en 1774, le naturaliste allemand Johann Reinhold Forster écrivit qu''aucun arbre n’est assez haut pour fournir de l’ombre". De fait, les palmiers avaient disparu aux environs de 1400; le charbon de bois résultant du déboisement n'était plus utilisé après 1440; il fut remplacé comme combustible ligneux par des herbes et des graminées après 1640. La totalité de la forêt disparut, et toutes les espèces d'arbres se sont éteintes, avec comme conséquence le disparition des ressources alimentaires. De plus, l'introduction par accident du petit rat polynésien dans l'île a accentué davantage la disparition des espèces végétales, car le rat s'appropria les moindres recoins du territoire dont il dévora graines et fruits, notamment les noix des palmiers. La disparition de la végétation mit un terme à la construction et au transport des statues, mais aussi à la fabrication des pirogues de haute mer. Il ne resta plus que de petites embarcations faite de roseau, alors que la pêche devint de plus en plus difficile en raison de la disparition du bois de mûrier avec lequel étaient fabriqués les filets; sans pirogues et sans filet, les Pascuans durent cesser de s'alimenter en phoques et en poissons de toutes sortes. Par la suite, la déforestation entraîna l'érosion du sol par la pluie et le vent, ce qui eut comme effet de diminuer dramatiquement l'agriculture, tandis que la plupart des ressources alimentaires sauvages disparurent (noix de palmier, pommes rosées et fruits sauvages), à l'exception du rat.
La très grande vénération qui entourait les moaïs disparut. Ceux-ci furent renversés et réutilisés comme matériaux de construction ou simplement abandonnés, la tête gisant contre le sol.
Les rapanuis mettent fin au règne de la classe dominante, qui exigeait des moaïs de plus en plus grands, ainsi qu’aux croyances qui lui servait de justification. Selon l’anthropologue Christopher Stevenson, les travailleurs ont refusé de continuer à entretenir les dirigeants, ce qui est la source des changements. Peut-être que cette évolution ne fut pas simultanée dans tous les clans, mais elle fut menée à terme du fait de l’espace réduit et de la symbiose englobant l’île ; de plus il est logique qu’il y ait alignement sur le système le plus rationnel et efficace vu la situation. Le changement environnemental entraîne une baisse de la productivité du sol, ce qui aboutit à un accroissement du travail nécessaire pour la nourriture, d’où la solution de libérer le travail qui était employé à faire et transporter les moaïs. Ainsi, « dans la mesure où la classe dominante des sociétés agraires exerce son pouvoir en partie par des moyens religieux (en prétendant que ses prières et ses offrandes permettent de garantir de bonnes récoltes), il est concevable qu’un déficit grave au niveau de la production agricole, dû à un changement climatique par exemple, transcroisse en crise politique et institutionnelle. » Cette « révolution » a probablement lieu au début ou au milieu du XVIIIe siècle. Elle est marquée par la fin du règne de la classe dirigeante théocratique, et par d’importantes modifications dans la culture rapanuie. Cette transformation des structures sociales est l’aboutissement d’un « conflit entre l’élite et la population sans-grade ».
La Williamson Balfour and co
Dans les années 1890, l’île est louée à des industriels. A partir de 1903, la Williamson, Balfour and Company, entreprise de Grande-Bretagne, crée la Compañía Explotadora de la Isla de Pascua(CEDIP). Moyennant un loyer versé au gouvernement chilien, cette entreprise contrôle l’île, qui est ainsi pratiquement privatisée. L’île n’est utilisée pendant des décennies que pour servir à l’élevage de dizaines de milliers de moutons. Les rapanuis sont mis au travail forcé, puisqu’ils représentent une main d’œuvre déjà présente sur place, et exploitée sans vergogne.
L’ensemble de ces interventions néfastes subies par les rapanuis sont loin d’être des faits isolés à la même période : selon Rosa Luxemburg, le commerce mondial et les conquêtes coloniales « ont pris leur plus grand essor surtout au XIXe siècle […] Ils mettent les pays industriels capitalistes d’Europe en contact avec toutes sortes de formes de société dans d’autres parties du monde, avec des formes d’économie et de civilisation plus anciennes […] Le commerce auquel ces économies sont entraînées les décompose et les désagrège rapidement. La fondation de compagnies commerciales coloniales en terre étrangère fait passer le sol, base la plus importante de la production, ainsi que les troupeaux de bétail quand il en existe, dans les mains des Etats européens ou des compagnies commerciales. Cela détruit partout les rapports sociaux naturels et le mode d’économie indigène, des peuples entiers sont pour une part exterminés, et pour le reste prolétarisés et placés, sous une forme ou sous l’autre, comme esclaves ou comme travailleurs salariés, sous les ordres du capital industriel et commercial. » C’est cela qui a été subi par l’île de Pâques et ses habitants.
L’habitat
L’île battue par les vents, ils ont dû adapter leur habitat en choisissant des cavités naturelles engendrées dans le sol volcanique, le soubassement était fait de murets de pierres creusées de cavités qui recueillaient des perches de bois supportant un toit végétal. Les maisons étaient de forme ovale et n’avaient qu’une entrée, elles étaient longues parfois de 40 mètres.
Certaines maisons de type troglodyte étaient faites de pierres plates empilées et adossées à la pente du volcan. Les clans étaient organisés dans les villages autour de l’ahu autel où étaient disposés les moaï.
Bref, l'île de Pâques constitue un exemple flagrant d'une société qui aurait contribué à sa propre destruction en surexploitant ses ressources naturelles. Les Pascuans ont exploité leurs ressources comme si les possibilités qu’elles leur offraient étaient illimitées. Évidemment, tout s'est fait très lentement, sans que les individus ne s'en rendent compte. Cette version des événements passés à l'île de Pâques apparaît aujourd'hui comme un sombre avertissement d'un destin possible qui attend la planète entière. «Les parallèles entre l'île de Pâques et le monde entier moderne sont froidement évidentes», écrivait en 2005 le géographe et biologiste de l'évolution, Jared Mason Diamond de l'Université de la Californie (Los Angeles), dans Collapse: How Societies Choose to Fail or Succeed (en traduction française chez Gallimard, 2006 : Effondrement - Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie.
cratère de Rano raraku
Rapanui d’aujourd’hui, le combat continue
- 1944 à 1958 : des rapanui partent sur de petites embarcations, clandestinement pour rejoindre Tahiti. Ils partent à cause de la misère et de l’exploitation dont ils sont les victimes. Huit expéditions partent à cette période, la moitié fait naufrage, trois arrivent sur des iles polynésiennes.
- 1953 : la dictature militaire remplace la dictature marchande.
- Au début des années 60 : 1000 survivants des pascuans résistent encore sur l’île dans la plus grande misère et un manque de liberté.
- 1964/1965 : Les rapanuis vont déclencher une révolte décisive. Début décembre 1964, des rapanuis écrivent une lettre ouverte au nouveau président chilien, avec un fort contenu social et politique. Les revendications comprennent la fin de la dictature militaire sur l’île, la liberté de circulation dans l’île et en dehors, l’augmentation des salaires, la fin de la journée de travail non-payé, l’obtention des droits de citoyens pour les rapanuis (dont le droit de vote aux élections chiliennes), le droit de se rassembler – autrement dit la liberté de réunion, l’abolition du couvre-feu, un développement économique de l’île, etc
- 1970 à 1973 : c’est le gouvernement de l’unidad popular d’Allende, on installe l’eau courante et l’électricité sur l’île ainsi qu’une piste d’avaition qui va désenclaver l’île. C’est le début du tourisme. Mais le gouvernement Allende ne pourra mettre en application les mesures progressistes envisagées à cause du coup d’état de pinochet le 11 septembre 1973.
- 1990 : retour de la démocratie au Chili, la situation des rapanui s’améliore.
- Le 27 septembre 1993 : loi sur la protection et le développement des peuples indigènes au Chili.
- 2002 : recensement : 4647 personnes se déclarent « rapanui » : 56.7 % vivent dans la région de Valaparaiso (dont dépend l’île de Pâques), 26.1 %vivent dans la région de Santiago, 17.2 % dans les autres régions du Chili. Ces chiffres semblent ne pas tenir compte des rapanui vivant en dehors du Chili (Polynésie française, Nouvelle Zélande, continent américain …
- Les mobilisations continuent, grèves, manifestations pour la restitution des terres cultivables aux familles rapanui.
- 16 août 1995 : 500 manifestant ont protesté contre la reprise des essais nucléaires français à Mururoa.
- 2005 : le taux de chômage sur l’île est de 18.7%, deux fois plus que la moyenne sur l’ensemble du Chili cette année-là.
- 2009 : les rapanui se mobilisent contre le productivisme touristique.
- 27 juillet 2010 : Les Rapa Nui affirment avoir été dépossédés des terres de leurs ancêtres par le gouvernement chilien et ont commencé à occuper 14 lieux pour forcer les autorités à négocier. Le 3 décembre, 25 manifestants Rapa Nui ont été blessés par des tirs de balles en caoutchouc, des pistolets à grenailles et des coups de matraques. La police affirme n’avoir tiré qu’après avoir reçu des cocktails Molotov. Pour les manifestants, seule une poignée d’entre eux a jeté des bâtons et des pierres, mais la plupart n’était pas armée.le président du Chili, Sebastian Pinera, a justifié cette éviction au motif qu’il était de la responsabilité de l’Etat de maintenir l’ordre public, ajoutant qu’il espérait que la question se réglerait dans le dialogue.
- Le Parlement Rapanui (PRN), organisation indépendantiste de l'île, donne une place nouvelle, politique, à la lutte ancestrale pour la terre, celle d'un conflit entre le peuple Rapanui et l'État chilien : interventions internationales, dénonciation des événements de 2010- 2011 comme violation des droits de l'homme, preuves d'une poursuite des violations. Enfin ce qui n'était que chuchoté il y a une dizaine d'années est aujourd'hui prononcé : Indépendance !
- 10 janvier 2013: Leviante Araki Araki, président du PRN, déclare que l'indépendance pourrait prendre la forme d'un rattachement à la Polynésie française, un traité est déjà signé avec l'Union Polynésienne.L'idée d'un rattachement à la France n'a rien d'extravagant. Les liens historiques culturels et affectifs sont nombreux. Il y a aujourd'hui plus de Pascuans à Tahiti que sur l'Île de Pâques ( un rattachement à la France n'a rien a voir avec l'indépendance , note de bibi)
Peintures corporelles des pascuans
Caroleone
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Mes sources à consulter pour en savoir beaucoup, beaucoup plus ( clic sur l'ampoule pour avoir la lumière)
La fin des pascuans université de Lille cueep
Les luttes sociales sur l'île de Pâques
Le combat des Rapa Nui pour récupérer leurs terres se termine en carnage
Autour du monde famille Milcent
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