Il y a 98 ans, Jaurès était assassiné

Publié le 31 Juillet 2012

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Jean Jaurès avait l’horreur de la guerre chevillée au corps. Quand, le 31 juillet 1914, il s’effondre sur la table du Café du Croissant à laquelle il est attablé, les deux balles du revolver de Raoul Villain enfoncées dans le crâne, la paix n’a plus que quelques jours à vivre. Pourtant, le matin même, l’Humanité a publié un article de son directeur titré « Sang-froid nécessaire » dans lequel il appelle une nouvelle fois à résister : «Le péril est grand, mais il n’est pas invincible […] Ce qui importe avant tout, c’est la continuation.»

L’inquiétude de cet inlassable combattant a grandi encore dans la journée. Après son dîner au Café du Croissant, il compte retourner dicter un nouvel article qu’il veut « décisif ». Contre la guerre, Jean Jaurès n’aura en vérité jamais désarmé. Durant les dix années où il dirige la destinée du journal l’Humanité, il consacre plusieurs dizaines d’articles par an à cette seule cause. Mais son acharnement s'est manifesté bien avant la fondation de ce journal. En novembre 1898, on peut lire par exemple dans la Petite République cette mise en garde du député socialiste : « Si la guerre éclate, elle sera terrible et vaste. Pour la première fois, il y aura une guerre universelle mettant aux prises tous les continents ; l’expansion capitaliste a élargi le champ de bataille ; c’est toute la planète qui sera rougie du sang des hommes. »

En juillet 1905, alors que la France et l’Allemagne sont de nouveau au bord de l’affrontement, Jean Jaurès entend prononcer à Berlin, invité par les socialistes allemands dans un grand meeting, un important discours intitulé « La paix et le socialisme ». Il en est interdit par le chancelier de l’Empire. Le discours est publié le même jour, le 9 juillet 1905, en Allemagne par le journal Vorwaerts, en France par l’Humanité. Ce texte est un long plaidoyer pour la « vigilance internationale » du prolétariat face à la précarité et à la fragilité de la paix.

« Si vous condamnez Villain, cela voudra dire que vous approuvez la doctrine socialiste et sa politique d’avant-guerre »

Même après guerre, la boucherie pourtant avérée, le combat de Jean Jaurès ne lui sera pas pardonné par les tenants du conflit. L’épisode le plus significatif à cet égard est bien évidemment le procès de son assassin Raoul Villain, en mars 1919. Il a passé la guerre en prison, cinquante-six mois de détention préventive au total. Lors de son procès, la culpabilité est reconnue, les faits revendiqués par l’accusé, la préméditation établie (le revolver a été acheté la veille du meurtre). Mais Villain est blanchi, acquitté, lavé de toute accusation. Les motifs politiques de ce déni de justice sont clairement avancés dans la plaidoirie de maître Zévaès, l’avocat de Villain. « Si vous condamnez Villain, cela voudra dire que vous approuvez la doctrine socialiste et sa politique d’avant-guerre. » Difficile d’être plus clair. Mais Zévaès en rajoute. Comme si l’épouvantail du socialisme ne suffisait pas, il fait aussi appel à la peur du bolchevisme, lisant un article publié dans l’Humanité quelque temps auparavant et qui relatait la cérémonie d’inauguration d’une statue Jaurès à Moscou au cours de laquelle Lénine célébrait le chef socialiste.
Au lendemain de ce verdict, le 30 mars, Marcel Cachin dénonce à la une de l’Humanité la décision rendue : « Un défi jeté par quelques bourgeois aveugles à tout un peuple de travailleurs ». Les 5 000 mineurs de Carmaux se mettent en grève. L’indignation grandit dans le monde ouvrier. Trois cent mille manifestants battent le pavé parisien le 6 avril pour dire leur colère. Cinq ans plus tard, justice sera enfin rendue à Jaurès avec le transfert de ses cendres au Panthéon en 1924.

Le leg de Jaurès : des balises, des points de repère dans l’histoire

Mais l’héritage pacifiste de Jaurès est déjà le patrimoine de l’Humanité qui tout au long de son histoire en portera témoignage. À chaque fois que le monde verra grandir les menaces de la guerre, le journal fondé par Jaurès va répondre présent.

Le testament d’humanité et de paix que nous légua Jaurès reste en quelque sorte des balises, des points de repère dans l’histoire d’un combat qui n’a jamais cessé tout au long du XXe siècle et qui, malheureusement, reste d’une brûlante actualité en ce début de XXIe siècle avec la guerre en Irak, en Afghanistan et en bien d'autres pays.

Nous n’oublions pas ce qu’il écrivait le 31 juillet 1914, quelques heures avant sa mort : « C’est à l’intelligence du peuple, c’est à sa pensée que nous devons aujourd’hui faire appel si nous voulons qu’il puisse rester maître de soi, refouler les paniques, dominer les énervements et surveiller la marche des hommes et des choses, pour écarter de la race humaine l’horreur de la guerre. »


source : « le Travailleur catalan »

 

 

 

 

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Rédigé par caroleone

Publié dans #Devoir de mémoire

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F
<br /> J'ai pendant longtemps traîné dans la rue où se trouve le café du Croissant .. le souvenir de Jaurès est intact et je n'ai jamais pu ne pas y penser.<br /> <br /> <br /> Difficile de soutenir la paix envers et contre tout et surtout tous.. le jugement de son assassin en est la démonstration. <br /> <br /> <br /> Moi je préfère le chant des partisans et l'Internationale à la Marseillaise.. ou alors la Marseillaise façon Graham Alwright...<br /> <br /> <br /> Bisous et bonne nuit Caro<br />
C
<br /> <br /> Bonjour Fanfan,<br /> <br /> <br /> Jaurès est loin d'être mort dans la mémoire des fidèles qui ont cru au socialisme en suivant ses pas.<br /> <br /> <br /> Question chansons, même si j'aime nos chansons françaises, je dois avouer que je me sens plus proche des chansons de lutte des latinos qui sont de véritables chansons de liesse, ma préférée : El<br /> pueblo unido jamas sera la vencido, ensuite Hasta siempre et bellaciao qui lors des manifs sont toujours populaires.<br /> <br /> <br /> L'internationale est universelle et intemporelle mais il faut l'associer à ses chants des peuples latins.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bises Fanfan, bonne journée<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caro<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br />  Bel article sur Jaurès!!Il est toujours bon de lui rendre hommage!! et il est certain qu'il ne faut jamais faillir dans la<br /> lutte ouvrière! Le peuple a lutté pour avoir le droit de faire grève, d'avoir des syndicats, alors, il ne faut jamais baisser la garde!! AUX ARMES CITOYENS! la Marseillaise se chante pour les<br /> médailles olympiques mais ce chant est aussi celui du peuple bafoué!!il n'y a pas que l'Internationale!!!!! BISOUS FAN<br />
C
<br /> <br /> Malheureusement l'individualisme est je le crains la pire catastrophe du monde ouvrier et syndical.<br /> <br /> <br /> La précarité ne permet plus aux gens de s'engager et c'est la course pour gagner sa vie et arriver à payer son confort, je crois que les jeunes n'ont jamais été dans une telle misère que sous<br /> sarkozie zéro.<br /> <br /> <br /> Il y a aussi le chant des partisans si l'on veut chanter populaire et engagé mais j'avoue que l'internationale et la marseillaise sont à égalité dans mon coeur, tu as bien raison de le souligner.<br /> <br /> <br /> D'ailleurs j'ai déjà proposé que l'on chante l'internationale lors des matchs de foot, mais kiveulent pas <br /> <br /> <br /> Bisous Fan<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caro<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Oui, effectivement, le 31 juillet 1914 était assassiné Jean Jaurès et sur sa tombe, la CGT par la voix de son secrétaire général Léon Jouhaux sembla déclarer la guerre à la guerre. Mais ce fut<br /> vite l'Union sacrée dans laquelle toute la CGT s'engagea avec la droite, le patronat et les socialistes. Léon Jouhaux devenait commissaire du gouvernement. Il laissera faire lorsque les<br /> communistes seront chassés de la CGT à partir de 1938. Il sera en 1947, à l'initiative de la scission dans la CGT en créant le syndicat réformiste FO.<br /> <br /> <br /> La CCT dans l'Union sacrée en 1914, sauf une toute petite minorité qui resta fidèle aux idéaux de Jean Jaurès.<br />
C
<br /> <br /> Bonsoir Roger,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je te remercie chaleureusement pour ce complément d'information concernant notre syndicat  et que je sais apprécier à sa juste valeur venant du spécialiste en histoire sociale que tu es.<br /> <br /> <br /> En effet que de déceptions ont eu à subir les militants et à présent combien sommes nous encore à nous mordre les doigts de donner notre aval au réformisme ambiant ?<br /> <br /> <br /> Nous sommes trop bons et tu sais ce que l'on dit lorsque l'on est trop bon <br /> <br /> <br /> C'est mon sentiment chaque jour davantage et peu de choses me feront penser le contraire quand je vois nos camarades salariés se battrent pour leur outil de travail, la sauvegarde de leurs<br /> emplois et de leur dignité humaine alors qu'un changement semblait perceptible <br /> <br /> <br /> Mais nous ne sommes pas morts et résisterons tant que du sang coulera dans nos veines rouges d'un sang rouge coco comme tu aimes le dire.<br /> <br /> <br /> Merci de ta visite et toutes mes amitiés<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caroleone<br /> <br /> <br /> <br />