Georges Guingouin, le préfet du maquis

Publié le 17 Février 2011

 

 

 

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Chef de la résistance du Limousin, maire de Limoges, décédé en 2005, il était un personnage de légende, héroïque et désobéissant. Il ne se soumettra pas, d'ailleurs aux directives du parti communiste lorsqu'elles lui sembleront injustifiées, ce qui lui vaudra d'être évincé pour n'être réhabilité qu'en 1998.*

 

Par MAGALI JAUFFRET, journaliste, pour le hors série de l'HUMANITE, figures de la résistance

 

Nous sommes en février 1941. Il vient d'avoir 28 ans. A quoi pense Georges Guingouin, caché dans la cabane souterraine d'une sapinière du mont Gargan, en ce Limousin boisé et peuplé de croquants, pour échapper aux allemands et à la milice ?

S'autorise t-il même à penser, à rêver alors que le temps dicte de faire entrer les paroles dans la vie ?

Il faut faire tourner la ronéo pour sortir l'Humanité clandestine, imaginer un plan pour nourrir le maquis, trouver de quoi imprimer de faux papiers, arriver à saboter les batteuses. Empêcher la livraison de blé à hitler sera de la première importance....

 

Les soirs de combat, quand la mort rôde trop, après avoir assisté les blessés, accompagné les mourants, des vers de Victor Hugo, appris par coeur à l'école à Bellac, puis transmis aux enfants du temps où il était instituteur à St Gilles les forêts, remontent le fil de sa mémoire et calment son  envie de hurler. Dans ces moments là, toucher ainsi à la fragilité de l'humain le rapproche de son père qu'il n'a pas eu le temps de connaître et qui repose, avec  700 de ses camarades , dans la fosse commune d'un village du Nord.

Evoquer Georges Guingoin, c'est explorer les qualités de désobéissance, d'héroïsme, de loyauté de l'homme, lorsqu'il est à son meilleur niveau. C'est aussi comprendre la singularité fondatrice de ce Limousin rouge, qui, après avoir bercé de nombreux communards, offre à la nation de sacrés maquisards.

 

Juste après ce 18 juin 1940, blessé mais déterminé à ne pas être fait prisonnier par les allemands, Guinguoin s'enfuit de l'hôpital Sainte Madeleine de Moulins. Il est l'un des premiers à penser la nécessité de créér un réseau clandestin contre Vichy. Il n'a aucun mal à convaincre les paysans communistes de la région d'Eymoutiers, parmi lesquels Andrée Audouin, qui deviendra journaliste à l'Humanité, de grimper avec lui dans la montagne avec des fusils. "Tu as été le seul normalien de Limoges à participer à la grève du 12 février 1934, lui disent-ils. Tu es solide. On te suit."

 

Les années passent. Le charisme, l'intelligence terrienne de Georges Guigoin s'affirment. Chef de la résistance civile dans la région, il est capable de diriger, à l'apogée de la lutte, des hommes aussi différents que 8750 FTP, 4100 membres de l'armée secrète, 1000 membres de l'organisation Résistance armée, 300 républicains espagnols et 500 ex-Vlassov. Cerveau de nombreux sabotages, il multiplie les coups gagnants contre l'économie de guerre, contre les lignes de communication de l'armée allemande. Ce faisant, il ne néglige pas la lutte des classes et s'allie les paysans en leur permettant de garder le fourrage et le blé, en rémunérant correctement les produits agricoles, en faisant revenir le pain blanc sur les tables grâce à des décrets signés " le préfet du maquis".

 

Enfin, on le découvre stratège. La capture, le 9 juin 1944, du stumbannfuhrer kampfe, "héros" de la divison d'élite SS DAS REICH, retarde cette dernière de 2 jours, dans sa mise en mouvement vers la Normandie. Le général Eisenhower reconnaît que ce retard a sauvé la tête de pont alliée. Mais ce n'est pas tout. Le 3 août, procédant à une manoeuvre d'encerclement de Limoges il obtient sans effusion de sang la capitulation du général geiniger.

Mieux : des escadrons de gendarmes et de gardes mobiles, qui se terraient dans la campagne limousine, se rendent à lui après l'avoir pourchhassé.

 

Les années passant, l'isolement gagnant, Georges Guigoin, sans contacts ni directives, prend insensiblement ses distances avec les décisions du parti qui ne lui semblent pas opportunes.

Lorsqu'il ne partage pas les mêmes analyses, lorsque les directives lui semblent aventureuses, lorsque le coût en vies humaines lui paraît trop élevé, il désobéit. Son personnage n'en finit pas de soulever la controverse.

Prend-il conscience que pareilles libertés, insoumissions, prises de distance avec l'appareil sont inconcevables dans un contexte de guerre froide, d'adhésion à la IIIe internationale, de culte de la personnalité ?

En tout cas, le portrait dressé de lui, à l'époque, est terriblement schizophrénique. Surnommé affectueusement Lou Grand à l'intérieur du maquis, il est à l'extérieur, traité de " fou qui vit dans les bois, se levant la nuit pour écraser les chiens ".

 

Guingoin l'ignore, mais il est déjà diabolisé, pris dans les mâchoires d'une étrange et double tenaille, étranglé par les manoeuvres conjointes de socialistes, de vychistes revanchards mais aussi des siens, qui l'accusent de "travail fractionnel", "d'acceptation sans protestation des éloges de la presse américaine" de razzia sur les fonds secrets de la résistance !

 

Deux exclusions valant mieux qu'une, un procès de Moscou est en marche dans le Limousin contre celui qui devient maire communiste de Limoges de 1945 à 1947 et que De gaulle élève au grade de compagnon de la libération. Un grave accident automobile, une machination judiciaire qui l'envoie en prison, dans le coma et en hôpital psychiatrique parachèvent ce tableau de l'indignité.

 

Georges Guingoin, finalement réhabilité par le secrétaire national du PCF d'alors, Robert Hue, en février 1998, est l'honneur des communistes français.

Anticipant la déstalinisation, sa vie atteste que les valeurs communistes se valident à l'aune d'une liberté ressentie, questionnée et nourrie de l'humain.

En 1964, il rédige une adresse aux membres du 17e congrès du parti communiste français. Se plaignant de la rupture entre les paroles et les actes au détriment de l'idéal proclamé, il conclut sur ses mots :

 

" Au soir des combats, j'ai bercé dans mes bras des mourants(...), j'ai tenté des actions désespérées pour sauver ceux qui étaient destinés aux fours crématoires et au poteau d'éxécution. Croyez-moi, c'est cette vertu de compréhension qu'il faut pratiquer pour trouver l'art d'avancer".

 

 

 

Camarades, réappropriez-vous les idéaux et les valeurs de ceux qui ont fait notre histoire, de ceux qui ont donné leur sang.....car ce sont là les véritables valeurs d'engagement d'un communiste

 Quand je lis le résumé du combat exemplaire de Georges, j'ai "mal à mon PCF" qui a quelquefois mal agi et continue de le faire en laissant saborder nos idéaux révolutionnaires pour la course aux places.

Mais les "véritables" communistes de coeur s'y reconnaîtront.

 

Caroleone

 

 

 

 

Vous pouvez sans complexe copier cet article à outrance, c'est votre devoir de mémoire.

 

 

 

 

Merci pour ce bel hommage rendu à un authentique communiste aujourd'hui disparu.
Je n'ai rien à rajouter à cette biographie.
Je voudrais juste dire qu'un de mes meilleurs amis, mon camarade communiste Roland Collignon a servi sous ses ordres dans la Résistance FTPF au maquis du LOT notamment.
Tu me permettras de parler de l'un des compagnons de lutte de Georges Guingouin.
Roland dont le nom de guerre était "Etoile", a participé a de nombreuses actions de harcèlement contre l'ennemi boche et contribua à la libération de Cahors, de Montauban, de Toulouse pour terminer avec les durs combats de la Pointe de Graves. Les unités de la Résistance FTPF a forte ossature communiste, insérèrent les rangs de l'armée régulière dans laquelle Roland qui avait des responsabilités au sein de son unité FTP, a combattu sous l'uniforme avec le grade homologué d'adjudant-chef.
Merci camarade d'avoir pu par le biais de l'hommage rendu au chef de guerre communiste prestigieux qu'était Georges Gaingouin, de m'avoir permis d'évoquer la mémoire d'un de ses gradés subalternes et compagnons de combat.
 
Commentaire n°1 posté par Tourtaux aujourd'hui à 18h37

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #Devoir de mémoire

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Commenter cet article
C
<br /> Je l'ai fait exprès pour toi..et suis contente qu'il te plaise, comme nous avons des goûts communs également par rapport à la résistance eu aux FTP en particulier, je sais que nous serons au moins<br /> à qui ces articles font plaisir !<br /> <br /> <br />