Des chats et des artistes - Colette
Publié le 2 Octobre 2012
Voici une petite série que je débute et qui a pour thème les chats compagnons des artistes, et ils sont nombreux à avoir su apprécier ses faveurs.
Avec pour démarrer la série la Miss Chatte qui vient tout naturellement à l'esprit de tous et en clin d'eil à Almanitoo, ma muse féline, l'écrivain Colette à travers un petit texte que j'ai retranscris qui permettra aux amateurs de cet écrivain d'avoir deux versions de la passion féline de Colette, pour rester neutre, comme je n'ai jamais lu aucuns de ses écrits, c'est plus juste ainsi.
Caroleone
(...)
Peut-être qu’il y a deux aspects chez Colette, deux approches un peu contradictoires de sa personne et qui contribuent à la singulariser.
Le côté de sa mère tout d’abord, le côté de Sido, de cette femme qui fut pour elle comme une dispensatrice de bonheur et qui contribue à lui faire aimer la nature, les bêtes et leurs frémissements les plus intimes.
Et puis le côté de Willy, le côté parisien, clinquant, brillant, avec ses phrases qui se veulent de si belles phrases, avec tous les adjectifs savoureux, multiples, épuisants, pittoresques qu’elle s’empresse de réquisitionner, avec ce faux naturel qu’admiraient tant les maîtres d’école d’autrefois à la recherche de dictées hyperboliquement écrites, à l’intention de leurs élèves.
Du côté de Sido, donc Colette nous émeut par son aisance, par sa proximité avec la nature, par le regard sans mièvrerie qu’elle porte si souvent aux chats.
Du côté de Willy, elle nous irrite au contraire car elle en fait trop, quelle surjoue, elle qui se produisit au music-hall dans le plus simple appareil, parce qu’elle surécrit, qu’elle se pare de fanfreluches parfaitement inutiles.
Tenez !
Je vous citerai une phrase d’elle, une phrase admirable, qui ne cherche pas midi à quatorze heures, qu’elle écrivit en préface d’un volume où elle avait rassemblé, en morceaux choisis ses plus belles pages sur les chats :
« Il n’y a pas de chat ordinaire ».
Tout est dit !
Gabrielle Sidonie Colette se révèle bien là comme la digne fille de sa mère.
« Il n’y a pas de chat ordinaire ».
Il faut beaucoup de sagesse, de véritable élégance de plume et de complicité d’âme pour énoncer ainsi sans la moindre emphase cette vérité pour le moins chavirante.
Et puis, très vite, la Colette »femme de lettres » reprend le dessus. Elle tortille son stylo, veut en donner à son lecteur (ou sa lectrice) pour son argent : la manifestation sonnante et clinquante du beau style, de ce qu’on ne trouve pas chez soi, dans son journal, et qui mérite le détour et l’achat.
Ah ! Voilà un écrivain !
Il n’y a pas tromperie sur la marchandise. Voilà une personne qui sait taquiner l’adjectif et faire vibrer des sensations rares !
Dans la chatte par exemple, cette phrase entre mille :
« La chatte qui l’œil vide et doré, atteinte par l’odeur démesurée des héliotropes, entrouvrait la bouche et manifestait la nauséeuse extase du fauve soumis aux parfums outranciers. »
C’est trop ! Ces « parfums outranciers » ou cette « nauséeuse extase » !
Comme ses salons Belle Epoque avec leurs rideaux de velours, leurs coussins un peu partout, leurs sofas, leurs kentias dans des pots de faïence et leurs odeurs de tubéreuses.
La tête vous tourne.
On y étouffe. On n’a qu’une envie : prendre congé et retrouver le plein air, là où il n’y a pas de chats de peluche et d’adjectifs de vieille cocotte.
Disons –le autrement : dans ces cas-là, Colette est trop chatte elle-même, langoureuse, alanguie et sensuelle, prenant la pose, se faisant admirer, son décolleté, ses fourrures, ses belles phrases, trop chatte de salon bien sûr, ou de salon de lecture, c’est la même chose, trop soyeuse et apprêtée pour rejoindre à l’air libre les chats, les vrais chats, ses rivaux, ses supérieurs.
Colette et Bâ-Tou l'once
Tout de même, il lui sera beaucoup pardonné à Colette. Précisément en raison de ses chats. Des vrais. De Saha la somptueuse et tendre chartreuse, de Kiki-la –Doucette, de Péronelle, de Krô, de Kapok, de Minione, de la Chatte Dernière, de tous ceux qu’elle a connus, qu’elle a rêvés, qu’elle a chantés, qui lui ont arraché parfois d’adorables pages, complices et tendres à la fois (car l’amour de Colette pour ses chats, littérature ou pas, n’a jamais rien eu d’une affectation, d’un faux-semblant) pour ne rien dire de Bâ-Tou qu’on lui confia un jour, non pas un chat de race mais une once, une panthère affectueuse et terrible qu’elle dut hélas assez vite confier à un zoo, elle en demeura inconsolable.
Quand elle cherche à faire parler ses chats, à les faire dialoguer, elle retombe dans tous ses travers.
Pourquoi leur donner la parole alors qu’ils n’ont rien à faire de notre langage ? Comme si elle les déguisait, les travestissait.
C’est très gênant pour eux- tout comme pour elle et pour nous ses lecteurs. Passons !
Mais le plus souvent, et adieu le côté de Willy, adieu les effets de style et les minauderies de salon, Colette se retranche et se retrouve derrière ses observations. Quel regard alors est le sien !
Les chats la réduisent, sinon au silence, du moins à une forme d’exemplaire économie dans la relation qu’elle en donne. On devient aussitôt son complice – et son admirateur sans réserve.
On n’oubliera pas de sitôt Mitsou, la petite chatte du Palais Royal observée de « Paris à ma fenêtre ».
La Chatte Dernière
De même que La Chatte, tout simplement, la Chatte avec un "C" majuscule que d’impertinents rouge- gorges narguaient et menaient par le bout du nez. Elle faisait celle qui s’en fichait, ou elle feignait d’avoir d’autres soucis en tête. Celui de dénicher par exemple une taupe dans le jardin. Et de gratter follement la terre friable à cette fin, juste pour se donner une contenance.
« Et elle creusait la terre diligemment…..Si diligemment que nous aperçûmes dans le trou, un groin lilas, des petites mains roses, un ventre en poire, des yeux que suppliciait la lumière du jour – une taupe, enfin une taupe tout entière et bien vivante….
- Bravo Chatte ! Vous avez trouvé une taupe ! Chatte, bravo !
- C’est ça une taupe ? s’écria sans paroles la Chatte. Dieu, quelle horreur !
Elle secoua de dégoût ses pattes qui avaient effleuré le monstre et s’enfuit. »
Pour une page de cet ordre, de cette tenue, Colette mérite tous les Panthéons, tous les paradis.
En compagnie de ses chats bien entendu !
Extrait du Dictionnaire amoureux des chats de Frédéric Vitoux
Illustration du livre paroles de bêtes