Derrière le discours, la prime à la casse

Publié le 5 Décembre 2009


Emploi
. A l’appel de leur syndicat CGT, les ouvriers de l’atelier industriel aéronautique de Cuers-Pierrefeu ont manifesté hier devant la mairie de Toulon pour défendre leur site.




Loin du déploiement policier de la veille lors du déplacement de Sarkozy à La Seyne, les abords de l’hôtel de ville de Toulon affichent ce mercredi matin des airs de faux calme. Quelques uniformes certes en faction mais si le « patron » de la mairie n’est pas là, c’est sans doute qu’il est ailleurs. Et puis les manifestants, au nombre d’une cinquantaine environ, ne représentent pas non plus une menace « injugulable ». « Nous n’avons pas réussi à faire l’unité, malheureusement, alors qu’à Bordeaux ou à Clermont-Ferrand, on a pu construire des actions unitaires » déplore Fabrice Giuliano, délégué CGT, le seul syndicat ayant appelé à la grève et à l’action en cette journée particulière puisqu’elle coïncide avec la tenue à Paris de la commission paritaire ouvrière à laquelle le maire et secrétaire d’Etat à la Défense devait assister.


« Il s’agit aujourd’hui de répondre aux attaques du ministère contre le statut d’ouvrier d’Etat. De lourdes menaces pèsent et notre statut a déjà été attaqué ces dernières années ». L’AIA-CP emploie encore actuellement 1080 salariés mais le pire reste à craindre. En 2011, 600 postes sont susceptibles d’être rayés d’un simple trait de plume tandis que le plan de charge pourrait, dans le même temps, être diminué de moitié. « Depuis septembre, nous luttons pour réclamer des embauches à statut, seules garantes de l’avenir du site. Au lieu de quoi on multiplie les emplois précaires.


Nous ne nous occupons plus que de 5 % des aéronefs du ministère, le gouvernement préférant l’externalisation du travail, au Portugal par exemple pour les hélicoptères Puma. C’est pourtant une charge de travail qui nous revient. C’est notre vocation et notre mission. On veut remplacer les ouvriers d’Etat par des embauches en CDD. On nous parle de sécurité des vols, de savoir-faire : nous, on est quand même là depuis trente ans ! » Dans un département où seules cinq entreprises, privées ou publiques, peuvent se « targuer » d’employer plus de 1000 salariés, l’atelier industriel de l’aéronautique fait figure de symbole en terme de résistance des sites industriels face à la tentation marchande de la liquidation. Une fois de plus, ce sont les salariés eux-mêmes qui l’incarnent.

 


JEAN-FRANÇOIS SICURANI

 


« Ce qu’ils ont fait en Lorraine… »

Sarkozy, Falco, Gaudin et consorts : le cirque Barnum de l’UMP a planté son chapiteau la veille du côté des CNIM et les clowns politiques s’en sont donné à cœur joie. De quoi en rire si le cœur n’était pas si lourd chez les ouvriers varois. Secrétaire général adjoint du syndicat CGT de l’atelier aéronautique, Jean-Luc Alberti témoigne d’une réalité tout autre : « Avec la loi de programmation militaire signée par Falco, ils ont cassé 54 000 emplois dans la Défense. Moins 70 000 emplois avec la révision générale des politiques publiques. Ici à Cuers, on veut faire des CDD de 3 ans, des ATMD, soit des agents techniques payés au smic. Sarko à La Seyne ? Ce qu’ils ont fait en Lorraine, ils le font ici. Moi, je viens des CNIM. Dans cette ville, ils ont déjà détruit l’industrie avec le plan Davignon. Il faut quand même le vivre… »

 Falco aux abonnés absents dans son bon département du Levant, Geneviève Lévy devrait s’y coller ce matin face à la délégation de ces ouvriers affreusement ronchons. « Nous, c’est le secrétaire d’Etat qu’on vient voir. Personne à droite ne prend ses responsabilités. Il n’y a guère que le député Vittel qui soit clair. Lui au moins nous dit qu’il est contre le statut d’ouvrier d’Etat et plus généralement contre les services d’Etat ».

Loin d’un quelconque corporatisme, les AIA-CP se font garants d’une lucidité sociale mais aussi économique : « Notre site est le poumon du Centre Var. Dans ce département, on en est déjà à 14 % de taux de chômage. Il faut savoir qu’un emploi d’ouvrier d’Etat induit quatre emplois indirects. Ici, on vient travailler des quatre coins du Var. Alors, leurs projets de privatisation, on sait ce que ça signifie. On l’a vu avec le GIAT, avec la Poudrerie.

 Le gouvernement a fait de DCN la DCN-S. Nous, on ne veut pas devenir l’AIA-CP-S ». L’essentiel du plan de charge actuel de l’atelier aéronautique se résume déjà à des missions réduites, pour l’essentiel la maintenance d’appareils vieillissants, hélicoptères Puma, Dauphin, Panthère et avions Super Etendard ou Atlantique proches du trépas. Une situation alarmante comme l’est celle de la nature des nouvelles embauches voulues par le ministère : « On nous parle de travail égal à salaire égal. Mais à DCN, selon que l’on est ouvrier d’Etat ou fonctionnaire, on peut toucher deux fois moins pour le même boulot. Est-ce que c’est normal ? Notre Défense, parce que c’est ça notre mission, n’est plus une Défense nationale mais une attaque nationale ! »


J-F.S.


journal la marseillaise

Rédigé par caroleone

Publié dans #PolitiqueS

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