Cuba : Les derniers indigènes aux premiers esclaves
Publié le 24 Avril 2013
Les derniers indigènes de cuba, les premiers esclaves
Lorsque les espagnols conquirent l’île en 1510, Christophe Colomb en avait déjà exploré les côtes lors de son premier voyage.
C’est aux environs de Baracoa, au nord de l’actuelle province d’Oriente que les 300 hommes enrôlés par Diego Velasquez De Cuellar débarquent pour assujettir le pays. Bartolomé de Las Casas fait partie de l’expédition.
Cette île vit d’une plus grande culture des terres agricoles que les autres îles des Antilles depuis un siècle et demi.
La population indigène de Cuba vers 1510 est estimée à 112.000 personnes, suite au passage des conquistadors, il reste moins de 5000 indiens quarante ans plus tard !
Velasquez et ses hommes débarquent à Baracoa (image)
Las Casas parle à son arrivée à Baracoa de 200.000 indigènes, que Velasquez propose de répartir entre ses compagnons d’armes sans préciser s’il s’agit de la population de l’île entière.
A Cuba: statue en hommage aux Taïnos image
Premiers contacts
On ne sait comment les indiens de l’île vont réagir !
Dans la région de Camagüey, plus de 2000 indiens ont appris l’arrivée d’étrangers et c’est les bras chargés de présents (cassaves, poissons, fruits) qu’ils viennent devant eux !
Le premier contact se passe bien, les espagnols mangent tranquillement quand tout à coup, l’un d’eux tire son épée, signal de la boucherie…..
Las Casas relate :
« ….un ruisseau de sang indien s’écoulait, comme si l’on avait tué beaucoup de vaches !... »
Première résistance
La résistance s’organise avec des combats plus importants et plus nombreux. Mais le naturel affable et peu guerrier des indigènes de Cuba donnent lieu à un aspect singulier et unique aux Amériques : il les incite au fatalisme, les conduisant au suicide. Des familles entières se réfugiaient dans la mort volontaire.
Ceux qui survivent au génocide mourront de misère et d’épuisement dans les mines. Certains historiens espagnols évoquent volontiers une épidémie de variole qui aurait tué le tiers de la population indigènes…..facile !!
LE CACIQUE HATUEY
Monument en hommage au cacique Hatuey Zoohouse
Hatuey était un cacique Taïno de l’île d’Hispaniola. Il arrive à Cuba après avoir été expulsé de son île qu’il nomme Ayiti en canoë avec 400 hommes en 1511.
Il prend de suite contact avec des tribus taïnos de l’est de l’île pour leur conseiller de lutter avec lui contre les conquistadors mais ces derniers très pacifistes ne le croient pas.
Il prend donc la tête de la révolte et réussi à confiner les espagnols dans le fort de Baracoa.
Ses actions
Il menait déjà pour l’époque une guerre de guérilla dans laquelle ses Taïnos attaquaient par surprise les espagnols, armés de bâtons, de pierres et de flèches. Les espagnols organisèrent l’extermination progressive des rebelles grâce à leur supériorité technologique.
La fin de Hatuey
Il est condamné à être brûlé vif sur un bûcher. Las Casas lui propose d’être baptisé afin d’accéder « au royaume des cieux ».
Ce dernier lui demande si les espagnols baptisés allaient au ciel après leur mort.
Sur la réponse affirmative du confesseur, celui rétorque :
« Bien, pas de baptême pour moi. Je ne veux pas rencontrer au ciel des gens aussi méchants. »
Il meurt le 2 février 1512 à Yara.
Il est devenu un héros légendaire à Cuba, le premier a avoir lutté contre le colonialisme du nouveau-monde et célébré comme le premier héros national de Cuba.
Le prénom Hatuey est d’ailleurs un prénom assez populaire.
LE CACIQUE GUAMA
Cacique Guama image
Il est plus efficace, avec ses guerriers il combat les espagnols pendant plus de 10 ans, de 1522 à 1533 Les rebelles ont trouvé refuge dans les montagnes aux environs de Baracoa, lorsqu’ils descendent vers les plaines, c’est pour effectuer des raids afin de saccager les semailles et capturer du bétail
La résistance des indigènes cubains n’est certes pas aussi centralisée militairement et aussi riche que celles des Aztèques, des Incas et des Araucans. Néanmoins, elle sème le doute dans l’esprit des conquérants, amenant Charles Quint lui-même à ordonner :
« …que l’on fasse la guerre aux aborigènes rebelles ; que toute personne puisse les tuer et capturer et leur faire tout le mal possible….
Et j’ordonne et donne licence et faculté pour que tous les indiens qui, en cette guerre et durant cette rébellion, seraient pris…soient esclaves des personnes qui les auraient capturés, lesquelles se serviront d’eux comme de leurs propres esclaves, les ayant pris en bonne et juste guerre ».
Vers 1538, les insurgés maintiennent leur pression sur les chemins qui ne sont pas sûrs pour les espagnols. Personne n’ose aller dans le pays, un évêque terrorisé fait dire au roi :
« Que les indiens ne laissent pas un seul chrétien vivant ! ».
Durant les années 40 de ce siècle, les indigènes sont en lutte, surtout les Cayos de la région de Camagüey.
L’armement espagnol réussira à vaincre et écraser cette société primitive condamnée par l’histoire.
En 1542, les indigènes sont déclarés libres par les « nouvelles lois » de 1542.
Les lois sont appliquées en novembre 1552 : il ne reste plus qu’environ 1800 indigènes à libérer, 200 sont amenés sur le territoire américain au Yucatan principalement pour travailler à la recherche de l’or.
Les quelques indigènes restant sont regroupés dans des villages dont le principal Guanabacoa qui comptait en 1570 « 60 indiens mariés ».
Au 18e siècle, deux communautés indiennes, Caney et Jiguani existaient encore sur l’île.
Cuba, à la suite d’Hispaniola est le deuxième territoire au monde à subir l’esclavage mit en place par les colons.
Les marrons et apalencados
Leur nombre augmente au fur et à mesure que se développe la traite des noirs en Afrique. Pendant plusieurs siècles, les fugitifs s’opposent au régime colonial et s’échappent dans les marécages et les montagnes pour échapper aux rancheadores.
Le marronnage, de l’espagnol » cimarron » était le nom donné à la fuite d’un esclave hors de la propriété de son maître en Amérique, aux Antilles ou dans les Mascareignes à l’époque coloniale.
Le fuyard était appelé marron, nègre marron, cimarron. Ce mot emprunté aux Arawaks désigne des animaux domestiques qui retournent à la vie sauvage comme le cochon.
Dès 1540, ce terme désigne les esclaves fugitifs mais aussi, les indiens fugitifs et définira peu à peu le « sauvage « qui retourne à la nature.
Tous ne prennent pas le maquis, ils vont combattre les espagnols d’une autre façon : le piratage.
Pirate des Caraïbes
"Mourons en hommes libres plutôt que d’être vendus en esclaves !"
Les côtes cubaines n’étant pas gardées, les marrons s’enrôlent sur des navires d’aventure qui écument la mer des Caraïbes. Ils ne choisissent guère entre corsaires, flibustiers et pirates, l’essentiel pour eux étant de vivre libre et de combattre le colon espagnol en le pillant.
L’un d’eux s’illustra : Diego Grillo, capitaine Diaguillo : ses raids ont fait des ravages au large du Nicaragua et du Honduras sous les ordres du hollandais Cornelis Jol’s( jambe de bois), avec lequel il attaque la flotte d’argent espagnole.
Connu sous les noms de Diego le mulâtre, Diego de la Cruz, Diego le métis, Diego Grillo, Diego Lucifer ou Diègue, il est né à la Havane d’une maman noire et peut-être du général hollandais Hendrick Jacobsz Lucifer, comme son surnom pourrait le laisser penser.
Sa base était l’île de Guanaja dans le golfe du Honduras d’où il lançait ses opérations. Le roi d’Espagne excédé ordonna sa capture, ce qui n’impressionna guère notre pirate qui se renforça avec une flottille de 6 navires en 1645 qui sillonnaient les côtes de Tabasco.
Pendant plus de 40 ans, ce modeste enfant noir de La Havane fut un clin d’œil du destin en pillant les mers grâce à ses qualités de marin et de soldat dans un milieu majoritairement « blanc ».
Pour en savoir plus sur Diego Grillo :
Les premiers indigènes
Ce sont les Guanahatabeyes qui venaient des forêts des actuels Vénézuela et Colombie. Ils se sont réfugiés à l’ouest à l’arrivée des Tainos et des Ciboneys qui eux sont originaires du delta de l’Orénoque.
LES CIBONEYS
C’est un peuple indien de la mer des Caraïbes qui habitait des îles d’Hispaniola et Cuba.
Leur nom arawak signifie « ceux qui habitent les grottes », mais leurs traits font néanmoins penser qu’ils sont proches des anciennes populations établies en Floride.
C’était un peuple semi-nomade de chasseurs cueilleurs, qui vont être relégués dans les régions retirées des îles par les Taïnos lors de l’arrivée des premiers européens.
On distinguait deux catégories de Ciboneys, les Cayo redondo qui utilisaient les coquillages et les Guyabo blanco qui travaillaient la pierre.
The roots of Cuban cuisine begins with the Taino and Arawak Indians, the indigenous people of the area known as Hispanola.
LES TAINOS
Leur nom veut dire : « peuple bon et paisible »
C’était une ethnie amérindienne du groupe des Arawak, qui habitait les grandes Antilles et dont descendent de nombreux antillais, cubains, haïtiens, portoricains et dominicains.
Langue : arawak
Malgré tout la symbolique et la mythologie des Taïnos est liée au mayas du Yucatan et du Guatemala.
Société
Elle était représentée par 3 classes sociales :
- Les naborias : villageois travaillant la terre
- Les nitainos, nobles des tribus
- Les bohiques : chamans ou prêtres, et le cacique (chef de la tribu)
Traditions
Ils vivaient dans les clairières de la forêt à l’intérieur des terres et leur habitat était de deux style :
- Le bohio, habitat commun circulaire
- Le caney, plus grand et rectangulaire, habitat du cacique et de sa famille
Les habitations abritent des familles élargies, composées d’aïeuls, d’oncles et de cousins, en plus du noyau principal.
Ils étaient construits à base de feuilles de hinea et de bois.
Ils dormaient dans des hamacs (nom d’origine taïna) tissés en coton
Reconstitution d'un village Taïno à Cuba
Les hommes portaient un taparrabos(cache-sexe), les femmes mariées avaient un pagne de paille, de coton ou en feuilles, les femmes célibataires vivnat nues.
Ils s’appliquaient de la peinture sur le corps de couleur noire, blanche, rouge et jaune ainsi que des tatouages religieux qui les protégeaient des mauvais esprits.
Leurs oreilles et leurs lèvres étaient ornées avec de l’or, de l’argent, des pierres, des os et des coquillages.
Ils fabriquaient :
Des paniers, de la poterie, des céramiques, des filets de pêche, ils travaillaient l’or et sculptaient le bois.
Les caciques étaient polygames pour au moins deux raisons : il y avait de nombreuses jeunes filles nubiles et ne pas avoir d’enfants représentait une honte chez les Taïnos.
Religion
Deux dieux sont vénérés : le dieu du bien, Yukiyu et celui du mal, Juracen.
Le monde taïno est divisé en 4 parties et un centre gouverné respectivement par le soleil et son jumeau Guatauba, tous les deux sont fils du dieu Yocahu, créateur des montagnes et du feu.
Coastrique, jumeau nocturne de la mort gouverne les trombes d’eau.
Leurs premiers dieux prennent corps dans les cemíes (ou zemi), des idoles, généralement en bois, auxquelles on offre des aliments et des objets cérémoniels, ainsi que de longs jeûnes.
Chaque communauté a ses divinités, mais chaque individu a aussi son dieu tutélaire. Comme dans toute société agricole, une grande partie des cultes sont liés à la fertilité, le principe masculin étant associé à l’eau. La coutume consistant à immerger dans les étangs des récipients de terre cuite aux formes phalliques en est la preuve.
Dans les champs de culture, ils placent des objets en pierre dont les formes rappellent le manioc et le yucca, soit la base de leur alimentation.
Le dieu principal est Yocahu Vagua Maorocoti ; le premier mot l’identifie comme le seigneur du yucca, le second fait référence à la mer et le troisième à son absence d’ancêtres, autrement dit au fait qu’il est le principe de toute chose et qu’il a été créé par la terre-mère. Une autre déesse majeure était Guabancex, un cemí bénéfique et maléfique à la fois, qui était à l’origine des eaux, des vents et des ouragans.
La structure politico-sociale qui est de caractère théocratique et guerrier donne au cacique et au bohique les pouvoirs surnaturels du dieu de la nuit.
Pour entrer en contact avec les esprits, le rituel de la cohoba (arbre de joie, hallucinogène) était pratiqué.
Au cours de cérémonies religieuses, le behíque dialogue avec les dieux, avec le cacique et ses conseillers (nitaïns), sur la place. Tout d’abord, le behíque s’introduit dans le gosier une spatule, généralement en côtes de lamantin, au manche décoré. Il parvient ainsi à vomir et à se purifier avant de se livrer au cemí. Ensuite, il inhale une poudre hallucinogène tirée de l’arbre appelé cohoba. Parvenu à l’extase, il dialogue avec les dieux pour connaître leurs desseins. Si la réponse est satisfaisante, les danses et les chants nommés areitos peuvent commencer ; si elle ne l’est pas, les behíques jeûnent pour obtenir la grâce des dieux.
Bohique ou chaman préparant une "cérémonie"
La cohoba était placée sur un cemí, doté d’une plateforme en forme de coupelle, généralement faits de bois incrusté d’or, de nacre, d’os et de pierres précieuses.
Behíques et caciques s’entouraient d’objets de valeur qui indiquaient leur condition, en particulier les guanín, feuilles en alliage d’or, d’argent et de cuivre qu’il se plaçait sur la poitrine ou le visage.
La mythologie taïna compare les esprits des hommes, des animaux des plantes aux êtres inanimés, cet animisme confère aux chamans de grands pouvoirs, c’étaient les seuls à pouvoir entrer en contact avec les esprits.
Vie courante
Les Taïnos, gens bienheureux, ignoraient les notions de propriété privée et d’état ainsi que la notion de profit !
Ils vivaient de l’agriculture pour laquelle ils maîtrisaient l’utilisation des engrais et un système d’irrigation.
Leurs cultures : manioc, pomme de terre, maïs, cacahuète, piment, ananas, patate douce, coton tabac.
Ils chassaient de petits rongeurs, des iguanes, des oiseaux et des serpents, pêchaient à l’hameçon, aux filets et avec du poison.
Le manioc fermenté constituait une boisson enivrante nommée uicu.
Le pain, sorte de galette circulaire de manioc, cuite au soleil s’appelait cazabe, il était consommé quotidiennement.
Loisirs
Des danses sacrées (areytos) accompagnées d’instruments de musique dont le tambour.
Le jeu de pelote, bahey, joué avec une balle de caoutchouc rebondissante inconnue des occidentaux.
En débarquant sur l'île d'Hispaniola, les Espagnols découvrent l'existence d'un jeu de balle chez les Indiens taïnos. L'occasion de paris importants : de l'or, des bijoux et même des esclaves. Les conquistadors sont fascinés par cette balle en caoutchouc qui rebondit deux fois plus que leurs ballons européens. Christophe Colomb en rapportera une à Séville, et provoquera l'admiration de tous.
Le tabac était très utilisé lors des rituels.
Plusieurs vocables de langue française sont dérivés de la langue taïno : ananas, canoë, goyave, caraïbe, tabac, manioc, iguane, savane, patate, ouragan
Lorsque les navigateurs européenns arrivent aux îles, les Taïnos sont en train d’être vaincus par une ethnie rivale, les Caraïbes.
Selon Bartolomé de Las Casas , en 1508, il restait environ 60.000 taïnos sur l’île d’Hispaniola. En 1531, l’exploitation dans les mines, les suicides, les exterminations et les maladies ont réduit le nombre à 600, soit une diminution de 80 à 90 % !!
Néanmoins, selon l’étude de l’ADN mitochondrial (maternel) par le docteur Juan Carlos Martinez Cruzado, il est permis de penser que 61.1% des portoricains et 15% des dominicains descendent en droite ligne d’une femme taïno.
Cuba dans l’empire espagnol d’Amérique
Des esclaves, des rebelles, des pirates, des libérateurs
Pour affiner mon texte, voici cette chronologie que je trouve très bien faite !
27 octobre 1492 : Cuba, la « perle des Antilles », est découverte par Christophe Colomb. L’explorateur décrit ses villages aux rues droites et ordonnées qu’il compare à des camps. Très rapidement, l’île va occuper une position stratégique majeure sur la route maritime reliant l’Espagne à l’Amérique latine. Elle devient également une base de départ pour l’exploration des pays riverains du golfe du Mexique. Dans les premières décennies de la conquête, les colons fondent des petites villes qu’ils ne quittent guère, en raison de la crainte que leur inspirent les Indiens. Les montagnes leur restent étrangères pendant de longs siècles : une grande partie de l’île est ainsi demeurée jusqu’au XXe siècle à l’écart de toute autorité étatique.
1494 : Second voyage de Colomb à Cuba dont il explore la côte méridionale. Il pense alors que l’île est la Terre ferme, c’est-à-dire le continent.
1494 : La première colonie est installée à l’est de Cuba, dans le port de Santo Domingo, sur l’île d’Hispaniola dont le premier gouverneur est Nicolas de Ovando.
20 juin 1500 : L’humanisme chrétien anime la monarchie espagnole. La reine Isabelle la Catholique se prononce contre la politique esclavagiste de Colomb et accorde aux Indiens le statut de vassaux plutôt que celui d’esclaves. Une instruction datée de décembre 1503 réitère l’ordre royal de traiter les indigènes en égaux des Espagnols, avec lesquels ils ne forment qu’un seul peuple. L’Indien ne doit être soumis qu’à la mita, c’est-à-dire au travail obligatoire mais rémunéré. Les Rois catholiques considèrent l’évangélisation des Indiens comme leur premier devoir.
1503 : Massacre d’Indiens à Xaragua (dans l’île d’Hispaniola) mené par Ovando.
14 juillet 1503 : Création à Séville de la Casa de contratación. Les Rois catholiques confient à cette chambre de commerce le contrôle du mouvement des marchandises et des personnes entre Séville et les Antilles. Elle est surtout chargée de percevoir le quint royal sur les métaux précieux.
1508 : Sebastian de Ocampo prouve que Cuba est une île en la contournant entièrement avec ses deux caravelles.
1509 : L’Inquisition est instaurée par cédule royale dans le Nouveau Monde. L’Église joue immédiatement un rôle important dans l’administration et s’implante de ce fait très rapidement dans l’île.
1511 : Le gouverneur d’Hispaniola, Diego Colón, décide la conquête de Cuba, entreprise dont il charge Diego de Velasquez, présent depuis 1494 dans les Caraïbes où il est arrivé avec Colomb. Velasquez prétend adopter à l’égard des Indiens des méthodes moins brutales que celles de Ovando. Les conquistadores, partis de l’île d’Hispaniola, débarquent à Baracoa, ville peuplée de Taïnos. L’adversaire de Velasquez, le cacique indien Hatuey,est capturé par les Espagnols puis brûlé vif. Le dominicain Las Casas rend compte de cet événement qu’il déplore. Si la résistance indienne ne cesse pas avec la mort de Hatuey, les indigènes sont néanmoins forcés de fuir dans les montagnes. On les désigne alors sous le nom de Cimarrones.
Né non loin de Valladolid en 1465, Velasquez est l’un des plus grands conquistadores des Indes occidentales. Il est décrit comme « un homme de grande valeur, d’une beauté singulière, d’agréables manières et d’une grande force de caractère ». Respecté de tous pour son efficacité, il est l’un des hommes les plus riches de l’Amérique de ce temps et possède, sur la place principale de Santiago de Cuba, une superbe demeure de style mauresque qui rappelle celles de Séville. Il occupe également la fonction de « répartiteur d’Indiens » qui consiste à distribuer ces derniers entre les propriétaires. En dépit du caractère injuste de ce système, il tente d’assurer aux indigènes le meilleur traitement possible.
En tant que gouverneur de Cuba, Velasquez est à l’origine de la fondation de sept cités qui reçoivent le titre de villas correspondant à un certain nombre d’attributs, dont un conseil des familles participant à l’administration de la ville et des terres d’alentour. Le gouverneur fonde ainsi Notre-Dame de l’Ascension dans la province indienne de Baracoa en 1511, puis dès 1514 la Sanctissime Trinidad dans la baie de Cienfuegos, Sancti Spiritus et San Cristobal de La Habana (alors sur la côte sud). Suivent en 1515 Santa Maria de Puerto Principe et Santiago, dont Hernan Cortés devient le premier maire.
Les gouverneurs qui lui succédèrent n’ont guère laissé de témoignages utilisables par les historiens. Cuba n’a eu pour gouverneur qu’un capitaine général rattaché au vice-royaume de la Nouvelle-Espagne, le Mexique, et relevant pendant longtemps de Saint-Domingue pour sa juridiction, les officiers royaux dépendant de la Casa de contratación de Séville.
1513 : Les terres de l’île deviennent espagnoles. Par un décret royal, Ferdinand d’Aragon fixe les droits et devoirs des colons qui doivent s’organiser en encomienda. Il s’agit de répartir les Indiens entre les domaines auxquels ils seront rattachés et où ils serviront. En échange, les encomenderos devront entretenir et armer un cheval, au service de l’État. Toutefois, les projets de Velasquez s’avèrent difficiles à réaliser car les Indiens meurent, refusent de travailler ou s’enfuient.
1514 : Fondation de Santa Maria de Puerto Principe sur le site de l’actuel port de Nuevitas. La ville est rapidement transférée à l’intérieur des terres en raison de la fréquence des incursions des pirates. Elle porte aujourd’hui le nom de Camagüey.
1517 : Une première expédition menée par Francisco Hernandez de Cordoba part de La Havane pour le Yucatán. Beaucoup d’Européens quittent Cuba où ils avaient escompté faire rapidement fortune en trouvant de l’or. Ainsi, Hernan Cortés, arrivé en 1511 avec Velasquez, lance une expédition vers le Mexique depuis l’île en 1519. Ces expéditions à partir de Cuba, véritable marchepied vers l’Amérique centrale et méridionale, constituent un tournant dans l’histoire de l’île et de l’empire espagnol en Amérique.
1518 : La première cathédrale de Cuba est construite à Baracoa.
Baracoa
Baracoa : statue d'Hatuey
1522 : Le siège cathédral est transféré à Santiago en raison des difficultés de communication dans la région de Baracoa. Les évêques résident pour leur part à La Havane.
1523 : Début de la culture de la canne à sucre à laquelle la température élevée et la grande humidité des sols de Cuba sont propices. L’économie de l’île a longtemps dépendu de cette monoculture vers laquelle se sont tournés les colons, constatant l’impossibilité de s’enrichir par la seule exploitation des ressources minières, rapidement taries. Dès l’origine, le sucre constitue une véritable monnaie.
Esclaves ramassant la canne à sucre
Cuba fonde sa richesse à la fois sur le commerce illicite avec les pays voisins (îles des Caraïbes, Mexique, Amérique du Sud) et sur le commerce avec la métropole espagnole et ses autres colonies.
1524 : Mort de Velasquez.
1525 : Le pouvoir royal espagnol délaisse les îles des Antilles pour la Terre ferme. Il se décharge sur les colons qui restent à Cuba des frais d’administration et, ce faisant, leur cède le pouvoir réel. C’est l’origine de la puissance des « seigneurs de la terre » de Cuba.
1527 et 1529 : Des colons sont tués par des Indiens.
1527 : Des mesures sont prises contre la dépopulation de l’île due à l’extinction progressive des Indiens, qu’ils soient originaires de Cuba ou bien importés des îles voisines : un millier d’esclaves noirs doivent arriver à Cuba pour les remplacer dans les plantations. La traite vers Cuba débute alors mais ne prend vraiment son ampleur qu’à partir de 1595.
1529 : Sous la pression de Las Casas, le roi d’Espagne crée le statut de protecteur des Indiens.
1537 : Les côtes cubaines subissent les assauts des corsaires français. Santiago est attaquée en 1538, 1540, 1554 et 1558. En 1555, la campagne française atteint son apogée lors du sac de La Havane par le corsaire Jacques de Sores. Pour la première fois dans l’histoire de Cuba, Blancs, Noirs et Indiens s’allient pour défendre leur île.
1538 : Les gouverneurs de Cuba, les adelantados qui sont d’anciens conquistadores, quittent leur résidence de Santiago pour s’établir à La Havane. Les autres villes sont tenues par un lieutenant.
1538 : Rébellion noire à Cuba.
1541 : La Couronne interdit le système de l’encomienda.
1544 : D’après les chiffres d’un contemporain, la population de l’île avoisine les 7 000 habitants dont 5 000 Indiens, 800 esclaves noirs et 660 colons espagnols. On estime que les Indiens étaient une centaine de milliers un siècle plus tôt.
Milieu du XVIe siècle : Les navires chargés d’argent provenant du Pérou et du Mexique font escale à Cuba. L’île devient dès lors une étape incontournable sur la route des Indes occidentales et du Nouveau Monde.
1561 : Philippe II ordonne l’érection à La Havane de forteresses et d’un ensemble défensif dont le Castillo de la Real Fuerza est l’emblème. Cependant, l’île demeure la proie des pirates français, portugais puis anglais car le reste des côtes n’est pas fortifié.
1570 : Seules 270 familles espagnoles sont présentes à Cuba car l’or y est déjà épuisé.
1574 : Le gouvernement espagnol reconnaît les mariages mixtes.
1576 : Les premières plantations de sucre de grande taille apparaissent. De nombreux esclaves noirs y travaillent. On estime leur nombre à 20 000 en 1606. À la fin du XVIe siècle, l’industrie du sucre prend son véritable essor grâce à cette main-d’œuvre.
1586 : Voyage du roi Philippe II à Cuba.
1595 : Quinze colons de La Havane parviennent à construire chacun leur moulin à sucre, l’ingenio mû par la force hydraulique.
Récolte de la canne à sucre
Le XVIIe siècle voit l’établissement de la société coloniale et la naissance d’une classe de grands propriétaires qui s’enrichit considérablement en peu de temps. Les colons parviennent alors à établir les fondements d’une économie prospère et non plus de simple subsistance, comme c’était le cas au siècle précédent. L’importance des ports de La Havane et de Santiago se renforce du fait de leur situation sur la route vers les Amériques.
Début du XVIIe siècle : On commence à exporter du sucre vers l’Espagne. Cuba est la première île de l’empire espagnol d’Amérique à utiliser des esclaves et, avec Porto Rico et Hispaniola, à cultiver la canne à sucre. Le tabac, cultivé entre La Havane et Trinidad, ainsi qu’à l’ouest de l’île, vers Pinar del Río, devient à son tour une production importante. Ces deux cultures sont les moteurs de l’économie de l’île.
1606 : Cuba est divisée en deux gouvernements : La Havane et Santiago.
1609 : Fondation de la ville de Santa Clara dans la plaine centrale de Cuba.
1614 : La Couronne autorise la libre production de tabac, alors considéré comme « chose d’Indien ou de Nègre : une surprenante trouvaille et dangereuse tentation du Diable ».
1628 : Alors que l’Espagne est en guerre contre les Hollandais, ces derniers tentent de s’emparer de La Havane. Piet Heyn et ses hommes attaquent la flotte d’argent qui arrive du Mexique. Elle est constituée de métaux précieux du Nouveau Monde acheminés par mer vers l’Espagne. À l’aide d’une flotte de 32 navires, de 700 canons et de 3 500 soldats, Piet Heyn parvient à s’emparer de 8 navires et de leur extraordinaire butin : « de l’argent, de l’or, des perles, de l’indigo, du sucre, de l’acajou et de riches fourrures ».
Milieu du XVIIe siècle : Cuba compte 30 000 habitants. Les nouveaux colons sont peu nombreux. Le changement se produit en 1655 avec l’arrivée de 10 000 colons espagnols venus de Jamaïque, forcés à l’exil par les Britanniques, après l’envoi par Oliver Cromwell d’une flotte chargée d’attaquer les possessions espagnoles des Antilles. Des Noirs arrivent de Saint-Domingue à partir de 1791 et de Louisiane après 1808.
1670 : L’Espagne signe un traité avec l’Angleterre : les Anglais présents en Jamaïque cessent alors leurs attaques contre Cuba. Un traité similaire est signé avec la France en 1697. La fin du XVIIe siècle apporte l’espoir de voir la sécurité et la paix s’installer à Cuba pour une durée prolongée.
1717 : Une cédule royale établit le monopole de la Couronne sur la commercialisation à prix fixé du tabac, si bien que les paysans cultivateurs de tabac, les vegueros, se rebellent et obligent les hauts fonctionnaires à fuir en Espagne.
Juillet 1741 : Les Anglais, qui représentent depuis longtemps une menace pour Cuba, s’emparent de Guantànamo, renommée baie de Cumberland : ils ne se sont pas attaqués à La Havane ni à Santiago, trop bien défendus. Cette victoire de l’amiral Vernon marque le début d’une ère nouvelle où l’hégémonie sur Cuba est disputée entre l’Espagne et l’Angleterre, puis entre l’Angleterre et les États-Unis.
Milieu du XVIIIe siècle : Le banditisme se développe dans les campagnes. Au XIXe siècle, il fournira bon nombre de soldats à l’armée rebelle indépendantiste.
1762 : Les Britanniques occupent La Havane et une partie du nord de l’île pendant la guerre de Sept Ans. La défaite est particulièrement humiliante pour Cuba qui tombe aux mains du comte d’Albemarle et de ses 14 000 soldats. Cuba s’ouvre alors au commerce international, notamment grâce au port de La Havane.
1763 : La souveraineté espagnole est rétablie à la suite d’accords entre la France, l’Espagne et la Grande-Bretagne. Le gouverneur de La Havane, le comte de Ricla, entreprend la restauration et l’aménagement du port, tirant parti des conseils éclairés des Anglais. Le commerce devient libre entre Cuba et la plupart des ports espagnols dans les années qui suivent.
L’île bénéficie également des réformes souhaitées et entreprises par le roi Charles III qui règne de 1759 à 1788 : des progrès sont accomplis dans l’agriculture, de nouvelles routes sont construites et plus de 70 Sociétés des Amis du pays sont créées par des notables favorables à la recherche économique et sociale.
1779 à 1783 : Lors de la guerre d’Indépendance des États-Unis, débutée en 1776, Cuba noue des liens commerciaux avec les différents États américains. De nombreuses familles de planteurs cubains s’enrichissent alors et profitent en outre de la révolte des Noirs de Saint-Domingue, de 1791 à 1795, qui permet à Cuba de devenir la grande île sucrière. Elle se substitue à Saint-Domingue comme première exportatrice de sucre vers l’Europe et le reste du monde. Les ingenios, c’est-à-dire les plantations, se multiplient sur les côtes et à l’intérieur du pays. Deux régions sont particulièrement vouées à la culture du sucre : la vallée de Güines et la plaine de Colón.
Dès la fin du XVIIIe siècle, le sucre est devenu l’élément essentiel de l’économie cubaine. La monoculture sucrière explique la dépendance économique de l’île vis-à-vis de l’extérieur. Dès 1798, Arango y Parreño note que « Cuba n’a d’autre alternative que celle-ci : ou périr ou vendre son sucre à l’étranger, sans aucune interruption ». En 1800, la production de sucre atteint 26 000 tonnes, contre 1 450 en 1762.
D’un point de vue politique, l’île se divise en deux gouvernements, celui de La Havane et celui de Cuba, qui comprend les districts de Santiago, Bayamo, Holguín et Baracoa, situés dans la partie orientale de l’île. Celle-ci est sous l’autorité d’un capitaine général, Luis de Las Casas y Aragorri de 1790 à 1796.
1789 : L’autorisation d’introduire librement des esclaves à Cuba succède au système de contrôle et de contrats. La traite devient alors une source d’activités des plus lucratives.
1790-1867 : Plus de 780 000 esclaves arrivent à Cuba. Ainsi l’île est le premier importateur d’esclaves de l’empire espagnol.
1790 : Le travail salarié se développe, surtout dans la culture du tabac et l’industrie du sucre.
1791 : Rébellion des esclaves à Saint-Domingue. À partir de 1793, de nombreux réfugiés français arrivent à Cuba où ils contribuent à la révolution agricole : les plantations de café de type français s’y étendent et la production de ce précieux produit connaît une croissance considérable.
1795 : Nicolas Morales, un Noir libre, crée une organisation favorable à l’indépendance et à l’abolition des taxes levées par le gouvernement espagnol. Pour la première fois, l’idée d’indépendance est évoquée à Cuba.
1790-1860 : L’île connaît l’apogée de l’économie coloniale, favorisée par l’arrivée de nombreux immigrants venus des îles voisines, qui représentent une nouvelle force de travail.
La crise de l’Empire espagnol et la longue marche vers l’indépendance
Le XIXe siècle correspond à l’effondrement du système colonial espagnol en Amérique latine. La plupart des pays de l’empire espagnol acquièrent leur indépendance entre 1808 et 1824, alors qu’à Cuba toutes les tentatives de révolte échouent.
L’île intéresse beaucoup les États-Unis. Le président Thomas Jefferson déclare ainsi que, en cas de guerre entre son pays et l’Espagne à propos de la Floride occidentale, les Américains s’empareraient aussi de Cuba dont la position centrale dans le golfe du Mexique représente un atout géostratégique évident. Dans un tel contexte, celui de la fin de l’empire espagnol et de la montée en puissance du grand voisin nord-américain, Cuba s’apprête à vivre, au cours du siècle qui s’ouvre, une histoire des plus mouvementées.
1800 et 1804 : Le baron Alexandre de Humboldt, linguiste et homme politique allemand, visite Cuba et rédige un Essai politique sur l’île de Cuba qui révèle aux Européens ses potentialités en matière économique. Il se lie d’amitié avec Arango, un riche planteur favorable aux nouvelles techniques agricoles.
1804 : Santiago devient archevêché. Cuba compte désormais deux métropoles : La Havane et Santiago.
1807 : L’Angleterre condamne la traite des esclaves africains et critique la poursuite, au profit de Cuba, de cet « odieux commerce ».
1810 : Une rébellion indépendantiste est menée par des Noirs libres dirigés par des créoles francs-maçons. En réaction, une milice de jeunes Blancs se crée d’elle-même pour soutenir les autorités coloniales et la rébellion est réprimée.
1812 : Nouvelle rébellion menée par Aponte, un homme libre de couleur. Celle-ci est sévèrement réprimée. La fréquence des rébellions d’esclaves s’explique par la dureté de leurs conditions d’existence dans les plantations. À l’inverse, les « nègres à talent » ou esclaves domestiques se considèrent supérieurs aux « nègres de culture » et sont mieux traités par leurs maîtres.
1817 : Sous la pression anglaise, l’Espagne accepte de renoncer au commerce des esclaves avant 1820, mais Cuba poursuit la traite.
1818 : La fin du monopole du tabac permet le développement de l’exportation des cigares.
1819 : Fondation de la ville de Cienfuegos par des colons originaires de Bordeaux et de La Nouvelle-Orléans. Elle leur doit le tracé élégant de son plan néo-classique. Cienfuegos est aujourd’hui le troisième pôle industriel du pays après La Havane et Santiago.
1820 : Introduction de la machine à vapeur. Le moulin commence alors à se transformer en sucrerie.
1820-1868 : Cuba connaît des années agitées et ponctuées par diverses révoltes et manifestations indépendantistes.
1823 : Le futur président Adams, alors secrétaire d’État du président Monroe, déclare à propos de Cuba : « Il y a des lois de gravitation politique, comme il y en a de gravitation physique, et de même qu’une pomme détachée de l’arbre par la force du vent ne peut, si elle le voulait, ne pas tomber à terre, Cuba, une fois rompue la connexion qui l’unit à l’Espagne, doit nécessairement graviter vers l’Union nord-américaine. » Quelques mois après Adams, c’est Jefferson qui parle de la possible acquisition de Cuba par les États-Unis. Ces déclarations précèdent la formulation au mois de décembre de la même année de la doctrine Monroe, véritable programme de mainmise nord-américaine sur l’ensemble du Nouveau Monde, au nom de la lutte contre les vieilles métropoles coloniales européennes. À partir des années 1820, l’intérêt des États-Unis pour Cuba s’accroît : les dirigeants de Washington considèrent désormais que la question de Cuba relève de la sécurité nationale.
Au cours des années 1820, Cuba connaît une prospérité sans pareille. En 1827, l’île ne compte pas moins de 3 000 ranches, 5 000 plantations de tabac, 1 000 moulins à sucre et 2 000 grands domaines où l’on cultive le café.
Années 1830 : L’Angleterre abolit l’esclavage dans ses colonies antillaises et fait pression pour que Cuba l’imite. À partir de 1837, les soulèvements favorables à l’abolition de l’esclavage s’y multiplient.
La décennie 1830 voit le fossé s’élargir entre les créoles et les Espagnols. Les premiers souhaitent l’abolition de la traite et de l’esclavage à laquelle s’opposent les seconds. Le créole José Antonio Saco est abolitionniste, mais il revendique aussi l’autonomie de l’île afin que la classe dirigeante locale puisse prendre part aux affaires. Il doit s’exiler. Un courant « annexionniste » apparaît parmi les créoles : des individus se tournent vers les États-Unis auxquels ils souhaitent rattacher Cuba pour des raisons économiques et de sécurité intérieure. Mais les annexionnistes connaissent des échecs répétés en 1848, 1851 et 1854 en raison de leur faible nombre puis de l’opposition de Saco qui souhaite la totale indépendance de l’île.
1836 : Le général Tacon refuse d’appliquer à Cuba la Constitution libérale qui vient d’être adoptée en Espagne. Les députés cubains ne sont pas autorisés à siéger aux Cortes à Madrid, ce qui confirme la vanité des efforts du parti réformiste réunissant de grands propriétaires, des négociants créoles et des intellectuels.
1839 : Une bulle pontificale interdit la traite et condamne ceux qui la pratiquent à l’excommunication.
1840 : Cuba, qui produit alors 200 000 tonnes de sucre, 4 millions de tonnes de tabac et 536 000 quintaux de café, connaît toujours une très grande prospérité.
1841-1843 : Le capitaine général Geronimo Valdes s’oppose à l’arrivée de nouveaux esclaves à Cuba et en affranchit de nombreux. Cependant, 200 000 esclaves au moins débarquent encore dans l’île entre 1840 et 1860. En 1841, l’île compte 420 000 esclaves, soit 43 % de sa population. Le système esclavagiste perdure jusqu’à une date tardive, notamment pour satisfaire les grands propriétaires latifundistes. Les Blancs, minoritaires dans l’île, sont effrayés à l’idée que l’émancipation des Noirs risque de les conduire à s’organiser contre eux.
1843 : Début de la rébellion des esclaves des plantations sucrières de la région de Cardenas. Elle porte le nom de conspiration de La Escalera, du nom de l’échelle de bois à laquelle on attachait les esclaves pour leur faire passer le goût de la révolte. Cette rébellion, qui mêle à la fois esclaves et Noirs libres, est la plus importante depuis celle d’Aponte en 1812 et avant celle de 1868. Des centaines de Noirs sont arrêtés.
Vers 1850 : L’industrie du tabac est florissante, les ateliers s’agrandissant et le machinisme faisant son apparition. La Havane compte alors 15 000 ouvriers du tabac qui produisent les fameux cigares. À la même époque, Cuba est le troisième producteur mondial de café.
1848 et 1854 : Les États-Unis proposent à l’Espagne d’acheter Cuba dont ils sont devenus le principal partenaire commercial. Les liaisons maritimes entre les ports américains et cubains sont très fréquentes et les navires américains s’approvisionnent à Cuba en sucre, cacao, tabac et café. L’Espagne n’occupe plus désormais que le second rang dans les échanges commerciaux de l’île, où les Américains sont désormais fort nombreux à s’établir. Ils y envoient des émissaires, des hommes chargés de développer la haine à l’égard de l’Espagne et d’encourager les partisans de l’annexion. Parmi ces individus se trouve Narciso Lopez, un ancien officier espagnol qui a été gouverneur de Valence et de Madrid. Il émigre à Cuba et, inspiré par les idées de Bolivar, devient partisan de l’indépendance. Il lance deux expéditions pour libérer l’île et la rattacher aux États-Unis, la première depuis La Nouvelle-Orléans en 1850 et la seconde l’année suivante. Il est alors fait prisonnier et exécuté peu de temps après.
1853-1873 : 130 000 coolies chinois arrivent pour travailler dans les plantations et la construction ferroviaire.
Coolies chinois à Cuba
1860-1861 : Pour la première fois, le recensement montre que la population blanche est majoritaire.
1865 : Après l’échec de l’annexionnisme, naissance du parti réformiste qui obtient la constitution d’une Junte d’information. Celle-ci doit se réunir à Madrid pour examiner les problèmes de Cuba et élaborer les fondements des lois spéciales prévues pour l’île. Elle fonctionne de 1865 à 1868. Les réformistes, en dépit de leur nom, ont été les défenseurs des propriétaires esclavagistes. Ils se montrent favorables à la liberté du commerce avec les États-Unis et demandent une réforme douanière, la fin de la traite et une représentation aux Cortes. Les négociations échouent et les grands propriétaires envisagent alors la lutte armée comme ultime solution pour obtenir l’indépendance.
10 octobre 1868 : Début de la révolution de Yara et de la guerre de Dix Ans. Carlos Manuel de Céspedes proclame Cuba libre dans sa propriété de La Demajagua : il s’agit du premier acte de trente années de lutte pour l’indépendance. Cette journée a été préparée de longue date par un groupe de patriotes de Manzanillo, parmi lesquels deux grands propriétaires, Carlos Manuel de Céspedes et Francisco Vicente Aguilera, excédés par les abus fiscaux espagnols et la trop grande dépendance de l’île vis-à-vis de la métropole. Ce groupe s’était mué en une loge maçonnique dont les membres se réunissaient sous le sceau du secret, ce qui explique que la rébellion ait été préparée dans la plus grande discrétion. Ce 10 octobre, un véritable soulèvement secoue l’île : Céspedes a rassemblé 160 partisans ou mambis à La Demajagua et annonce qu’il a libéré et armé ses esclaves. Une colonne se met en marche, remporte des victoires à Yara, Jiguani et s’empare de la ville de Bayamo. De nombreux esclaves libérés et des paysans cubains se joignent au mouvement.
Novembre 1868 : La révolte s’étend à l’ouest, vers Camagüey, menée par deux hommes issues de riches familles de planteurs, Salvador Cisneros Betancourt et Ignacio Agramonte rejoints par un soldat, Manuel de Quesada.
La guerre de Dix Ans est à la fois une guerre civile et une guerre raciale opposant des propriétaires, des esclaves et des hommes de couleur libres à l’armée espagnole soutenue par d’autres propriétaires.
Janvier 1869 : Les forces de Céspedes sont défaites.
Février 1869 : L’Assemblée réunie par le pouvoir insurrectionnel, qui s’est proclamé la « République en armes », abolit l’esclavage de manière immédiate et sans compensation ni rachat.
L’Espagne entreprend la répression : Céspedes doit abandonner Bayamo et le pouvoir civil de Cuba libre se dissout. La Havane, tenue par les Espagnols, est en proie à la violence, due à la formation d’un corps contre-révolutionnaire de 30 000 hommes qui multiplie assassinats, déportations et incendies de plantations.
Avril 1869 : Adoption d’une Constitution à l’Assemblée de Guaimaró qui prévoit une Assemblée unique nommant le président de la République. Céspedes devient président et Aguilera secrétaire à la guerre. Dès 1869 apparaissent au sein du camp rebelle des divisions entre partisans de l’indépendance et partisans de l’annexion aux États-Unis.
1873 : Début de l’éphémère Ire République espagnole qui dure jusqu’en 1874, l’année qui voit l’avènement du roi Alphonse XII. Les troubles que connaît la métropole n’empêchent en rien la poursuite de la guerre et aucun des deux camps ne parvient à l’emporter sur l’autre pendant plusieurs années.
1873 : Alors que la guerre se poursuit et qu’aucun compromis ne semble possible, le mécontentement apparaît au sein du camp indépendantiste. Céspedes est alors remplacé à la présidence par Cisneros Betancourt.
1874 : Céspedes est tué dans une escarmouche.
1877 : Le général Martinez Campos, jeune officier qui a combattu à Cuba, arrive comme capitaine général dans l’île pour mettre fin à la guerre. Il défait les indépendantistes.
19 février 1878 : Le pacte de Zanjón officialise la paix. Il signifie le déclin temporaire des aspirations indépendantistes et l’échec du gouvernement de Cuba libre qui a pourtant réussi à durer plusieurs années. Les espérances indépendantistes perdurent au cours des années suivantes et la domination espagnole est désormais rendue responsable de l’injustice sociale. Le traité est parfois mal accepté : le leader noir Maceo, qui tient à l’indépendance et à l’abolition de l’esclavage, s’y oppose et finit par s’exiler.
Le bilan économique de la guerre est lourd : plus de la moitié des ingenios, les plantations ont été dévastées. En outre, de nombreux propriétaires en sortent endettés lorsqu’ils n’y ont pas trouvé la mort. C’est alors que les grands propriétaires terriens perdent leur statut de classe dirigeante au profit des classes moyennes, des paysans et des ouvriers qui obtiendront l’indépendance de Cuba. La guerre a accéléré le développement du processus abolitionniste.
1880 : L’esclavage laisse progressivement la place au salariat et des associations de Noirs voient le jour.
1883 : Pour la première fois, une exploitation sucrière devient la propriété d’une société américaine. Les investissements américains se poursuivent pendant la décennie 1880. En 1895, les États-Unis auront investi à Cuba près de 50 millions de dollars.
1886 : Abolition généralisée de l’esclavage. Cependant, en raison de la faiblesse des salaires des guajiros, c’est-à-dire des paysans cubains, la misère reste grande dans les campagnes.
1891 : Le traité commercial conclu entre Cuba et les États-Unis est à l’origine d’une forte augmentation de la production sucrière de l’île. Le sucre cubain est acheté à 95 % par les États-Unis, qui fournissent en échange à l’île de nombreux produits manufacturés.
1892 : Lors du Ier Congrès des associations noires, plus de cent groupes sont présents. Les Noirs s’affirment désormais comme une force importante au sein de la population cubaine.
10 avril 1892 : Naissance du Parti révolutionnaire cubain (PRC) censé être l’instrument de l’unité nationale et coordonner l’action des diverses factions anticoloniales. Le fondateur en est José Martí, penseur né en 1853 d’immigrés espagnols, ardent patriote et anticolonialiste farouche. Il écrit en effet : « La patrie exige des sacrifices. Elle est un autel et non un piédestal. On est à son service et on ne saurait s’en servir. » Le nouveau parti doit « créer une nation ample et généreuse fondée sur le travail et l’équité » dans un esprit démocratique. À ses yeux, le problème cubain est essentiellement racial : il parle dans une lettre à Maceo, l’un des futurs leaders du mouvement indépendantiste cubain, de la nécessité du pardon et de l’égalité entre les deux races.
José Marti
Pour Martí, indépendance et révolution sont deux choses bien distinctes. Il faut la première pour pouvoir donner tous leurs droits aux prolétaires, comme le préconise Marx dont il s’inspire. L’indépendance doit s’acquérir sans l’aide des États-Unis que Martí qualifie de monstre et Cuba doit se forger des institutions nouvelles qui lui soient propres et non importées de l’étranger.Déjà en mars 1889, Martí avait publié dans The Evening Post un article intitulé « Défense de Cuba », où il s’opposait à une éventuelle annexion aux États-Unis. Martí prône l’hispano-américanisme en opposition à l’impérialisme américain.
Marti
1893 : Le gouverneur Emilio Calleja accorde l’égalité civile aux Noirs de l’île.
1894 : La situation est difficile à Cuba à tous points de vue. Sur le plan politique, à Madrid, les Cortes repoussent un projet de statut pour Cuba présenté par Antonio Maura, ministre espagnol des Territoires d’outre-mer. Quant à la situation économique, elle n’est guère florissante en raison de la chute des prix du sucre qui entraîne une augmentation du chômage. À la même date, Martí tire la conclusion que les Cubains n’ont d’autre solution pour s’affranchir de la tutelle espagnole que la lutte armée et la guerre révolutionnaire.
24 février 1895 : La guerre d’indépendance débute à Baire sous l’impulsion de José Martí qui la prépare depuis de longues années. Plusieurs éléments du contexte international favorisent le déclenchement de l’insurrection : la dépression mondiale de 1893, la chute des cours de la canne à sucre concurrencée par la betterave, ainsi que l’agitation des anciens esclaves qui se sentent oubliés depuis la loi d’émancipation de 1886.
23 mars 1895 : Martí signe avec Maximo Gómez, chef militaire du soulèvement, le Manifeste de Montecristi qui expose les buts de guerre. On y lit ainsi : « La guerre, dès le départ saine et vigoureuse, que rouvre aujourd’hui Cuba… ne se réduit plus seulement, aujourd’hui, au pieux désir de rendre pleine vie au peuple… La guerre d’indépendance de Cuba, nœud de cette gerbe d’îles où se rencontreront, d’ici à quelques années, les messagers commerciaux des divers continents, est un événement de grande portée humaine ; c’est un service à point nommé que l’héroïsme judicieux des Antilles rend aux nations américaines, à l’équité de leurs rapports ainsi qu’à l’équilibre encore mal assuré du monde. »
Des rebelles arrivent du Costa Rica et de Saint-Domingue et envahissent la partie orientale de l’île. En réaction, l’Espagne envoie des troupes qui mènent une répression sévère.
15 avril 1895 : Martí est nommé major général de l’Armée de libération.
21 avril 1895 : A. Maceo prend la tête de la province d’Oriente, bientôt rejoint par José Martí, chef civil de la guerre et par M. Gómez.
19 mai 1895 : Martí est tué à Dos Rios en combattant contre les Espagnols. La perte est énorme pour les partisans de la révolution.
Septembre 1895 : La Constitution de Jimaguayu instaure une République démocratique et les mambis, les indépendantistes, obtiennent des succès militaires. La guerre contre les Espagnols est terrible et les pertes humaines sont nombreuses.
1896 : Les civils cubains sont victimes de la répression menée par le général Valeriano Weyler qui applique la reconcentracíon consistant à regrouper les femmes et les enfants dans des camps. Les conditions de vie y sont si difficiles que beaucoup y meurent. Weyler avait expérimenté ce système à petite échelle durant la guerre de Dix Ans et ses méthodes sont immédiatement critiquées par les États-Unis et les exilés cubains qui s’y trouvent.
Décembre 1896 : Mort du leader indépendantiste noir Maceo, tué par surprise par des Espagnols. La mort de celui que l’on nommait « le Titan de bronze » est un coup dur pour l’Armée de libération. Seul reste Maximo Gómez qui doit mener la guérilla.
1897 : Les événements sont favorables à l’Espagne qui rappelle le général Weyler. Il est alors remplacé par le général Blanco chargé d’une « mission de pacification ». Celui-ci constitue un gouvernement formé d’autonomistes et de réformistes de La Havane, mais refusé par les mambis. Cela provoque des émeutes dans la capitale. Pour protéger leurs intérêts à Cuba, les États-Unis y envoient le cuirassé Maine. C’est le début de l’intervention et de l’invasion américaines à Cuba. Cependant, sans les États-Unis, l’indépendance à Cuba n’aurait pas été possible.
25 janvier 1898 : Le cuirassé Maine jette l’ancre à La Havane.
15 février 1898 : L’explosion du cuirassé Maine dans le port de La Havane, où 260 soldats américains trouvent la mort, justifie l’intervention américaine. Le Sénat vote l’intervention directe en déclarant la guerre à l’Espagne « pour la libération de Cuba ».
10 avril 1898 : La reine d’Espagne demande l’armistice mais aux États-Unis le parti belliciste l’emporte au Sénat qui vote la guerre par 42 voix contre 35. Cette guerre « pour la libération de Cuba », qui doit être « altruiste et morale », est aisément menée par les États-Unis sur mer comme sur terre.
20 avril 1898 : Les États-Unis signent la Joint Resolution, dans laquelle ils s’engagent à ne pas exercer de domination sur Cuba, excepté dans le cadre de la pacification de l’île. En fait, ils se donnent la possibilité de fixer le type de gouvernement de Cuba après la pacification et ne reconnaissent pas la République en armes comme gouvernement. Cuba est rapidement occupée militairement par les Américains et placée sous l’autorité d’un général américain.
25 octobre 1898 : Le traité de Paris ôte à l’Espagne Cuba, les Philippines, Porto Rico et l’île de Guam. Cuba obtient l’indépendance mais celle-ci se révèle en réalité toute formelle en raison de la mise en place d’un statut provisoire de tutelle américaine, accompagnée d’une occupation militaire de quatre années. Cette forme de néo-colonialisme politique se substitue au joug espagnol et ne fait que renforcer la présence économique et commerciale des Américains sur l’île. Les trente années de lutte pour l’indépendance ont été inutiles. Contrairement à ce qui s’était passé dans les autres colonies de l’empire espagnol, les colons espagnols ne quittent pas Cuba dont la société reste coloniale. La stratégie d’intervention des États-Unis, inspirée à la fois par des motifs géopolitiques et des intérêts commerciaux, a été finalement couronnée de succès.
SOURCES : persée, wikipédia, l’Amérique latine de Georges Fournial, Clio, voyages culturels