Cuba à l'honneur : Le habano se consume pour vous
Publié le 10 Janvier 2012
Cuba se fume
"Habano un jour, habano toujours"
Je vois enfin le bout de ce Havane qui m'a imprégné plus que je ne le souhaitais mais une fois que j'avais mis le nez dedans, il a fallu que je comprenne toute la culture et la fabrication pour la retranscrire au mieux.
C'est un beau voyage sur cette petite île si particulière, que je vous propose et j'espère que les amateurs de cigares seront satisfaits de mon travail. Et qu'ils me corrigeront au besoin si par mégarde j'ai écrit des bêtises.
Bonne lecture, savourez-bien toutes les saveurs et toutes les senteurs en prenant le habano dans le bon sens !!
Caroleone
Le cigare cubain doit être appelé habano et non Havane afin de respecter son appellation d’origine
protégée.
Le cigare est un produit naturel souvent comparé au vin même si la comparaison est parfois exagérée. Sa qualité dépend de
celle des feuilles utilisées pour sa fabrication, tout comme celle du vin dépend du cépage utilisé.
L’histoire du cigare est une véritable épopée de la culture cubaine, c’est aussi une longue histoire à narrer pour faire
découvrir ses secrets de fabrication mais je ne peux envisager de débuter cette année de Cuba sans passer par ce sujet si typique.
Alors, c’est parti, accrochez-vous, vous allez en avoir pour votre argent !!
La rébellion qui permit au tabac de se développer
Le tabac est le symbole de l’Homme libre contrairement au sucre qui fit tomber de nombreux esclaves. Les aborigènes cubains, longtemps libres, se sont suicidés en
masse lorsqu’ils se sont sentis oppressés par le joug espagnol. Quant aux agriculteurs, libres également, ils ont développé la culture du tabac pour en faire une des plus riches traditions
cubaines.
Alors que personne ne pensait à la chute de l’empire espagnol dans ces colonies américaines, une série de révoltes paysannes mit en crise le gouvernement de la «
toujours très fidèle » Île de Cuba. Entre 1717 et 1723, les vegueros (planteurs) de la région de La Havane se sont rebellés plusieurs fois contre la « régie du tabac » mise en place par Madrid et
interdisant le libre commerce de cette plante.
Le soulèvement s’est terminé par une confrontation directe entre l’armée espagnole et les vegueros armés de leurs outils de travail. Un des agriculteurs a été tué
et onze autres ont été faits prisonniers. Le gouverneur espagnol ordonna leur exécution et l’exposition de leur corps sur le chemin de Jesús del Monte, une des principales voies d’accès à la
ville de San Cristóbal de La Habana.
La fin de la révolte marqua le début de l’exode des plantations de tabac vers l’ouest de l’Île dans les environs de Pinar del Rio. Depuis le XVIème siècle, quelques
petites parcelles s’étaient maintenues dans cette région mais ce n’est qu’à partir du XIXème siècle que les plantations se sont étendues jusqu’à devenir la principale activité de la population
résidant entre San Luis et San Juan y Martínez (zone plus connue sous le nom de Vueltabajo).
Histoire du habano
behique
En 1492, quand Christophe Colomb débarque à Cuba, il remarque que les indigènes inspirent la fumée émanant de la combustion de plantes. A son retour sur le continent, il introduit le tabac en Occident et démarre ainsi la légende du cigare…
Chronologie du cigare
• 1492 : Christophe Colomb découvre le tabac à Cuba et le rapporte en Europe.
• 1676 : naissance du cigare à Séville.
• 1762 : première manufacture de cigares aux USA
• 1799: ouverture de la première manufacture à La Havane.
• 1815 : Napoléon lance la fabrication de cigares en France.
• 1817 : abolition du monopole royal d’Espagne à Cuba. Ouverture de centaines de manufacturiers.
• 1825 : création du registre des marques de La Havane.
• 1961 : embargo américain sur Cuba qui entraîne la création de nouveaux terroirs en Jamaïque, au Mexique, en Floride et à Saint
Domingue.
Le nom havane est employé la première fois en 1799 sur un document de la Junta de la factoria de Tabacco. Ce sont les marins espagnols et portugais qui le
consomment jusqu’au début du XIXe siècle.
Cuba en 1818 possède plus de 400 manufactures, des ateliers de petite taille, les chinchales.
Après le 23 juin 1917 il se répand dans toute l’Europe, c’est la ruée.
Le véritable essor du havane (nom qu’il a reçu à cause de la ville et du port d’où il provenait) commença vers les années 1940 fit son entrée dans les salons
européens. On lui attribuait des pouvoirs curatifs sur les états d’âme ; la mélancolie et la tristesse.
Appellation d’origine protégée (AOP)
En 1967, le habano est protégé par une AOP. Il n’y a que le cigare roulé à Cuba à partir de feuilles récoltées à Cuba qui a droit à cette appellation.
A La Havane
Disons tout d’abord que Fidel Castro ne fume plus de cigares depuis 1986, et ce pour soutenir la campagne contre le tabagisme dans un pays affichant l’un des taux
les plus élevés de fumeurs au monde. Cependant, La Havane demeure un haut lieu des fumeurs dans une île où le tabac joue un rôle complexe dans l’histoire, la culture et la vie
quotidienne.
Une visite de la fabrique Partagás, située derrière le Capitole et consacrée à cet art depuis 1845, s’impose pour aller aux sources du tabac cubain. Là, les
visiteurs, y compris les non fumeurs les plus récalcitrants, auront la possibilité d’apprécier le processus de fabrication. La civette de cette manufacture, La Casa del Habano, pourrait être
considérée comme la plus renommée au monde.
Les régions cultivatrices
- ORIENTE : Bayamo et Baracoa
- REMEDIOS : zone comprise entre Sancti Spiritus et Sant Clara. La plus grande et la plus
ancienne région productrice, feuilles destinées au Guantanamera et aux José L Piedra.
- PARTIDO : (près de la Havane) : confection des grands havanes faits à la main (feuilles de
cape)
- SEMI VUELTA : feuilles de tripe et de sous-cape, graines de semis
- VUELTA ABAJO : région de Pinar del Rio : San Luis et San Juan y Martinez sont les 2
villages qui produisent les meilleures feuilles de cape.
« Les bons cigares font les bons amis »
Ediciones limitadas
Chaque année, Cuba produit trois vitoles en édition limitée (ediciones limitadas), ce sont des modules inédits dans un label, roulés dans une feuille de cape qui a
vieilli au moins deux ans et fabriqués en quantité limitée. D’après les dirigeants cubains, ces éditions limitées doivent participer à la revalorisation du catalogue des havanes.
Ces modules inédits sont réservés pour deux ans à un seul pays : la France a été servie en 2007 avec le « Libertador de Bolivar » et « l’obus de Juan Lopez
».
vitole Juan lopez
vitole Bolivar
La culture du habano
Elle dure 4 mois entre le semis et la cueillette mais le travail de préparation du terrain ainsi que la culture durent 9 mois. Les bourgeons sont enlevés
systématiquement à la main afin de ne pas nuire au développement de la plante. Les plants destinés à la production de feuilles de capes (les meilleurs cigares) poussent sous un voile protecteur
en mousseline (tepados) qui est porté sur des piquets. Cela leur évite de devenir huileuses suite à l’agression solaire. Ce sont des hommes juchés sur des échasses qui effectuent la pose des
mousselines.
un voile sur les feuilles les plus précieuses
1. Le semis
Il est effectué sur un terrain plat afin que le ruissellement n’emporte pas les graines. Les semis sont parfois recouverts de paille ou de tissus pour les protéger
du soleil. Le terrain doit être bien préparé, correctement labouré et très friable. Les semences sont fournies gratuitement aux vegueros qui possèdent leurs propres terres.
30 jours après environ…..
2. Le repiquage
Le tabac est une plante hivernale, le repiquage s’effectue d’octobre à janvier.
Les pousses sont repiquées dans des champs de tabac, l’arrosage se fait naturellement (pluie ou rosée) ou artificiellement avec une irrigation au sol. La taille
idéale du plant sera atteinte au bout de 45 jours.
45 jours après…..
3. La cueillette
champs de tabac à Vinales
On distingue trois parties sur le plant de tabac
- Le sommet (corona)
- Le milieu
- Le bas
Cinq types de feuilles sont nécessaires à la confection d’un habano :
- La tripe ou tripa comporte trois feuilles : ligero, seco et volado
Elles sont retenues par la sous-cape (capote)
La cape (capa) habille le cigare.
La cueillette se fait principalement à la main.
Feuilles de cape : elles sont rassemblées en paquets de 5 (planchas)
La cueillette en 6 étapes
- La base ou libre de pied (libra de pie) : elle n’est pas utilisée pour les capes
- Un et demi (uno y medio)
- Milieu léger (centro ligero)
- Milieu mince (centrofino)
- Milieu épais (centro gardo)
- Sommet (corona)
Chaque étape de la cueillette demande une semaine. Les meilleures feuilles sont celles du milieu de la plante, celles du sommet trop huileuses servent pour la
tripe.
feuilles de cape et sous cape
4. Le séchage
Les feuilles sèchent à l’air et au soleil dans les « casas de tobaco », La maison du tabac est une maison en bois au toit de palmes qui n'est jamais fermée, c'est
ici que les feuilles sont entreposées par paires sur les cujes (des grandes perches de bois qui supporte 50 paires de feuilles) afin de sécher à l'air libre, mais sans l'agression du
soleil.
Elles sont ensuite mises en boisseaux et expédiées dans des caisses en écorce de palmier royal (yagua)vers les fabriques de la Havane.
La chlorophylle va se transformer en carotène et virer du vert au brun. Les feuilles sont ensuite descendues des perches et entreposées en les regroupant par type.
Les paquets entreposés dans des caisses partent ensuite vers les ateliers de tri ou « escogida ». Les feuilles seront séparées, humidifiées, aérées et ensuite aplaties et ficelées en paquets de
50.
45 à 60 jours après…….
5. La fermentation
Elle se fait sous des toiles de jute pendant un à trois mois, les capes étant les moins fermentées. Ce procédé libère l’ammoniaque et d’autres impuretés.
6. Le tri
Ce sont souvent les femmes qui y travaillent.
On distingue 3 catégories à trier :
La cape, la sous cape et la tripe
Les capes poussées sous abri sont classées par couleur, ligero(clair), viso(luisant), amarillo(jaune), medio tiempo (moyen) et quebrado(brisé). Les capes sui ont
poussé au soleil sont réparties en volado, seco, ligero, medio tiempo.
choix de la cape
« La robe fait l’avocat, la cape fait le cigare »
7. L’écôtage
C’est le « despalillo » qui consiste, une fois que les feuilles cassées sont écartées à enlever la nervure centrale des feuilles avant de les aplatir. Ce travail
est également effectué par les femmes qui se nomment les « despalilladoras ».
8. La deuxième fermentation
Après la pose d’une toile sur les feuilles, il est procédé à une deuxième fermentation :
60 jours pour les ligero
45 jours pour les seco
35 à 40 jours pour les capes
Pour les feuilles de tripe et sous-cape, dès leur arrivée à la manufacture, leurs ballots sont inspectés, et elles sont placées dans des barils en bois avant d’être
utilisées par les torcedor.
Cette fermentation permet d’uniformiser les arômes du tabac, diminue la teneur en acidité, goudrons et nicotine et rehausse le goût.
Les feuilles partent ensuite vers les entrepôts, en ballots d’écorce de palmier (tercios) qui préservent leur teneur en humidité. La période de maturation peut
atteindre jusqu’à deux ans.
Toutes ses opérations de fermentation et de sélection qui sont essentielles à la réussite d’un bon cigare doivent être l’objet des plus grands soins.
C’est durant cette période que les directeurs des fabriques, accompagnés de leur chef de liga (véritables maîtres du cigare)
En fonction de leurs besoins et de la qualité des récoltes, les responsables sélectionnent les diverses qualités de ligero, seco, volado nécessaires à la
réalisation de chacune de leurs vitoles. Car toutes les feuilles de ligero, par exemple, ne présentent pas les mêmes qualités. Et c’est tout l’art du chef de liga que de savoir quelle qualité de
ligero conviendra pour que telle vitole offre, d’une année sur l’autre, les mêmes caractéristiques.
La confection d’un habano
Quelques chiffres sur les manufactures
1818 : il existait plus de 400 manufactures
Jusqu’au XIXe siècle, les producteurs n’exportaient pas ou peu de cigares. Ils étaient réservés à leur usage.
1863 : 516 ateliers employaient 150128 tabaqueros
2003 : 51 manufactures travaillent pour l’exportation de 32 marques (248 vitoles et 359 références) mais il n’y a, à La Havane que quatre grandes fabriques
(H.Upmann-Montecristo, Partagas, El Laguito et La corona)
Le cœur des manufactures : La galera
C’est le lieu où opèrent les torcedores. Elle est nommée ainsi parce que les premières fabriques importantes du début du XIXe siècle étaient les prisons. De ce
passé est restée l’habitude d’asseoir les torcedores en rangés comme des galériens.
Derrière les torcedores se tient sur une estrade le lecteur qui les surveille et qui vient également de l’héritage du temps des prisons. A présent il est rémunéré
par l’état.
le lecteur
Le torcedor
Pour devenir torcedor (ou rouleur) il faut être admis après une sélection effectuée dans chaque école qui entretient chaque marque. Les cours sont dispensés pendant
un an et rémunérés par un petit salaire.
Au début le torcedor démarre en 7e catégorie ce qui consiste en la confection de cigares de petits modules (jusqu’au petit corona).
Avec le temps, les plus doués peuvent accéder à la 8e catégorie, consacrée à la confection des cigares importants, les coronas, les coronas grandes, robustos
etc….
Ensuite, le passage à la 9e catégorie qui est celle qui consiste au soin de rouler les plus prestigieux cigares : churchills, doubles coronas, obus.
les torcedores à l'oeuvre
Les outils du torcedor
Chaque torcedor maîtrise le processus de fabrication et utilise le même équipement constitué d’outils traditionnels dont voici le détail :
• Le casquillo : Un emporte-pièce cylindrique.
• Le cepo : C'est le gabarit qui sert de contrôle de la longueur et du diamètre d'un habanos.
• La chaveta : C'est un couteau plat, sans manche, l'outil majeur du torcedor.
• La goma : C'est la colle végétale bien souvent il s'agit de Tragacanthe.
• La guillotine : Elle sert à couper le habano à la bonne longueur.
• La tabla : C'est la plaque de bois (souvent du cèdre massif) sur laquelle le torcedor effectue toutes les opérations.
« Quand le cigare va, tout va «
LA FABRICATION EN 5 ETAPES
1. Réalisation de la tripe (ligua)
C’est l’étape la plus importante dans l’identité de chaque habano. Cette étape est celle où le torcedor va choisir les feuilles qui constitueront la palette
aromatique du cigare. Le torcedor sait parfaitement ce que chaque mélange qu’il effectue va produire comme résultat, c’est un secret que chacun garde précieusement.
Pour faire la tripe, il faut plier et aligner les feuilles de manière à laisser l’air circuler librement à l’intérieur du habano. Les feuilles sont rangées
également de sorte que l’extrémité la plus riche et la plus forte soit en tête du cigare.
2. Réalisation de la poupée
La poupée est l’ensemble constitué de la tripe et de la sous-cape qui l’entoure. C’est à ce moment de la fabrication que le cigare prend sa forme qui sera donnée
par la pression uniforme sur toute la longueur qu’exercera le torcedor.
La forme finale est acquise lorsque le cigare est placé dans un moule en bois pendant 20 à 30 minutes.
Avant de poser la cape, on vérifie le tirage du cigare pour s’assurer que celui-ci pourra être fumé et offrir une bonne aspiration.
3. La pose de la cape
La cape, c’est l’enveloppe extérieure du habano. Elle enroule tout le habano du pied jusqu’à la tête, les nervures se trouvant à l’intérieur afin de donner une face
extérieure la plus lisse possible.
4. La finition de la tête
Le torcedor doit découper dans ce qu’il reste de feuille de cape un morceau surnommé « le drapeau » qui entourera la tête afin de bien fermer l’extrémité. L’outil
nommé « casquillo » permet de découper un disque et ce dernier tiendra à l’aide d’une pointe de colle végétale.
5. La phase finale
6. Découpe du habano à la bonne longueur standardisée par chaque type de module, à l’aide la guillotine.
Ensuite le torcedor regroupe ses cigares par botte de 50(demi-roue) dans laquelle il glisse sa marque. Dans chaque boîte, un cigare sera vérifié et pesé pour voir
s’il correspond aux normes de la vitole demandée.
Ne manquez pas la suite de l'article.....à tout de suite !!
Caroleone