Colombie : Les u'wa
Publié le 17 Novembre 2012
LES U’WA
Peuple amérindien de Colombie habitant la Sierra Nevada del Cocuy sur la cordillère orientale des Andes.
Population : 7581 (2005)
Langue : tunebo, langue chibchane du nord de la Sierra Nevada del Cocuy
Peuple semi-nomade d’agriculteurs, chasseurs, pêcheurs cueilleurs
Leur nom en langue tunebo veut dire : « Les gens intelligents qui savent parler ».
C’est l’un des derniers peuples de Colombie qui vit encore traditionnellement.
Localisation plus précise :
Départements de Arauca, Norte Santander, Santander, Boyaca, Casanare, de l’extrémité de la Sierra Nevada del Cocuy aux plaines situées au pied des montagnes au sud à la vallée de Pamplona au nord.
Laguna grande dans la Sierra Nevada del Cocuy
Il ne subsiste plus que trois groupes ou clans sur les 8 (9 ?) Originaires, ils sont organisés en familles plus ou moins dispersées.
Les trois clans :
- Kubaruwa (Cobaria)
- Tagrinuwa (Tegria)
- Kaibaka (Bokota)
Ils ont tout comme de nombreux peuples indigènes été victimes des colonisations des conquistadors jusqu’aux missionnaires.
Culture écologiste
Le peuple U’wa est écologiste, mythique et poétique. Ses pratiques culturelles sont destinées à maintenir l’équilibre entre la forêt, les cultures, les hommes et les esprits. Semi-nomades, ils montent et descendent les versants andins de 1600 à 4000 mètres en fonction d’un calendrier rythmé par les solstices.
A chaque altitude, ils sèment les plantes nécessaires à leur alimentation. A la saison sèche ils habitent les terres basses et à la saison humide ils s’installent en zone montagneuse et le mois d’équinoxe aux pieds des monts.
Leur production agricole est celle du maïs, du manioc, de l’avocat, des piments, de la pomme de terre.
Ils complètent cette dernière par la chasse à l’arc ou aux pièges, la cueillette, la pêche à la ligne.
Organisation sociale
C’est la réunion des werjayas, les sages ou caciques et des karekos ou guérisseurs (le cabildo) qui décide des déplacements en montagne, qui fait respecter le calendrier des cérémonies, donne les noms aux nouveau-nés, prépare le passage à l’âge adulte des fillettes.
Les chefs spirituels organisent les jeûnes qui sont des rituels d’une grande importance dans la vie u’wa car ils aident à maintenir l’équilibre de la terre. Pendant les jeûnes, aucunes personnes extérieures à la communauté ne sont autorisées à visiter les territoires où ont lieu les rituels.
Selon la loi u’wa, la loi de la vie ou la loi du monde, quelque chose de sacré est inviolable :
« Nous autres nous n’avons pas eu l’insolence de violer les églises ou les temples du riowa qui lui par contre a sali et séché nos lacs ».
Dans le département d'Arauca
Leurs connaissances ancestrales et leurs instruments d’étude qui sont la coca et le yopo, éléments vivants qui viennent du ciel, le pétrole ou Ruiria leur donne de la force et de la vie ainsi qu’aux arbres, aux animaux et au monde. Ruiria est la mère de tous les sacs sacrés. Ils contrôlent leur milieu et leur comportement est en relation avec leur environnement, ils trouvent également une explication dans les mythes, les croyances, les coutumes qui sont vieux comme la planète.
Dans la recréation du mythe des origines, Sira situa le pétrole sous les montagnes comme un lien entre les mondes d’en haut et d’en bas. Cette représentation permettait de trouver une explication mythico religieuse aux impacts environnementaux de l’activité pétrolière en Arauca, en particulier dans la destruction de la lagune de Lipa et les inondations chroniques dénoncées par les secteurs sociaux de ce département. Pour les u’wa, toucher le pétrole provoquerait non seulement un désordre cosmique à travers l’assèchement du sous-sol, mais aussi la destruction de la culture, une perte de sens qui conduirait à l’ethnocide, puisqu’ils n’auraient plus de monde sur lequel veiller : « Si l’exploitation de ruiria commence, les raisons pour lesquelles existe le peuple u’wa disparaîtraient, ainsi tous les u’wa mourront….mais si cela se produit, le monde mourra aussi, parce qu’alors il n’y aura personne pour maintenir l’équilibre. »
(..) Face à cette perte de sens et à la menace physique imminente, la décision de se suicider collectivement, annoncée par les u’wa en juin 1995 paraissait découler d’un raisonnement logique : (..) face à la mort certaine (entrainée par) la perte de nos terres, l’épuisement de nos ressources naturelles, l’invasion de nos sites sacrés, la désintégration de nos familles et de nos communautés, le silence de nos chants et la méconnaissance de notre histoire, nous préférons une mort digne, propre à l’honneur de nos ancêtres, qui défièrent la domination des conquérants et missionnaires : le suicide des communautés u’wa.
L’éventualité du suicide collectif, réitérée au fil des textes et communiqués publiés au nom des autorités traditionnelles, fut largement diffusée par la presse nationale et internationale. Cette menace ne pouvait être négligée des pouvoirs publics et des entreprises associées dans le projet Samoré /Siriri. Suivant la typologie de Durkheim (1986 : 238), c’était alors un cas de suicide altruiste obligatoire, lié à la perte d’honneur et d’auto châtiment, par opposition au suicide égoïste anomique ou fataliste. Le suicide altruiste implique des individus si intégrés à leur communauté qu’ils sont incapables de faire face à un revers les affectant. Dans ce cas, la co-action sociale est si forte que le destin de quelques-uns prend fin ave »c celui des autres.
« Notre loi est de ne pas prendre plus que ce qui est nécessaire, nous sommes comme la terre qui se nourrit de tous les êtres vivants mais ne mange pas trop parce que sinon tout se terminerait. Nous devons prendre soin, ne pas maltraiter. Chez nous il est interdit de tuer avec un couteau, une machette ou une balle. Nos armes sont la pensée et la parole ; notre pouvoir est la sagesse. Nous préférons mourir plutôt que de voir nos objets sacrés majeurs profanés »
Chronologie succincte des luttes contres les compagnies pétrolières
- Le 21 mai 1991, le bloc Samoré est délimité sur le territoire u’wa. Les entreprises pétrolières Occidental de Colombie et Ecopetrol opèrent jusuq’en 2002 sur ce qui devient le bloc Siriri en mars 2000. Au début de l’exploration les u’wa possédaient deux propriétés collectives (resguardos) et une réserve qui totalisaient moins de 100.000 hectares.
- 1992: la société "Occidental Petroleum company" (Oxy) de Los Angeles obtient une licence afin d'exploiter le pétrole du territoire U'wa's.
Et ce, en violation d'une décision de 1991 stipulant que la communauté doit être consentante pour toute exploitation sur leur territoire.
- Mars 1993 : ils sollicitent la création d’un territoire légal unique d’une superficie de 200.913 hectares incluant les parcs nationaux du Cocuy et de Tama. Le territoire unique revendiqué par les u’wa coïncidait avec le bloc Siriri ce qui conduit à d’âpres négociations avec l’institut colombien de réforme agraire (INCORA) chargé de dessiner les contours du territoire.
- Avril 1997 : les u’wa déposent une plainte contre le gouvernement colombien devant la commission interamériciane des droits de l’homme de l’OEA pour absence de consultation en bonne et due forme et de mesures nécessaires pour protéger l’intégrité personnelle, culturelle , économique et écologique du peuple u’wa.
- Juin 1997, l'Université de Harvard réalise une étude avec la médiation de l'Organisation des États américains (OEA), où il est recommandé "la suspension immédiate et définitive du projet."
Les U'wa ont également porté leur affaire devant la Commission interaméricaine des droits de l'homme faisant valoir leur droit à un environnement propre et le droit fondamental à la vie n'est pas compatible avec l'exploitation pétrolière.
Berito KuwarU'wa Carwil
- Juillet 1997 : KuwarU'wa le leader u’wa est tiré de son lit par un groupe d'hommes cagoulés avec des fusils. Les assaillants exigent que le chef tribal signe une convention d'autorisation, sinon il sera tué. Après avoir refusé de renoncer à l'héritage de sa tribu, KuwarU'wa est battu et poussé dans une rivière où il manque de se noyer. L'OEA ordonne alors au gouvernement colombien d'assumer la responsabilité de la protection de KuwarU'wa.
- Mai 1998, la société américaine annonce qu'elle quitte les terres qui lui sont attribuées mais elle cherche à conserver les droits de forage d'un nouveau puits sur le plus grand territoire ancestral U'wa.
Les U'wa n'ont pas répondu officiellement à cette nouvelle proposition (sur lequel ils n'ont jamais été consultés), et attendent de voir comment le gouvernement colombien réagit aux recommandations de l'Université de Harvard.
- Août 1999 : le gouvernement colombien octroie officiellement 120.000 hectares de terres aux u’wa ce qui étend leur territoire à plus de 220.000 hectares, il s’appellera désormais « resguardo indigena unido u ‘wa ».
Toutefois, la totalité du territoire ancestral U'wa n'est pas reconnu par l'État. Et c'est à l'intérieur de ce territoire que se trouvent les parcs naturels de la Sierra Nevada del Cocuy et de Tama, la réserve Unie U'wa mais surtout le Bloc Samoré, le projet d'exploitation pétrolière de la compagnie Oxy, qui comprend 208.934 hectares.
L'état colombien viole de cette manière la convention 169 de l'O.I.T., signée par la Colombie, selon laquelle les peuples indigènes et tribaux ont droit de propriété sur les terres ancestrales et les gouvernements ont l'obligation de sauvegarder les droits des peuples autochtones à utiliser les terres occupées non exclusivement par eux ainsi que de participer à la conservation de ses ressources. Il enfreint aussi la constitution colombienne qui protège les minorités ethniques.
La lutte du peuple U'wa a donc pour objectif le respect de ses droits sur l'ensemble de son territoire ancestral.
- 11 février 2000 : 450 u’wa ont été délogés violemment par les forces armées d’une zone proche du puits d’OXY, trois enfants se sont noyés en fuyant et plusieurs u’wa ont été blessés, d’autres enlevés.
- le 17 janvier 2007, à 9 heures du matin, plus de 30 camions transportant du matériel de perforation qui détruira le cœur de la terre mère au Puits Gibraltar 3 sont entrés en territoire U’wa....
Le conflit suivait deux thèmes génériques, d’un côté la dimension de crise dans les champs économique et social à travers la menace d’ethnocide et de violence généralisée que les u’wa percevaient derrière l’arrivée de l’industrie pétrolière. De l’autre dans les champs éthique et politique s’opposaient la détermination à ne pas négocier les valeurs et l’appel au respect du droit à la différence ou la diversité éthique.
Autour de ce conflit se constitua un mouvement social autour des autorités traditionnelles, les organisations écologistes du réseau d’action des forêts tropicales humides (RAN), l’organisation nationale autochtone de Colombie (ONIC), la centrale unifiée des travaux du Sararé (CUT) etc... Ce conflit fut amplement relayé par la presse nationale et internationale ainsi que les procédures judiciaires ouvertes par les u’wa.
Si l'exploration sur le territoire des U'wa confirme en effet les espoirs des technocrates, on pourrait atteindre une production de 2 milliards de barils. La solution à beaucoup des maux du pays selon les politiques. À moins que ce ne soit l'inverse. Les problèmes actuels ne concernent que la prospection. Que se passera-t-il quand commencera l'exploitation ?
caroleone
Sources : défenseurs environnement blogspot, risal infos, Gaz et pétrole en Amazonie de Guillaume Fontaine, wikipédia